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Les jugements éthiques comme mondes possibles

PARTIE II : L’EXPÉRIENCE ÉTHIQUE DE L’HOMME

7. J UGEMENTS ET SYSTÈMES ÉTHIQUES

7.1. Les jugements éthiques comme mondes possibles

7.1.1. Distinction entre jugement moral et jugement éthique

À la suite de notre section 6.3.6.3., l’on peut dire que le jugement éthique permet d’indiquer un ensemble de monde possibles qui s’offre à lui, et c’est pourquoi, il convient de décider l’expression d’un jugement le plus juste possible (puisque le jugement juste ne peut pas être exprimer par l’homme),

Brian JABARIAN - Master 2 - UFR 10 Philosophie - Année universitaire 2015/2016

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c’est-à-dire, l’énoncé éthique qui indique l’Éthique de la meilleure manière possible afin de vivre dans un monde le plus juste possible.

Or, une telle manière se cherche et se produit et ne peut pas être exprimée de manière naturelle à cause des limitations originelles touchant l’homme (rationalité et langage) et son environnement (incertitude éthique et information imparfaite).

C’est pourquoi, l’on peut distinguer les jugements moraux qui font référence à des jugements semblables à des réactions sensibles morales et les jugements éthiques qui font référence à des propositions éthiques sophistiquées, informées éthiquement qui indiquent plus rationnellement l’éthique et vise à produire une manière éthique d’indiquer l’Éthique. Nous faisons l’hypothèse que ceux qui produisent ces jugements éthiques ont profondément conscience de ces limitations originelles et ont pris en compte le maximum possible d’externalités qui pourraient surgir après avoir exprimé ces jugements éthiques. Tout comme il existe une pluralité de jugements moraux, il existe une pluralité de jugements éthiques et ces derniers sont exprimés depuis un système de valeur éthique.

7.1.2. Espace éthique et espace de Dieu

Quand un agent humain condamne l’existence de la réalité d’une situation morale, elle ne disparaît pas pour autant. Et, quand ces condamnations visent non pas un fait directement mais un jugement à propos d’un fait, là aussi le fait suivant, le jugement à propos de ce fait, ne disparaît pas pour autant. Comme évoqué en section 1.4., nous sommes conscients d’une tension dans la thèse de Leibniz car il semble qu’il puisse exister une région indépendante de Dieu, « la région des vérités éternelles ». Or, comme il a été montré dans la section 1.1. à propos de la puissance de Dieu : son indépendance et la dépendance de toutes les autres choses à son égard participent à sa puissance.

Autrement dit, d’une part, la suppression de la dépendance d’une de ces choses, comme celle des régions des vérités éternelles, impliquerait, en vertu de la Loi Continue, une réduction d’un certain degré dans la puissance de Dieu. Or, perdre un certain degré reviendrait à reconnaître que Dieu n’est pas tout-puissant mais qu’il l’est autant qu’il est possible de l’être, sachant l’indépendance de cette région à son égard. Donc, par là-même on réduirait, nécessairement, d’un degré la gloire à Dieu. Mais d’autre part, faire reposer cette région et l’ensemble des sens de manière continue en Dieu n’est pas sans conséquences non plus.

Alors, il faut choisir le plus petit des maux entre ces thèses. Si nous localisons cette région (ou espace éthique) continuellement en Dieu lui-même alors nous nous risquons à faire de Dieu un tyran et un objet de justification pour tous les barbares qui commettent des crimes moraux en évoquant le nom de Dieu (sauf si peut-être l’on arrive à montrer que leur interprétation du sens de la réalité contenue en Dieu est biaisée par quelques facteurs que ce soit et est ainsi mauvaise et qu’ainsi l’expression de leurs jugements est injuste et immorale).

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À moins, que, troisième possibilité que nous soutenons, le sens et l’immuabilité des réalités sont contenues en Dieu, mais que les hommes ne peuvent pas y avoir accès du fait de leur condition originelle d’homme (limitation de leur raison en tant que rationalité, limitation de leur environnement, limitation de leur langage et donc de leur raison en tant que pensée) mais qu’ils peuvent seulement produire des miroirs plus ou moins réussis de cette région et que ces miroirs soient considérés comme des tentatives d’interprétations du sens de ces réalités contenues en Dieu et indépendantes de l’homme par des langages sophistiqués et des projections. Autrement dit, les systèmes philosophiques produits seraient des miroirs reflétant plus ou moins bien des réalités contenues en Dieu, qui lui seul peut accéder à leur sens de manière immédiate.

7.1.3. La Tour de Babel et les systèmes philosophiques

Ces systèmes informent la réalité qui existe indépendamment d’eux (Liberté, Égalité, etc.) chacun dans leur langage164. Nous pensons que toutes les valeurs peuvent se réduire à une « super value »165,

i.e., la valeur qui doit avoir le plus de valeur. Nous soutenons que cette valeur, dans le cas de l’éthique et de l’art, c’est celle du « sens » et qu’ainsi, chaque valeur « liberté », « égalité » sont des valeurs qui viennent informer potentielle cette notion de sens. Ces valeurs l’informent effectivement lorsqu’elles sont insérées dans des systèmes éthiques, par exemple : « la liberté-de-Kant » qui correspond à la notion de liberté telle que l’envisage la philosophie kantienne. De cette manière, ces valeurs informent notre accès à la super valeur. Pourquoi ? D’après la condition humaine, tant que les hommes sont en vie, ce qu’ils cherchent à faire, c’est comprendre, chercher le sens absolu de la vie. Les hommes ont en eux, cette demande fondamentale à laquelle ils ne peuvent eux-mêmes y répondre naturellement comme nous l’avons vu dans la partie I (limites de la rationalité, de l’environnement et du langage).

Alors, il leur faut effectuer des efforts et parmi ceux qui effectuent le plus ces efforts, ceux-là produisent par une nécessité ontologique, pour eux-mêmes et pour les autres, un système philosophique, une philosophie, c’est-à-dire, une projection du Sens : un sens. Ces systèmes philosophiques, ayant pris en compte le rôle de la philosophie : être une critique des limites de l’homme (critique de la rationalité avec Leibniz, critique de la connaissance avec Kant et critique du langage avec Wittgenstein166) proposent un langage sophistiqué dont l’accès au sens ne se fait que par immersion dans le réseau propre à chaque système167.