Les virus se déplacent à longue distance majoritairement via le phloème mais également, dans de
très rares cas, via le xylème. Cependant, contrairement aux nombreuses études portant sur les
facteurs de l’hôte impliqués dans le mouvement intra- ou intercellulaire, celles portant
spécifiquement sur le mouvement des virus à longue distance ne sont pas aussi abondantes. Ce
manque de données provient de la difficulté d’étudier le phloème, un tissu enfoui au cœur de la
plante. De plus, les expériences mises en œuvre pour étudier le mouvement du virus dans la plante
ne permettent généralement pas de dissocier le mouvement intercellulaire de celui à longue distance.
Néanmoins, j’ai pu relever dans la littérature un certain nombre d’interactions entre les protéines
cellulaires et virales qui semblent essentielles pour le mouvement à longue distance.
Introduction bibliographique - Les interactions entre protéines virales-protéines de l’hôte impliquées dans le mouvement du virus
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Il a notamment été démontré que la pectine méthyl estérase (PME) de tabac interagit avec les
protéines MPs du TMV, du Turnip vein-clearing virus (TVCV) et du CaMV (Chen et al., 2000; Dorokhov
et al., 1999) et qu’elle joue potentiellement un rôle dans le mouvement à longue distance des virus.
En effet, l’inhibition de l’expression de cette PME, par une construction antisens introduite dans le
génome du tabac, entraîne un retard du mouvement systémique du TMV (Chen & Citovsky).
L’interaction entre la protéine PME et la protéine MP du TMV permettrait à cette dernière d’être
adressée aux PDs grâce aux voies de sécrétion, mais cette hypothèse a récemment été rejetée par
plusieurs études qui ont montré que les voies de sécrétion ne sont pas impliquées dans l’adressage
des protéines de mouvement vers les PDs (Amari et al., 2010; Boutant et al., 2009; Tagami &
Watanabe, 2007). Le rôle exact de la PME dans le mouvement du virus à longue distance reste donc à
éclaircir.
L’implication des voies de sécrétion dans le mouvement à longue distance du TMV, bien que
controversée, a également été suggérée pour d’autres virus (Tableau 6). En effet, ces voies seraient
impliquées dans le retrait des protéines de mouvement au niveau des PDs.
Virus Protéines
virales
Protéines de plantes associées au système sécrétoire et au trafic
vésiculaire
(Références)
TMV 126-kDa Protéine TOM1 associée aux vacuoles, au
RE et aux autres membranes (Yamanaka et al., 2000)
TMV, CaLCuV, SqLCV MP Protéine SYTA associée aux endosomes
et autres membranes (Lewis & Lazarowitz, 2010) CPMV 60K Protéine SNARE-like associée à la fusion
des vésicules (Carette et al., 2002) CaMV MP M17 : Rab acceptor homolog associé aux
membranes des vésicules (Huang et al., 2001) GFLV MP
Protéine KNOLLE (ou SYP111), famille des protéines syntaxines impliquées dans
l’exocytose
(Laporte et al., 2003)
BMV 3aMP
NbNACa1 potentiellement impliquée dans le transport des protéines vers le
réticulum endoplasmique
(Padgett et al., 1996)
Tableau 6 : Protéines virales qui interagissent avec des protéines de plantes associées au système sécrétoire et au trafic vésiculaire.
Des études particulièrement intéressantes portant sur le Groundnut rosette virus (GRV) ont montré
que des protéines nucléaires peuvent jouer un rôle dans le mouvement du virus à longue distance.
Au cours du cycle viral, la protéine cytoplasmique codée par l’ORF3 (P3) de ce virus est transférée
dans le noyau où elle interagit avec la fibrillarine et réorganise les corps de Cajal qui vont ensuite
fusionner avec le nucléole. La localisation nucléolaire de la protéine P3 est essentielle au mouvement
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à longue distance de cet umbravirus qui ne code pour aucune protéine de capside (Kim et al., 2007b).
L’interaction de la protéine P3 avec la fibrillarine entraine la redistribution de cette dernière du
noyau vers le cytoplasme, une étape également indispensable pour le mouvement systémique du
virus (Kim et al., 2007a). Lors de ce transfert, le complexe P3/fibrillarine serait associé à l’ARN viral
sous la forme d’un complexe RNP (Kim et al., 2007a; Kim et al., 2007b). Des études par microscopie à
force atomique (AFM) ont également montré que la protéine P3, la fibrillarine et l’ARN viral, forment
in vitro et in vivo des structures en anneau (Canetta et al., 2008; Taliansky et al., 2003) qui pourraient
être impliquées dans le mouvement à longue distance du virus (Kim et al., 2007a). Enfin, la
découverte récente d’une interaction entre la fibrillarine et la protéine de mouvement TGB1p d’un
hordeivirus (le Poa semilatent virus, PSLV) (Semashko et al., 2012a) renforce l’implication de cette
protéine dans le mouvement des virus.
La protéine 1a du CMV n’est pas seulement impliquée dans la réplication virale mais également dans
le mouvement systémique du virus (Palukaitis & Garcia-Arenal, 2003). En criblant une banque
d’ADNc de tabac par YDH, Kim et al. (2008) ont identifié une méthyltransférase (Tcoi1 pour
« Tobacco CMV 1a-interacting protein 1 »), qui interagit avec la protéine 1a par son domaine
méthyltransférase. La surexpression de Tcoi1 favorise la propagation du CMV alors que son inhibition
ralentit l’infection. La protéine Tcoi1 est capable de méthyler in vitro et in vivo la protéine 1a du CMV
(Kim MJ, 2008) mais le rôle de la méthylation dans le mouvement du virus n’est pas connu.
Par une approche similaire, Li et al. (2005) ont identifié une protéine de tabac appelée IP-L pour
« Interacting protein-L », capable d’interagir avec la protéine CP du ToMV. Le niveau d’expression de
cette protéine (accumulation des ARNm) augmente suite à l’infection par le ToMV et des plants de
tomate n’exprimant plus cette protéine présentent un retard à l’infection. Selon les auteurs,
l’interaction CP/IP-L serait impliquée dans le mouvement à longue distance du virus. En 2008,(Zhang
et al.)ont montré que les protéines CP et IP-L colocalisent au niveau des membranes des thyllakoïdes
des chloroplastes suggérant que cette interaction CP/IP-L pourrait également affecter la fonction des
chloroplastes conduisant à la chlorose observée chez les plantes infectées. Une protéine homologue
de la protéine IP-L (89 % d’identité en acides aminés) a également été identifiée chez le tabac
(NbPCIP1) et interagit in vitro et in vivo avec la protéine CP du PVX (Park et al., 2009). Le gène codant
pour la protéine NbPCIP1 est surexprimé lors de l’infection virale. L’inhibition de l’expression du gène
par la technique du VIGS (Virus-induced gene silencing) entraîne une baisse de l’accumulation virale
et, a contrario, sa surexpression entraîne une augmentation de la charge virale. Les auteurs
proposent que cette interaction soit impliquée, directement ou indirectement, dans le mouvement
du virus, ou dans sa réplication.
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