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Chapitre V : Datation de kaolinites d’Amazonie, mise en évidence des grandes périodes

V. 2 Les latérites du haut bassin de l’Amazone

La répartition des sols brésiliens a pu être déterminée grâce au projet Radam Brazil (1972-1978) qui a montré que les sols tropicaux couvraient une large partie du pays et notamment du bassin de l’Amazone. Ce dernier est essentiellement recouvert par cinq types de sols : de rares plinthosols, riches en pisolithes et généralement couplés à des gleysols dans les zones à faible drainage, des ferralsols, des acrisols et enfin des podzols se développant au détriment des autres sols de la région (Voir Fritsch et al., 2011 et références, Fig. V.3 A). Cette succession de sols, et particulièrement celle entre les acrisols/ferralsols/podzols pose la question de leur origine et de leur évolution.

Des études géomorphologiques et sédimentaires, ont permis d’identifier de grandes paléosurfaces caractéristiques de l’Amazonie mises en place depuis le début du Tertiaire (King, 1956 ; Bardossy and Aleva, 1990 ; Rosseti, 2005 ; Campbell, 2006) : la période Paléocène-début Éocène, ayant permis la formation de la surface Sul Americana, le Miocène, ayant permis le développement de la surface Velhas, et enfin le Quaternaire, correspondant à la surface Paraguaçu. Les études de datation de surfaces d’altération brésiliennes ont pu montrer que la plupart des périodes favorables à leur développement correspondaient aux périodes de développement de ces surfaces d’altération (Vasconcelos, 1994 ; Théveniaut et Freyssinet, 2002 ; Balan et al., 2005 ; Allard et al., 2018, Vasconcelos et Carmo, 2018).

La région du haut bassin de l’Amazone, située au nord-ouest du bassin, est particulièrement riche en cuirasses latéritiques et sols tropicaux non indurés (Fig. V.3 B). Ces

Période Balan et al.

(2005) Allard et al. (2018) Vasconcelos et al. (1994)

Ruffet et al.

(1996) Théveniaut et Fressynet (2002)

Riffel et al.

(2010) Riffel et al. (2015) Riffel et al. (2016) Vasconcelos et Carmo (2018) Quaternaire 2,5-1 Ma 1 Ma -auj. 2,5-2,1 Ma 2,5-1 Ma 3,5-0,5 Ma 3-0,8 Ma Pliocène 5-3 Ma 3,2-2,9 Ma 4-5 Ma Miocène supérieur 9-6 Ma 8-6 Ma 10-5,6 Ma 6-7 Ma Miocène moyen 14-11 Ma ca 11 Ma 17-15 Ma 17-12 Ma 10 Ma 14-8 Maca 16 Ma 10,5-8Maca 13 Ma Miocène inférieur 20 Ma 20 Ma 24 Ma ca 25-28 Ma 20-18 Ma Oligocène 25-32 Ma Fin Eocène 35-33 Ma 30-40 Ma 34-37 Ma 34-30 Ma Début Eocène 56-51 Ma 46-48 Ma 40 Ma 52-42 Ma Paléocène ca 55 Ma ca 58 Ma 50 Ma 63-54 Ma Mésozoïque 69-65 Ma ca 63-68 Ma ca 70-72 Ma ca 75-80 Ma 60 Ma 80 Ma

surfaces d’altération se développent aussi bien au détriment de roches Archéennes que de sédiments plus récents.

Balan et al. (2005) ont mené une campagne de datation de kaolinites de ferralsols dans le haut bassin de l’Amazone près de Manaus. Cette étude a pu montrer que les latérites non indurées proches de Manaus s’étaient formées lors d’au moins trois périodes d’altérations intenses : un épisode supérieur à 25 Ma, correspondant à l’altération des sédiments, une allant de 11 à 14 Ma, dont les kaolinites ont été préservées dans des nodules d’oxydes de fer, et une s’étalant de 9 à 6 Ma et coïncidant avec la fin du Miocène. Ces deux générations de kaolinites semblent coïncider avec la période d’altération à l’origine de la paléosurface Velhas.

Ce dernier épisode a aussi été observé dans des cuirasses latéritiques au nord-ouest de Manaus, dans le bassin du Rio Negro, par Allard et al. (2018). Cette étude montre que les trois cuirasses étudiées se sont développées lors de quatre événements distincts : deux au Miocène, à ca 17 Ma et entre 6-8 Ma correspondant à l’âge de paléosurface Velhas, une au Pliocène vers

ca 3,5 Ma, et une au quaternaire s’étalant de 2,5 à 1,1 Ma et pouvant être corrélée à la surface

d’altération Paraguaçu. A titre d’indication, les résultats des autres méthodologies de datation ayant concerné le Brésil et/ou l’Amazone sont résumés dans le Tableau V.1.

Tableau V.1: Principales périodes d’altérations reportées pour quelques études de surfaces d’altérations du Brésil

Le bassin du Rio Negro, au sein duquel des cuirasses ont pu être datées par Allard et al. (2018), est par ailleurs connu pour comporter de nombreuses transitions entre les ferrasols, acrisols et podzols. Si plusieurs études ont concerné les phénomènes à l’origine de la transformation latérale des ferralsols ou acrisols en podzols (Do Nascimento et al., 2004 ; Fritsch et al., 2011 et références ; Lucas et al., 2012 ; Ishida et al., 2014), le contact entre les acrisols et ferralsols et l’éventuel lien de parenté entre ces deux types de sols reste méconnu.

Ce chapitre propose donc d’appliquer la datation RPE de kaolinites sur des profils caractéristiques des acrisol et des ferralsol. Les objectifs sont de mieux contraindre leur mode de formation, de vérifier leur éventuel lien de parenté et de confirmer qu’ils contiennent des générations distinctes de phyllosilicates reliques qui puissent être corrélées à des évènements paléoclimatiques particuliers. Ceci permettra notamment de vérifier si ces sols se sont formés conjointement ou s’ils sont au contraire caractéristiques de conditions paléoclimatiques particulières.

Pour répondre à ces questions, un transect (Caju-Cobra) comportant la transition entre un ferralsol et un acrisol situé dans le bassin du Rio Curicuriari a été sélectionné (Fig V.3 B). En tout, une vingtaine d’échantillons ont été prélevés sur deux profils : un acrisol (Cobra 2) et à un ferralsol (Caju). Il est intéressant de constater que dans ce bassin, les ferralsols ont tendance à se développer sur des bordures de plateaux très incisées, là où les acrisols se forment sur des plateaux peu incisés. Les deux profils se développent au détriment de la même roche mère : un monzogranite faisant partie de la formation de granitoïdes d’Uaupés datée d’environ 1,51 Ga (Almeida, 2005). Ces résultats sont reportés dans un article en préparation pour Geoderma.

En plus de cette étude, un second transect (Timbira), localisé en amont du premier le long du Rio Curicuriari, et caractérisant la transformation des acrisols en podzols a été étudié au cours de cette thèse. Le principal objectif de cette étude consistait notamment à vérifier l’enregistrement climatique préservé dans les générations de kaolinite proche d’un front de podzolisation.

Par ailleurs, la datation de sols se formant au détriment de la formation d’Içà, affleurement majeur d’Amazonie centrale (bassin du Rio Negro), a aussi été menée. Les résultats

correspondants sont détaillés dans une publication en préparation pour Palogeography (Annexe V.1).

V. 3 Résultats de l’étude du transect de Caju-Cobra : Draft d’article pour