• Aucun résultat trouvé

Chapitre V : Datation de kaolinites d’Amazonie, mise en évidence des grandes périodes

V. 1 Evolution géodynamique et paléoclimatique de l’Amazonie

L’Amérique du sud est l’un des continents majeurs composant le Gondwana, avec l’Afrique, l’Inde et l’Antarctique notamment. Ce super continent se sépare de la Pangée au cours du Jurassique avec l’ouverture de l’Atlantique Nord. L’Afrique et l’Amérique du Sud commencent ensuite leur séparation avec l’ouverture de l’Atlantique sud aux alentours des 130 Ma. Cette dernière est pleinement terminée au Crétacé (ca 105 Ma) avec la connexion entre les deux parties de l’Atlantique. L’Amérique du Sud va ensuite migrer, principalement longitudinalement, pour atteindre sa position actuelle.

Fig. V.1 : Schéma représentant la migration de l’Amérique du sud et les principaux événements géodynamiques

Le climat de l’Amazonie est particulièrement aride, peu propice au développement de latérites du Trias au début du Jurassique (Nahon et al., 1991). Grâce à une légère migration vers la zone intertropicale, cette partie de l’Amérique du Sud va peu à peu s’humidifier jusqu’à avoir un climat chaud et humide propice aux développements des surfaces d’altérations tropicales au cours du Crétacé (Fig. V. 1).

Si sa position géographique permet à l’Amazonie d’avoir un climat a priori stable (Fig. V.1), différents épisodes géodynamiques, en plus des grands épisodes climatiques globaux cités dans le Chapitre IV, ont pu impacter le climat de cette région depuis le Mésozoïque. L’orogenèse des Andes, ayant débuté au Jurassique, a eu un impact important sur les circulations des masses d’air en Amérique du Sud. Cette orogenèse est complexe et un désaccord existe dans la littérature entre les auteurs défendant un phénomène continu (Mora et al., 2010) ou épisodique (Campbell et al., 2006, et références, Garzione et al., 2008). Ces derniers ont identifié différentes phases d’orogenèses (Tableau V.1).

Cette surrection ne s’est pas faite de manière homogène (Hoorn, 2010 et références). Elle a débuté par le développement de la cordillère nord (proche de l’équateur) et centre (localisée sous les 30°S). Ces deux cordillères ont ensuite poursuivi leur développement l’une vers l’autre jusqu’à bloquer, au Miocène, le contact entre les easterlies en provenance de l’Atlantique et les westerlies en provenance du Pacifique. De récentes études (Bookhagen and Strecker, 2008; 2010; Insel et al., 2009 ; Sepulchre et al., 2010) ont montré que ce changement d’organisation a impacté la circulation des masses d’air et de l’humidité, causant l’apparition d’un important gradient ouest-est. Les précipitations sont ainsi beaucoup plus importantes le long des Andes qu’au centre du bassin de l’Amazone, qui avant que la chaine de montagne atteigne son « altitude critique » de plus de 2000 m d’élévation, était plus humide. Par ailleurs, certains auteurs ont aussi pu montrer que cette orogenèse avait aussi influencé l’intensité de la mousson amazonienne (Sepulchre et al., 2010).

Les Andes peuvent être divisées en trois parties : deux chaînes de montagnes est et ouest encadrant un grand plateau central, chacune d’entre elles ne s’étant pas développé lors des mêmes phases d’orogenèses (voir Gregory-Wodzicki, 2013). Une phase à l’Oligocène (Hoorn, 2010) a notamment impacté la cordillère nord et est liée par certains auteurs à l’origine du système de mousson affectant actuellement le Brésil qui se met pleinement en place au Miocène (Vonhof et Kaandrop, 2010 et références). Cette dernière période est caractérisée par les trois

phases de surrection de Quechua (Campbell, 2006 et références) : Quechua I (17-15 Ma), qui semble être à l’origine du blocage des masses d’air ayant eu lieu au Miocène, Quechua II (9-8.5 Ma) et Quechua III (ca 6 Ma). La phase de Quechua I est immédiatement suivie dans le bassin de l’Amazone par une grande phase de pénéplanation à ca 15 Ma (Ucayali). La dernière phase de surrection des Andes a lieu à 4 Ma, au cœur du Pliocène.

