Les PDs constituent une barrière physique que le virus doit franchir pour réussir à passer de
cellule en cellule. Pour cela, la protéine MP des virus a la capacité d’augmenter la SEL des PDs (pour
revues voir(Harries & Nelson, 2008; Waigmann et al., 2004). Comme je l’ai mentionné dans le
paragraphe précédent, les travaux de Su et al. (2010) réalisés sur la protéine MP du CMV et du TMV
suggèrent que ces deux protéines MPs modifient la structure des PDs et contrôlent leur ouverture en
interférant avec le cytosquelette d’actine. Malgré l’importance de cette étape nous ne savons que
peu de choses aujourd’hui sur les mécanismes moléculaires mis en jeu et le processus de transport
des composants viraux et cellulaires au travers des PDs demeure également assez énigmatique.
En plus du cytosquelette d’actine, la callose joue un rôle important dans le mouvement
intercellulaire. En effet, lorsqu’une β1-3 glucanase cellulaire, capable d’hydrolyser la callose, est
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exprimée à partir du génome du TMV, celle-ci favorise la propagation du virus (Bucher et al., 2001).
Ces β-glucanases pourraient également être impliquées dans le mouvement du PVX puisque l’une
des protéines MPs de ce virus, la protéine TGB2p, interagit par la technique du YDH, avec trois
protéines de l’hôte nommées TIPs (pour « Triple gene block interacting proteins ») qui, elles-mêmes,
sont des partenaires des β-glucanases (Fridborg et al., 2003). Ces résultats qui suggèrent que la
protéine TGB2p recrute les β-glucanases via les TIPs pour être adressée aux PDs, doivent être
confirmés in vivo.L’implication de la callose dans la régulation du mouvement des virus au travers
des PDs a été montrée pour le TMV. En effet, la protéine 30 kDa du TMV interagit avec une protéine
ankyrine (ANK) (Ueki et al., 2010) ce qui conduit à une diminution de l’accumulation de la callose au
niveau des PDs et favorise le mouvement des virus vers la cellule adjacente. Notons qu’à l’inverse, il a
été suggéré que le dépôt de callose au niveau des tubes criblés pourrait être une voie de résistance
au TMV (cf paragraphe A.5.b page 36).
La synaptotagmine (SYTA) est un partenaire de la protéine MP du TMV et du Cabbage leaf curl virus
(CaLCuV) qui a été identifiée au cours du criblage d’une banque d’ADNc d’A. thaliana. Cette protéine
est une protéine dite « senseur calcique » qui régule le trafic des vésicules d’endo- et d’exocytose
(Lewis & Lazarowitz, 2010). Dans des mutants d’arabidopsisaffectés dans l’expression de la protéine
SYTA, l’infection systémique par les deux virus est retardée et la propagation intracellulaire de la
protéine MP est inhibée. Les auteurs émettent l’hypothèse que les protéines MPs sont adressées
vers les vésicules endosomales via leur interaction avec la protéine SYTA, et que ces vésicules
seraient ensuite acheminées vers les PDs. Un modèle similaire a également été proposé pour le
Potato mop-top virus (PMTV) dont la protéine MP interagit avec une protéine de plante de la famille
des chaperonnes DnaJ-like de type RME-8 (Receptor-mediated endocytosis) (Haupt et al., 2005a).
Les voies de sécrétion sont également utilisées par le Turnip mosaic virus (TuMV), pour adresser la
protéine de mouvement CI et la protéine P3N-PIPO vers les PDs (Wei et al., 2010). Cette protéine
P3N-PIPO interagit avec la protéine CI et semble importante pour la formation, au niveau des PDs, de
structures coniques essentielles pour le mouvement du virus (Wei et al., 2010). P3N-PIPO interagit,
notamment par YDH et BiFC (Biomolecular Fluorescence Complementation), avec la protéine PCaP1
(Cation binding protein) qui s’associe aux membranes par des myristoylations (Vijayapalani et al.,
2012). L’implication de la protéine PCaP1 dans le mouvement du TuMV a été confirmée par une
accumulation virale plus faible, corrélée à des symptômes atténués, dans des mutants d’arabidopsis
n’exprimant plus la protéine PCaP1 (Vijayapalani et al., 2012). Les auteurs proposent que
l’interaction de la protéine P3N-PIPO avec la protéine PCaP1 entrainerait la formation de complexes
RNPs au niveau des membranes, qui seraient ensuite acheminés vers les PDs.
