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Première partie Introduction

Encadré 9. Carnet de terrain Notes sur la fédération du Tarn-et-Garonne

Nous partons déjeuner avec le délégué général dans un restaurant où les clients se servent directement au buffet pour les entrées. Alors que nous ne dirigeons vers ce buffet, le délégué général s’excuse pour aller saluer un homme et une femme. Il m’explique par la suite qu’il s’agit d’un médecin, maire de la commune voisine. Il n’en dira pas davantage à cet instant mais par la suite, il mentionne sa volonté d’établir des partenariats avec cette commune.

Par ailleurs, les antennes locales adoptent un comportement rationnel en termes de positionnement territorial, au sens où elles investissent des secteurs enclavés. Au sein des départements étudiés, deux situations ont été repérées. D’une part, il y a celles qui occupent des zones géographiques – comme en Ile-de-France – où il est nécessaire de mener de nombreuses actions envers un public en « difficulté sociale » forte.

La Ligue est à l'image aussi du territoire hein. Dans les Yvelines y a des territoires très, très riches et y a aussi des poches de pauvreté et des territoires plus en difficultés comme les Mureaux, Trappes, Mantes, les territoires politiques de la ville où là y a vraiment beaucoup, beaucoup de travail quoi.

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Et vous avez des actions plus spécifiques sur ces territoires-là ?

Ah ben oui ! Ah ben c'est la moitié de l'activité de la fédé[ration] hein, sur ces territoires-là. Délégué général, Yvelines

D’autre part, la Ligue de l’enseignement s’installe dans des territoires désertés par les associations d’éducation populaire, comme en région Centre. C’est ainsi que la fédération de l’Indre prend place à proximité de la ville de Le Blanc, sur le territoire de la Brenne18 après le départ des derniers travailleurs sociaux. A contrario elle se tient éloignée de territoires au nord-est du département occupés historiquement par d’autres associations.

On est absent d’Issoudun. Ça c’est pour des raisons historiques. Issoudun le maire c’est André Laignel donc maire socialiste, ancien secrétaire d’État, ministre mais il fonctionne qu’avec Léo Lagrange.

Délégué général, Indre

Ce dernier exemple témoigne du lien entre le positionnement territorial – présence ou absence d’un secteur géographique – et les relations entretenues entre les élus politiques et les dirigeants associatifs. Toutefois, une fois implantée, les fédérations départementales doivent être stratégiques dans la gestion du personnel et du budget.

1.3.2. Une polyvalence budgétaire et salariale pour maintenir les projets

Le délégué général incarne une figure politique essentielle pour établir des partenariats nécessaires à la mise en place de projets et d’actions localement. Toutefois, les changements subis en termes de financements contraignent les fédérations départementales à réaliser une répartition budgétaire et salariale rigoureuse. Sur l’aspect financier, la ventilation peut s’opérer sur plusieurs services, c’est-à-dire que certains secteurs supportent les dépenses des autres. Dès lors cette pratique fait apparaître un éloignement des valeurs voire un rapprochement du système marchand. C’est le constat qu’établit le délégué général de la fédération des Yvelines lorsqu’il précise comment les ventes du service « Vacances » permettent de financier des actions qui coûtent de l’argent mais n’en rapportent pas.

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On a peut-être des actions qui s'en éloignent un peu [des valeurs] parce que, comme dans toutes structures, il faut aussi qu’on ait un minimum de moyens pour fonctionner. Donc, des fois, par exemple, quand on fait de la vente de vacances, certaines ventes de vacances, on n’est pas… bon nos valeurs je sais pas, c'est du loisir quoi on n’est pas... Disons que les bénéfices qu'on va dégager vont nous permettre de développer un secteur qui sera peut-être pas bénéficiaire mais pour lesquels on va peut-être plus mettre en œuvre le projet politique.

Délégué général, Yvelines

Les aides attribuées sont donc utilisées pour un événement spécifique mais également pour maintenir un équilibre au sein des antennes de la Ligue de l’enseignement. Une autre fédération francilienne, celle du Val d’Oise, a recours à des méthodes similaires qui consistent à réaliser des actions pour percevoir des recettes afin de mettre en place (ou maintenir) des projets qui ne génèrent quasiment que des dépenses.