Fig. V.2: Évolution du nord de l’Amérique du Sud du début du Tertiaire à nos jours : A : Paléogéographie du

Paléocène à la fin de l’Eocène, les Andes poursuivent leur surrection entamée au Jurassique, la mer se retire du nord-est du continent ; B : Oligocène, les Andes continuent leur surrection notamment au nord de la chaine, potentielle apparition de la proto-mousson Amazonienne, C : Début Miocène, suite à Quechua I mise un place de la large zone humide de Pebas ; D : Miocène : Quechua II, le système Pebas s’assèche et l’écoulement de l’Amazone actuel se met en place, sa source près des Andes est une région humide composée des restes du système Pebas (système Acre), Fin Miocène/Pliocène : Quechua III et surrection Pliocène, Le système d’Acre disparait, l’Amazone actuel est pleinement en place ; E : Quaternaire. Modifié d’après Hoorn (2010).

Elle est rapidement suivie par la fermeture de l’Isthme de Panama, qui bien qu’elle ait débuté au cours de l’Oligocène, se termine pleinement à ca 3,5 Ma. Cet événement a eu un impact important sur le climat de la région. En effet, ce passage permettait une certaine homogénéisation des eaux des océans Pacifique et Atlantique et sa fermeture a causé l’augmentation de la salinité de ce dernier et paradoxalement une baisse des températures de l’Atlantique Sud combinée à un réchauffement de l’Atlantique Nord (Lear et al., 2013 ; Karas et al., 2016). La fermeture de cet Isthme aurait débuté au cours du Pliocène (Haung et al., 2001), certains auteurs expliquent toutefois que ce passage maritime se serait fermé dès le Miocène (Montes et al., 2015). L’impact de cet événement aurait par ailleurs causé une période d’aridification et de refroidissement du climat tropical de l’Amazonie (Rosetti et al., 2005). Certains auteurs ont aussi relié sa fermeture avec la glaciation de l’hémisphère nord (Bartoli et al., 2005) bien que cela reste controversé (Lunt et al., 2008).

A noter que l’ouverture du passage de Drake entre l’Amérique du Sud et l’Antarctique au cours de l’Eocène (Scher and Martin, 2006) a eu un impact sur la température des océans et sur le climat global via la mise en place du courant Circum-Antarctique. Cette ouverture, cause d’une brève (inférieure à 1 Ma) augmentation de température de l’Atlantique Sud, a causé un refroidissement des températures dans les hautes latitudes sud (Cramer et al., 2009). Ce phénomène est toutefois trop éloigné géographiquement de l’Amazonie et n’a certainement pas eu un impact direct sur son climat régional.

L’évolution paléoenvironnementale de l’Amazonie au Tertiaire est parfaitement résumée par la Fig. V.2, modifiée de Hoorn et al. (2010). Deux grands événements paléoenvironnementaux sont identifiables au Tertiaire (Fig V.2): 1) La formation d’une large zone humide (système de Pebas) au pied des Andes due à leur surrection au début du Miocène ; 2) La disparition de Pebas en faveur d’Acre et la mise en place de l’Amazone actuel, toujours suite à la surrection des Andes.

Fig. V.3: A : Schéma simplifié de la répartition des principaux sols d’Amazonie et localisation des sites étudiés

par Fritsch et al. (2011) et références ainsi que localisation de la présente étude dont celle approximative de la région d’étude d’Içà. B : Schéma de la répartition des sols du bassin du Rio Curicuriari et localisation des deux transects étudiés.

Le climat actuel est un climat dominé par la mousson, l’air humide provenant du centre de l’Atlantique avant d’être bloqué par les Andes au-dessus du bassin de l’Amazone. Un fort gradient de précipitation ouest-est est présent dans la région, la partie du bassin sous les Andes ayant une pluviosité particulièrement importante. L’intensité de la mousson dépend beaucoup de la localisation de la zone de convergence intertropicale (ITCZ), la rendant ainsi particulièrement vulnérable aux changements climatiques affectant la migration hiver/été de cette ITCZ et sa localisation (Harris and Mix, 1999 ; Vonhof et Kaandrop, 2010). Le climat Amazonien, au quaternaire notamment, est grandement influencé par l’impact des cycles de Milankovitch sur le climat global de la terre (Aris and Mix, 1999).