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CorrUption AnD thE EUropEAn Union

C. Les lacunes éventuelles

A l’examen des lacunes pouvant exister dans le cadre décrit, on consta-tera en premier lieu que l’impact certes important sur le droit matériel national ne permet pas pour autant d’en apprécier l’effet dissuasif sur le plan international. A ce stade, il est difficile de tirer des conclusions, si ce n’est en constatant que les working groups veillant à la bonne application des conventions ont eu un effet réel sur la mise en application en Suisse de certaines de ces normes, tant pour la COCDE que pour la CPCCE.

1. La Convention de l’OCDE

Cela étant, les conventions en matière de lutte contre la corruption ne don-nent que très peu d’indications spécifiques à la coopération internationale.

Ainsi, si l’article 9 COCDE énonce que la condition de la double incrimi-nation doit être considérée comme étant remplie, s’agissant des comporte-ments décrits dans la Convention, il n’y a rien de nouveau, car cela résulte également des articles 1, 4 I et 4 II ainsi que 10 IV de la même convention. On sait par ailleurs que le secret bancaire n’est guère opposable (article 9 III).

En matière d’extradition, l’article 10 II COCDE fournit le fondement de la réciprocité pour l’exécution d’une demande d’extradition. Quant à l’ar-ticle 10 III COCDE, il consacre le principe aut dedere aut prosequi.

10 Soit de considérer que la transmission à l’étranger d’informations ou de moyens de preuve même non requis pourrait contribuer à faire avancer la procédure étrangère.

Sur le plan de l’efficacité des poursuites intentées, la COCDE ne four-nit aucune piste concrète sur la possibilité que l’un des Etats concernés puisse se voir confier de manière exclusive la poursuite d’une infraction de corruption. A cet effet, les articles 4 III et 11 COCDE ne prévoient qu’une concertation “afin de décider quelle est celle [la partie] qui est la mieux à même d’exercer les poursuites”.

2. La CPCCE

En ce qui concerne la CPCCE, ce sont les articles 25 à 31 qui traitent de la coopération. Si l’article 25 II supplée à l’absence d’un traité en permet-tant néanmoins la coopération, la norme suivante semble atténuer cet effet (article 26 II) car elle protège les “intérêts fondamentaux, la souveraineté nationale, la sécurité nationale, l’ordre public”. L’invocation de l’un de ces critères pourrait donc faire obstacle à la coopération. Dans le contexte pro-cédural, l’article 27 I permet, en matière d’extradition, d’élargir les conven-tions existantes, et, en l’absence de traité, l’article 27 II fournit aussi une base légale pour l’extradition. Quant à l’article 27 V, il consacre le principe aut dedere aut prosequi.

L’article 28 de la CPCCE permet de fournir une information sponta-née. On rappellera qu’en droit suisse, l’article 67a EIMP constitue déjà une base légale suffisante à cet égard. Mais, selon la conception suisse, l’in-formation spontanée ne doit porter que sur des renseignements et non sur des moyens de preuve touchant le domaine secret, sous peine d’élu-der les normes protégeant la sphère privée11, voire les droits de recours des parties12.

Pour ce qui est de la concertation entre les autorités de poursuite, celle-ci n’est pas à proprement parler prévue par la CPCCE. On retiendra toute-fois que les Etats doivent désigner une autorité administrative centrale (ar-ticle 29 I), que ces autorités peuvent correspondre directement entre elles (article 30 I), et qu’en cas d’urgence, la communication directe est même possible entre autorités judiciaires (article 30 II).

L’article 31 CPCCE traite par ailleurs de l’obligation faite à l’Etat re-quis d’informer l’Etat requérant de l’existence de circonstances retardant considérablement l’exécution de l’entraide.

11 Art. 13 de la Constitution fédérale.

12 Art. 67a IV EIMP.

A cet égard, et s’inspirant de la pratique helvétique (qui découle certes d’un droit matériel commun), on ne pourra que constater avec regret que l’on n’envisage pas par analogie la désignation d’un “Etat directeur” dans le cadre de la coopération internationale. On comprend que ce mode de faire heurterait vraisemblablement la souveraineté de l’un ou l’autre des Etats, alors qu’il n’existe pas d’entité supranationale pouvant procéder de la sorte avec autorité. Comme on le verra ci-après (chiffre IV), cela a cependant des conséquences néfastes tant sur l’efficacité de la poursuite pénale entreprise que sur les garanties procédurales que l’on doit fournir à la personne phy-sique ou morale poursuivie13.

III. Le point de départ et la nature de l’investigation nationale en cas de corruption à l’étranger

La poursuite dans l’Etat du corrupteur actif résulte souvent de la récep-tion par les autorités de cet Etat d’une commission rogatoire étrangère.

L’exécution de cette commission rogatoire permet à l’autorité de poursuite de l’Etat requis de faire le lien entre le transfert de fonds et son donneur d’ordre. En effet, en Suisse en tout cas, l’obligation faite à tout établisse-ment bancaire de connaître l’ayant droit économique d’une relation ban-caire entraîne la découverte de son identité à l’occasion de l’examen de la documentation d’ouverture de compte. Dans ce domaine, l’existence de sociétés écrans n’est ainsi d’aucun secours au corrupteur actif ; le secret bancaire n’est pas plus un remède, car il n’est pas opposable.

Des poursuites en Suisse sont également possibles du fait d’actes de blanchiment commis par des tiers intermédiaires financiers, ou par le cor-rompu lui-même en vertu de la jurisprudence permettant de le poursuivre pour des actes de blanchiment en sa propre faveur.

Logiquement, la poursuite pénale devrait s’exercer au départ dans le pays où a agi le corrompu, à l’occasion de la découverte de l’existence du pacte de corruption ou de sa rétribution. Soyons conscients toutefois du

13 Que l’on songe aux situations fréquentes dans lesquelles plusieurs Etats sont concer-nés par la présence d’une joint venture entre sociétés de ces Etats. Ces sociétés se lient pour l’exploitation de matières premières se trouvant dans un autre Etat, et lorsque des processus de corruption existent, on constate des poursuites ouvertes dans cha-cun des Etats où une société ayant activement corrompu avait son siège. L’efficacité de ces enquêtes, voire des poursuites pénales, est ensuite mise en péril par la disper-sion des efforts.

fait que, dans plusieurs pays dans lesquels la corruption semble être en-démique, l’adhésion à des instruments internationaux réprimant la cor-ruption ne signifie pas, dans les faits, que la répression de ces actes soit réelle. Tel est le cas des Etats dans lesquels la mise en vigueur efficace de ces normes n’est pas réalisée14. Ce sont souvent des raisons politiques qui empêchent l’ouverture de poursuites pénales à l’encontre de l’agent public corrompu. Cependant, la corruption n’est pas limitée aux hautes sphères du pouvoir. Elle gangrène toute la classe politique ainsi que les décideurs qui sont des agents publics15. Dans d’autres cas, les autorités de poursuite pénale ont le champ libre, en particulier lorsque la “protection” politique est moindre à l’occasion d’élections ou de renouvellements de charges.

En ce qui concerne la Suisse, celle-ci est souvent dans la situation d’être l’Etat requis ; ceci est particulièrement vrai lorsque l’enquête existe dans des pays européens : mani pulite (en Italie), le financement illicite de partis (en France), l’affaire BAE System (en Angleterre) ou encore Siemens (en Allemagne). Cela est également vrai pour des pays plus lointains qui ont eu recours à un avocat en Suisse (Marcos, Abacha, Traoré, Salinas, etc.).

IV. La possible multiplication des poursuites fondées sur les mêmes faits