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IV. Les jeunes dans le village

3. Les jeunes adultes

Les jeunes adultes du village que nous avons interrogés sont au nombre de trois. Dans cette catégorie, même s’ils ne sont pas présents dans la description, les absents sont signifiants (ils sont au moins quatre dans ce cas). A 24 ans, la plupart des jeunes adultes de Thuillières ont déjà quitté le village et souvent construit une vie de couple à l’extérieur. Ils ne sont pas forcément loin de Thuil- lières d’ailleurs, mais dans tous les cas pas dans le village lui-même. Ils reviennent régulièrement dans leurs familles, quand elle est restée à Thuillières, en général les week-ends ou pendant les con- gés. Ils participent encore aux manifestations, plus particulièrement à la fête du village. A cette occa- sion, ils peuvent également se retrouver entre eux et se mêler aux adolescents ou à d’autres jeunes adultes pour une partie de foot improvisée sur le terrain de jeu communal.

Deux des jeunes adultes dans le village sont des enfants de la ferme. Ils sont âgés de 24 et 18 ans. L’ainé termine ses études à Dijon. Il se destine à être ingénieur agronome. Il est parti de chez lui dès le lycée, comme tous les enfants du village d’ailleurs. Avec l’université, il s’est bien sûr encore éloigné. Il aurait pu ou pourrait reprendre l’exploitation familiale mais le choix est compliqué, no- tamment par rapport aux horaires de travail, à la rémunération et peut-être aux projets de son amie, originaire d’Aix, qui voudrait faire du paysagisme urbain. Ses parents estiment qu’il s’est longtemps posé la question et qu’il a tranché, au moins provisoirement : « Il pourrait bosser dix, quinze ans ail- leurs et revenir. Les métiers liés à la ferme sont différents, il pourrait rester dans le métier sans re- prendre la ferme ».

Quand il est chez lui il participe bien entendu aux travaux à la ferme. Il conseille également ses parents par rapport à des choix stratégiques, pour améliorer la fertilité des sols, ou pour orienter l’agriculture vers des techniques de non-travail du sol.

Il est par ailleurs passionné de rugby. Il s’entraine deux fois par semaine à Dijon et fait des matchs le dimanche. Il a hésité à arrêter le rugby pour rentrer plus souvent à Thuillières, mais il a finalement repris une licence en octobre. Il va incessamment partir plusieurs mois à l’étranger, sans doute en Australie, pour son stage de fin d’études, sans que cela ne l’angoisse particulièrement.

Quand il était plus jeune, il ne fréquentait pas forcément les enfants et les adolescents du vil- lage. Ils étaient déjà peu nombreux et surtout, ses parents ne le souhaitaient pas.

Sa sœur fait des études en comptabilité à Nancy. Elle projette de s’installer dans un village proche de Thuillières. Elle n’a pas d’ambition particulière pour continuer ses études au-delà de son diplôme. Elle ne rêve ni de ville ni d’études supérieure. Son ambition est de rester proche de sa fa- mille. Elle n’a pas non plus fait partie des groupes d’adolescents du village.

Le dernier de ces jeunes adultes est âgé de 22 ans. Son frère et sa sœur sont dans le groupe des adolescents. Il travaille pour l’Office Nationale des Forêts. Il chasse lors de la saison, tous les sa- medis et dimanches. Il vient d’investir ans une nouvelle carabine. Durant la saison de chasse, il est prêt à sacrifier les sorties du soir pour être en forme le matin. Il ne pourrait pas vivre et respirer hors du territoire. Il vit encore chez ses parents, en garde alternée une semaine sur deux, entre Esley et Thuillières. Les deux villages sont séparés de moins de 5 kilomètres. Il est proche de sa mère et prend très souvent de ses nouvelles, au minimum une fois par jour, et tout au moins par téléphone.

Il s’imagine vivre dans le territoire ou plutôt il ne s’imagine pas un seul instant vivre ailleurs. Thuillières lui plairait bien ou à défaut Darney où il travaille. Vittel lui plairait moins. Il a un discours très critique sur les « gens des villes », même lorsqu’ils sont gardes-forestiers diplômés, estimant qu’ils ne connaissent pas le territoire et n’ont qu’une connaissance théorique de la forêt. Il est très méfiants envers « ceux des villes » qui méprisent les traditions de la campagne et ignorent les spéci- ficités du territoire.

Durant la semaine, il ne se couche jamais tard pour être toujours concentré quand il travaille. Il est attentif à la nature et a peur des changements induits par l’homme. La disparition de la rosée l’inquiète. S’il n’a pas de discours écologique théorique, il relève les changements concrets dans

l’espace naturel. Même s’il est chasseur, il admet qu’il faudrait sans doute raccourcir la saison de chasse, où au moins la décaler d’un mois.

Son contrat de travail à l’ONF a pris fin en décembre 2019. Malgré l’attachement qu’il disait indéfectible pour le territoire, la nature, la chasse…, il vient de quitter Thuillières pour s’installer dans le nord de la Moselle, dans une ville proche de la frontière luxembourgeoise, avec l’espoir d’un travail et surtout la perspective d’une vie de couple.