Les vacances c’est pas des subventions, c’est de l’exploitation. C’est-à-dire qu’à un moment donné, t’as d’autres actions comme le BAFA, comme… où on n’est pas financé dessus. On s’autofinance. On essaie de dégager des excédents pour compléter. […] On organise des séjours vacances, des classes de découverte, des formations BAFA, des formations d’animateurs, des formations tout court parce qu’on fait pas que ça. On est dirigeant associatif sur des formations comptables […] Les subventions sont… ben c’est un mix des deux. C’est- à-dire que ça dépend des secteurs. C’est-à-dire qu’on a des subventions sur certains types d’actions par exemple sur la politique de la ville sur certaines actions dans les quartiers difficiles, d’autres sur le développement associatif chez les moins de 18 ans, donc c’est des dispositifs qui sont mis en place, etc. C’est-à-dire que nous on a des moyens humains en face qui existent donc il faut bien qu’on paie. Donc à un moment donné, on a rarement une subvention qui paie complètement l’action. C’est même pas du tout vrai ! Donc ça veut dire que c’est l’exploitation générale, donc voilà c’est un savant mélange qui fait qu’on essaie d’équilibrer les comptes. On essaie. Ça fait 2 ans que c’est dur.

Responsable de service, Val d’Oise

Le « savant mélange » évoqué par le responsable de service de la fédération du Val d’Oise se traduit ici par la compensation de projets déficitaires par des actions – de formation par exemple – bénéficiaires. Pour d’autres antennes locales, il s’agit de mobiliser le personnel salarié pour multiplier les actions sans employé supplémentaire. En 2011, la fédération des Hautes-Alpes emploie neuf salariés, dont deux individus en contrat aidé et un chargé de

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mission « partagé » avec la fédération des Alpes-de-Haute-Provence. 79ème fédération19 en nombre de salariés, elle fait partie des plus « petites » antennes déconcentrées de la Ligue de l’enseignement. L’analyse du rapport d’activité de la fédération gapençaise présente les actions menées par l’antenne locale selon trois grands axes et sous chaque action se trouve le nom du (ou des) salarié(s) mobilisé(s). Une vingtaine d’actions sont développées, mais en réalité elles se déclinent en une multitude de projets, qui laisse entrevoir la répétition des noms de salariés. Ainsi, la salariée, qui gère le secrétariat et les affiliations, assure également en collaboration avec le délégué général la gestion des sorties scolaires. Ce même délégué général s’affaire, en plus de ses fonctions de direction, à la gestion du centre de ressource à la vie associative et du service d’assurances (APAC). Une autre salariée encore s’occupe des actions en lien avec le service « Éducation » qu’elle combine avec celles du service « Développement durable ».

Cette minimisation des coûts en rationalisant les recettes et les dépenses, notamment en matière de personnel salarié, constitue une seconde stratégie pour gérer les antennes locales. Une troisième forme tactique pour maximiser le « rendement » des antennes locales de la Ligue de l’enseignement se situe dans la mutualisation de services.

1.3.3. La mutualisation, outil pour diminuer les coûts ou lutter contre la concurrence ? Les fédérations départementales, confrontées à la baisse des financements publics, tentent de diminuer leur coût de fonctionnement. Pour se faire, elles ont recours à la mutualisation, c’est- à-dire le regroupement interdépartemental d’un ou plusieurs services. Si l’idée de combiner les ressources apparaît dans certaines antennes de la Ligue de l’enseignement, il convient de noter que les stratégies diffèrent au sein du réseau. La mutualisation de deux fédérations du littoral de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Encadré 10) se traduit par une direction commune, une gestion des ressources humaines conjointe, ou encore par la mise en place d’actions par l’une des fédérations pour l’ensemble des deux territoires. Toutefois, l’idée de ce rapprochement interroge la volonté de limiter la concurrence entre les antennes locales, situation existante au sein du réseau et décrite par des salariés20.

19 Cet indicateur est calculé à partir des effectifs déclarés pour l’année 2015, sur les 95 fédérations

départementales dont la donnée est disponible.

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