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Les protéines PDLPs (Plasmodesmata located proteins) sont des protéines qui sont localisées au
niveau des PDs et qui interagissent avec la protéine MP du CaMV et du GFLV. Il a été montré que la
propagation du GFLV et du CaMV est ralentie dans des plantes mutantes n’exprimant plus les
protéines PDLPs et que la présence de ces protéines est importante pour la formation des tubules
constitués de la protéine MP du GFLV (Amari et al., 2010). L’implication de ces protéines dans le
mouvement viral semble spécifique des virus utilisant des tubules car l’inhibition de l’expression de
plusieurs protéines PDLPs n’a pas eu d’effet sur l’accumulation de l’ORMV (Oil-seed rape mosaic
virus) qui utilise une stratégie de mouvement indépendante de la formation de ces structures. Ces
protéines PDLPs pourraient donc servir de récepteurs aux protéines MPs au niveau des PDs pour
permettre la formation des tubules.
Plusieurs protéines kinases ont également été identifiées comme des facteurs potentiels de la
régulation du mouvement intercellulaire des virus via les PDs. Une étude récente a montré que la
majorité des protéines MPs sont phosphorylées au niveau du RE avant d’atteindre les PDs (Tyulkina
et al., 2010). L’exemple que je citerai est une nouvelle fois celui de la protéine MP du TMV qui est
phosphorylée suite à son interaction avec une protéine kinase appelée PAPK (Plamodesmata
associated protein kinase) (Noueiry et al., 1994). La phosphorylation de la protéine MP du TMV
s’effectuerait lors du passage du complexe RNP à travers les PDs et permettrait de contrôler la
transition moléculaire entre l’étape de transport et celle de la traduction/réplication (Rhee et al.,
2000). D’autres protéines kinases capables de phosphoryler des protéines MP ont été identifiées
(Tableau 4) mais le rôle de ces modifications post-traductionnelles dans le cycle viral reste à établir.
Virus Protéines
virales
Protéines de l’hôte (Références)
PVX MP (TGBp1) Kinase de type 2 (Modena et al., 2008) ToMV MP Kinase de type 2 (Matsushita et al., 2000) ToMV, CMV MP MIP-T7 (Yoshioka et al., 2004)
PLRV MP (17 kDa) Kinase C (Sokolova et al., 1997) CaLCuV, TGMV, TCrLYV NSP (Non structural protein)
Proline-rich extensin-like receptor protein kinase (PERK)= NsAK (NSP-associated kinase)
(Florentino et al., 2006)
Tableau 4 : Protéines virales qui interagissent avec des protéines kinases.
Je citerai également une interaction identifiée entre la protéine P8, une des deux protéines de
mouvement du Turnip crinkle virus (TCV), et la protéine d’arabidopsis Atp8 (At1g32230), encore
appelée protéine RCD1 (Required cell differentiation 1). Cette protéine contient plusieurs motifs
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« RGD » (Lin & Heaton, 2001) qui sont caractéristiques des protéines de la matrice extracellulaire
participant à l’adhésion cellulaire (Taliansky et al., 2008). Il est donc envisageable que l’interaction
entre les protéines MPs et la protéine RCD1 soit responsable d’interactions au niveau de la
membrane plasmique facilitant le mouvement intercellulaire mais d’autres études seront nécessaires
pour le préciser.
Enfin, plusieurs protéines chaperonnes ont été identifiées comme partenaires des protéines de
mouvement et des protéines de capside (Tableau 5). Ces interactions pourraient permettre le
remodelage des protéines virales pour assurer leur passage au travers les PDs.
Chaperonnes Virus Protéines virales Fonctions
potentielles
(Références)
NtMPIP1 TMV MP Protéine de la famille des
protéines DnaJ de type I
(Shimizu et al., 2009)
NtCPIP1 PVY CP Recrutement de la protéine
HSP70
(Hofius et al., 2007)
NtDNAJ_like TSWV NSm Protéine de la famille des HSP40,
pourrait recruter les HSP70
(Soellick et al., 2000) (Von Bargen et al., 2001)
cpHSC70-1 AbMV MP Heat shock cognate 70 : transport
viral ou induction de symptômes
(Krenz et al., 2010)
NbDnaJ PVX CP Chaperonne (réplication ou
movement)
(Cho et al., 2011)
DNAJ_like (Riz) RSV Pc4
(MP potentielle)
Dna-J like protein type I (Lu et al., 2009)
HSC70 (Tomate)
PepMV CP Heat shock cognate 70 (Mathioudakis et al., 2011)
Tableau 5 : Protéines virales qui interagissent avec des protéines chaperonnes.