• Aucun résultat trouvé

Première partie Introduction

Encadré 12. Les locaux atypiques des fédérations départementales

La fédération des Bouches-du-Rhône a vendu ses locaux et partage, à présent, ses bureaux avec ceux de l’union régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur au sein de l’ancien Office Cinématographique de l’Enseignement (Figure 4326). Ce détail, qui peut paraître

anecdotique, permet de relever que les antennes locales occupent des locaux parfois étonnants, constituant une nouvelle fois des spécificités locales, qui traduisent des histoires singulières. Ainsi, les locaux de la fédération du Tarn-et-Garonne se situent dans une rue à sens unique dans la ville haute de Montauban. Il s’agit d’une maison sans signalétique particulière hormis un discret logo, en haut à gauche du bâtiment (Figure 44). La fédération des Hautes-Alpes occupe, quant à elle, le rez-de-chaussée d’un immeuble – telle une vitrine de magasin – et apparaît sous l’appellation ADELHA (Figure 45). La fédération du Vaucluse a investi une ancienne banque. Excentrés du cœur de la ville, les locaux sont peu visibles et se situent dans une ruelle derrière de grands arbres. Aucun panneau directionnel ne signale la position du bâtiment. Si la majorité des fédérations visitées sont relativement difficile à repérer, ce n’est pas le cas de la fédération du Var (Figure 46). Les locaux, situés au carrefour de deux rues, sont particulièrement exposés par les peintures de ses murs extérieurs.

Lors d’un entretien, le délégué général détaille les difficultés de l’antenne locale et précise que celle-ci peut ne supporter de nouveaux employés que si des subventions sont allouées – indirectement – à cet effet. Il dénonce un système de fonctionnement qui met l’association dans une situation doublement précaire. Tout d’abord, une précarité dans l’emploi puisque les financements sont attribués pour une action et non pour un poste salarié, la fédération départementale ne peut donc pas embaucher en contrat en durée indéterminée. Ensuite, elle est confrontée à une précarité financière dans la mesure où la structure associative perçoit le montant de la subvention qu’après avoir réalisé l’action. L’antenne

Chapitre 3. Les fédérations départementales, des ressemblances aux spécificités

172

locale doit, par conséquent, être en capacité de supporter ces coûts de fonctionnement. Ces situations ont conduit la direction à opter pour la mutualisation de certains services entre la fédération du Bouches-du-Rhône et le département voisin du Var.

On doit convaincre en permanence (silence) pour être financer sur des actions parce qu’aujourd’hui on est financé que sur des actions, on n’est pas financé sur des postes. C’est ce qui a changé maintenant. C’est pas la même chose. Donc en gros, lorsqu’on embauche quelqu’un maintenant, dans une association de cette ampleur, enfin employeur… un poste, en face il faut qu’il y ait la subven… enfin la somme qui va pour payer le poste. Sinon prrr ! On ne peut pas embaucher. Il y a déjà eu un plan social très lourd mais parce que la fédération a été dans une situation un peu difficile. Financièrement.

Là, dernièrement vous voulez dire ?

Oui, oui, oui. Depuis 2 ans et demi, on tire la langue. Donc ma venue fait aussi que, je suis un peu aussi là pour conforter le redressement, etc. Mais de fait, si on cherche à mutualiser c’est qu’effectivement les vannes sont de plus en plus coupées. C’est plus un ruisseau, c’est un ru maintenant, en termes d’argent. Donc faut faire avec. Et pour autant, faut qu’on continue d’exister, de… voilà. On rentre dans des logiques, au même titre que l’entreprise privée. Malheureusement. Bien qu’on est sur une logique de préservation de l’emploi, de professionnalisation etc., ben après on peut pas payer si on n’a pas (silence) Plus la difficulté, alors là qui est liée au fonctionnement même associatif, c’est que généralement les actions on les fait et après on touche l’argent.

Délégué général, Bouches-du-Rhône

Cependant, ce dirigeant fait état de « vannes de plus en plus coupées » concernant les subventions perçues. Or, l’étude des comptes de résultats (Graphique 3) présente une partie des recettes (bleu) et des dépenses (orange) de cette fédération littorale, et permet de constater que le montant des subventions a légèrement augmenté entre 2008 et 2011, contrairement aux propos tenus par le délégué général.

Chapitre 3.Les fédérations départementales, des ressemblances aux spécificités

Graphique 3. Comptes de résultats de la fédération des Bouches-du-Rhône de 2008 à 2015

Source : Données issues des comptes de résultats publiés sur le site internet du journal des associations

Par ailleurs, ce graphique atteste que la fédération des Bouches-du-Rhône s’est fortement développée après 2013 et connaît des changements dans son fonctionnement. En effet, entre 2008 et 2014, la vente de produits et de prestations de services constitue un apport plus important au niveau des recettes que celles des subventions. En 2015, la répartition s’est inversée et les montants sont bien plus conséquents : 8 millions de recettes en 2011, près de 14 millions en 2015. Si les éléments d’explications de ce développement demeurent flous, il convient de s’intéresser aux actions menées par cette antenne de la Ligue de l’enseignement, afin de saisir ses pratiques.

Chapitre 3. Les fédérations départementales, des ressemblances aux spécificités

174

Dans la description que le délégué général réalise lors de l’entretien, il revient – à la manière de la présentation des rapports d’activité27 – sur les particularités territoriales, avant de prendre l’exemple d’une action nationale autour de la lecture, puis d’insister davantage sur les caractéristiques de la fédération qu’il pilote en partie.

