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Chapitre IV : Étude de l’impact de la mousson sur l’évolution et la formation de latérites

IV. 2 : Les latérites du plateau du Karnataka (Inde de l’ouest)

Les latérites couvrent une grande partie du sous-continent indien et sont majoritairement présentes dans trois régions : le bassin du Bengale, localisé au nord-est de l’Inde, son centre-est, bordant la région des trappes du Deccan, ainsi qu’au sud-ouest de la péninsule, où les latérites peuvent être retrouvées le long de la chaine de plateau des Ghâts Occidentales et sur les grands plateaux du sud (Fig. IV.4 A).

Les latérites indiennes sont divisées en trois principaux types de surfaces d’altérations (Tardy et Roquins, 1992) : des surfaces indurées (cuirasses/bauxites), des ferralsols classiques mais aussi des lixisols ferrugineux, correspondant à des sols tropicaux lessivés comportant un horizon subsurface riche en kaolinites. Des latérites dites secondaires, formées à partir de fragments d’autres latérites érodées, ont par ailleurs été observées dans le bassin du Bengale (Gosh, 2015). Deux autres grands types de sols couvrent une large partie de l’Inde, les vertisols, des sols noirs se développant au détriment du plateau basaltique du Deccan, et des sols bruns

bisiallitiques, correspondant aux sols dit « alluviaux » décrits par le National Bureau of Soil Survey and Land Use Planning. Pour Tardy et Roquins (1998), la répartition actuelle des sols récents, vertisols exclus, semble directement issue du climat, globalement plus humide à l’ouest de la péninsule et devenant de plus en plus aride en allant vers l’est. Ils expliquent toutefois que des latérites anciennes, comportant pour certaines des « stones lines », caractérisant leur statut de paléosol, ont été observées au sud des Ghâts Occidentales et sur le plateau du Kerala.

Fig. IV.4: A : Localisation des régions indiennes majoritairement recouvertes par des latérites ici en rouge

(modifié d’après la carte du « National Bureau of Soil Survey and Land Use Planning » 1985) et indication de la zone d’étude (carré noir). B : Carte de la région d’étude présentant les gradients de pluviométrie et d’élévation ouest-est ainsi que l’accroissement de l’érosion des profils latéritiques identifiés de l’ouest vers l’est (modifié d’après Violette et al., 2010).

Par ailleurs, de récentes études de datation (Bonnet et al., 2016), ont montré que certaines ferricrêtes de la région des Ghâts occidentales étaient âgées d’au moins ca 53 Ma et avaient pu enregistrer au sein de leur minéralogie la présence de périodes préférentielles d’altération, via

la formation de différentes générations d’oxydes de manganèse. Cette étude a identifié 2 grandes périodes d’altérations enregistrées dans les cuirasses des hauts plateaux des Ghâts, à 53-50 Ma et 37-23 Ma, et deux autres dans les latérites détritiques des plaines côtières issues du démantèlement des précédentes, 47-45 et 24-19 Ma. Ces périodes propices au développement des cuirasses s’étalent de l’Eocène au début du Miocène, mais deux pics discrets d’altération plus récents, localisés à 9 et 2.5 Ma (Fig. IV.3), ont aussi pu être identifiés dans les latérites des plaines côtières de cette région de l’Inde. L’objectif principal de cette thèse consistant à vérifier si la trace de périodes d’altération anciennes peut être aussi enregistrée dans la minéralogie des sols non indurés, cette étude s’est concentrée sur l’analyse de sols réputés anciens, les plus à même d’avoir enregistrer ces traces. Pour cette raison, le plateau du Karnataka, situé non loin de la chaine des Ghâts occidentales et riche en ferralsols semble un bon candidat pour abriter un sol ancien comportant potentiellement plusieurs générations de kaolinites.

Le plateau du Karnataka, situé au sud-ouest de l’Inde, est une région intensivement étudiée depuis Gunnell et Bourgeon (1997). En effet, ce plateau est caractérisé par la présence d’un important gradient climatique ouest-est (Gunnel et Bourgeon, 1997 ; Braun et al., 2009 ; Violette et al., 2010) dû à sa proximité avec les Ghâts occidentales. Sa partie ouest subit l’influence d’un climat chaud et humide (précipitations allant de 6 à 1,5 m/an) là où sa partie la plus à l’est est impactée par un climat semi-aride (précipitations inférieures à 1m/an). Ce gradient climatique est accompagné par une importante variation topographique, la région ayant une altitude moyenne proche des 1000 m le long de la chaine des Ghâts occidentales qui tombe à ca 750 m d’altitude dans sa partie la plus basse, localisée au nord-est de la région d’étude. Ces deux gradients évoluent en parallèle et sont la cause d’une importante variété morphologique des paysages (Gunnel et Bourgeons, 1997) ainsi que de la présence d’un important gradient d’érosion des sols (Fig. IV.4 B), les sols localisés près des Ghâts possédant une séquence latéritique complète allant de la cuirasse jusqu’à la saprolite, là où les sols tropicaux situés à l’extrême est du plateau ne sont composés que de saprolite.

Le bassin du Kabini, localisé en aval de la chaine de plateau et riche dans sa partie ouest en profils latéritiques non indurés et peu décapés par l’érosion, est une bonne zone d’étude pour rechercher l’enregistrement éventuel des grands événements climatiques dans les générations de kaolinites contenues dans ces profils à l’aide de la datation RPE. Deux régolithes latéritiques, localisés près des localités de Mananthavady et Payoddu, ont ainsi pu être échantillonnés. Le

profil de Mananthavady, particulièrement complexe (cf. partie résultat de ce chapitre), est localisé sur un flanc de colline et a ainsi assez peu subi l’influence de l’érosion des sols du plateau. Le profil de Payoddu, plus simple, est quant à lui localisé sur le bas de la pente d’un autre flanc de colline et a subi une érosion plus importante. Les deux profils se développent au détriment de la roche majoritaire de la région, un gneiss archéen particulièrement hétérogène.

Une sélection de 16 échantillons en provenance de Mananthavady et 15 en provenance de Payoddu a été effectuée. Si tous les échantillons de Mananthavady ont été retenus pour la datation, seuls 4 échantillons représentatifs du profil de Payoddu ont été considérés dans cette étude.