Chaque territoire a des spécificités qui sont liées à des éléments sociologiques, à des éléments géographiques, etc., etc. Pour autant, on a un projet commun à la Ligue de l’enseignement donc comment on le décline dans les différents territoires ? En tenant compte des spécificités des territoires mais aussi en tenant compte du projet de la Ligue. Voilà. Autre chose ? (Rires) Je vais prendre un secteur, « Éducation » par exemple, on a un dispositif dans le secteur « Éducation » qui s’appelle « Lire et faire lire ». Ce sont des bénévoles généralement retraités qui interviennent, pour simplement le plaisir de la lecture, dans des centres aérés, dans des écoles, voilà. Le dispositif dans le Var c’est 400 personnes. Dans les Bouches-du-Rhône ce n’est que 100 personnes. Donc comment est-ce qu’on fait pour que cette action-là devienne une action interdépartementale, pour renforcer le réseau de bénévoles des Bouches-du-Rhône, conservé celui du Var et en même temps trouver une synergie, puisque les projets et les objectifs sont les mêmes ? Par exemple. Ça ce n’est qu’un petit exemple. Et puis avec une particularité que l’on a dans les Bouches-du-Rhône, encore une fois, ça s’est lié à l’histoire et au territoire, nous gérons des centres sociaux.

Délégué général, Bouches-du-Rhône

La fédération des Bouches-du-Rhône gère, par délégation de service public (DSP), huit centres sociaux : six sur Marseille (situés dans les quartiers Nord de la ville), deux à Arles. Cette spécificité se retrouve dès la classification de l’antenne locale dans le répertoire SIRENE28. En effet, nombreuses sont les fédérations répertoriées sous le code « 9499Z – Autres organisations fonctionnant par adhésion volontaire » au sein du réseau29, or la fédération des Bouches-du-Rhône fait figure d’exception. Elle apparaît dans le répertoire parmi la classe « 8899B – Autre action sociale sans hébergement n.c.a30 » qui « comprend les services sociaux, d'assistance, d'orientation et d'aide aux réfugiés et autres services similaires

27 Le rapport d’activité 2010 débute avec les propos de la présidente et du délégué général de la fédération

départementale. La page suivante fait état du Manifeste « Faire société ». Vient ensuite la vie statutaire (membres élus, salariés, budget, présentation des nouveaux locaux et des partenaires) sur quatre pages, avant le développement des activités de l’antenne locale.

28 Ce répertoire est présenté dans l’encadré 4.

29 La répartition des fédérations départementales selon leur activité principale apparaît dans la carte 2. 30L’INSEE utilise l’abréviation n.c.a pour signifier « non classé ailleurs ».

Chapitre 3.Les fédérations départementales, des ressemblances aux spécificités

rendus aux personnes et aux familles à leur domicile ou dans d'autres lieux. »31. L’action sociale représente alors l’un des sept services de la fédération départementale.

Sachant que la part des étrangers (9,9 %) et celle des jeunes non insérés (16,9 %) se révèlent plus élevées dans les Bouches-du-Rhône par rapport à la moyenne nationale, l’antenne locale mène-t-elle davantage d’actions auprès de ces populations dans ces autres services ? L’analyse du rapport d’activité montre, dans un premier temps, que les projets menés par certains services (« Sport pour tous », « Vie associative », « Vacances et loisirs éducatifs », « Éducation et citoyenneté ») représentent la « vitrine » de la Ligue de l’enseignement, au sens où ils réalisent des actions nationales. Le service « Sport pour tous » développe les actions de l’USEP et de l’UFOLEP. Le service « Vie associative » est centré sur la vie fédérative (junior association, APAC), le service civique, Agenda 21, ou encore des actions comme la « semaine de la solidarité internationale », « Pas d’éducation pas d’avenir »32, et les clubs de réflexion (club citoyen, cercle Condorcet). Le service « Vacances et loisirs éducatifs » met en place des classes de découverte et des voyages scolaires, ainsi que des séjours de vacances33 conventionnés avec la Caisse d’allocations familiales (CAF). Quant au service « Éducation et citoyenneté », ce dernier intervient sur les ateliers relais, la formation des délégués-élèves, sur des actions culturelles et éducatives (Lire et faire lire). Toutes ces actions représentent une activité importante sur la fédération départementale, néanmoins elles n’ont pas de liens spécifiques avec les données territoriales.

En revanche, les services de l’antenne marseillaise présentent des particularités et multiplient les actions réalisées à une échelle locale très restreinte (une ville, un arrondissement, un quartier, un établissement). Ainsi, le service « Éducation et citoyenneté » organise des chantiers d’écriture dans les 10ème, 11ème et 16ème arrondissements de Marseille et un réseau de lecture dans le 15ème arrondissement. Il met en place également des actions en lien avec les valeurs éducatives dans le 14ème arrondissement, priorise des actions linguistiques dans le 13ème arrondissement, ou encore gère une bibliothèque dans l’établissement pénitentiaire pour mineurs. En regardant les caractéristiques des arrondissements mentionnés, il convient de constater que ces actions éducatives sont centrées

31 https://www.insee.fr/fr/metadonnees/nafr2/classe/88.99?champRecherche=false, consulté le 3 juillet 2019. 32 L’objectif de cette campagne consiste à sensibiliser les élèves à la citoyenneté et à la solidarité internationale :

https://www.pasdeducationpasdavenir.org, consulté le 29 novembre 2018.

33 Le rapport d’activité de la fédération des Bouches-du-Rhône précise que : « La Fédération a signé une

convention avec la centrale de réservation, s’engageant à promouvoir la vente des séjours VPT du réseau Ligue, tout en améliorant le chiffre d’affaire réalisé », p. 32.

Chapitre 3. Les fédérations départementales, des ressemblances aux spécificités

176

dans les quartiers Nord de la ville qui concentrent une proportion forte d’individus sans diplôme. Par ailleurs, elles sont limitées à des groupes réduits en termes d’effectifs (Encadré 13) par rapport à la population globale du territoire concerné.