• Aucun résultat trouvé

Les activités des adolescents à l’extérieur de Thuillières et leurs déplacements

IV. Les jeunes dans le village

2. Les adolescents

2.3. Les activités des adolescents à l’extérieur de Thuillières et leurs déplacements

Les adolescents, comme les enfants pratiquent des activités extrascolaires durant le weekend, à par- tir du vendredi soir. La plupart de ces activités ont lieu à Vittel. Sans voiture et avec seulement deux motos pour le groupe, les adolescents de Thuillières sont peu mobiles au niveau instrumental. Leurs parents les véhiculent souvent : « C’est toujours ma mère qui m’amène au foot et vient me chercher. Quand il y a des matchs elle vient tout le temps me voir mais elle doit m’emmener une deuxième fois le dimanche matin ».

Durant la journée du samedi, ils passent du temps ensemble. Ils s’arrangent souvent pour qu’on les emmène à Vittel où ils se rassemblent en groupe avec d’autres amis de Vittel ou d’autres villages. Ils boivent un coca dans un bar, vont à l’auto-école. Parfois, mais plus rarement, ils vont au cinéma en fin d’après-midi : « Le samedi, j’ai mon heure de conduite. Du coup je passe généralement mon après-midi sur Vittel, avec mes amis et puis après on rentre chez nous. C’est toujours la même chose en fait. Mais c’est cool » ; « On est sur un banc, on écoute de la musique sur nos téléphones, on discute ensemble ». Le soir, ils rentrent dîner avec leurs parents. A nouveau, le retour doit être orga- nisé : « c’est plus facile de demander à la mère de mon copain de nous ramener tous les deux » ; « Là encore c’est en général ma mère qui me ramène. Elle fait beaucoup de trajets. Si vraiment je l’embête trop, alors j’appelle mon père. Il le fait aussi, mais des fois, il râle. Je n’ai pas que ça à faire. Il gueule mais il vient quand même me chercher ».

Parfois, le samedi soir, après le diner avec les parents, ils s’organisent à nouveau pour se rendre à la soirée d’un(e) de leurs ami(e)s dans un village voisin. Les négociations permanentes pour savoir comment se déplacer produisent des comportements à la fois inventifs, tactiques28 et parfois

dangereux : « C’est ma cousine qui a une voiture qui vient nous chercher parfois, alors je m’arrange pour qu’elle soit aussi invitée à la soirée » ; « Parfois on y va à vélo alors que c’est à plusieurs kilo-

28 La stratégie serait de passer le permis. Ce que certains font mais sans vraiment se presser autant qu’ils le

mètres mais c’est quand les parents veulent pas nous emmener » ; « Ca nous arrive parfois de devoir prendre la voiture avec quelqu’un qui est bourré pour rentrer » ; « Mon cousin il a défoncé la caisse de travail de sa belle-mère parce qu’il est parti avec sans avoir le permis parce que ses parents ne voulaient pas l’amener ».

Le dimanche après-midi, ils peuvent aller manger un Kebab à Vittel. Ils négocient encore le trajet, en relation avec les emplois du temps des parents des uns et des autres, parfois aussi avec leur bonne ou moins bonne volonté : « Quand on va au Kebab c’est souvent ma daronne qui me ra- mène et parfois c’est la mère d’un copain qui nous ramène » ; « ma mère elle ne veut pas trop se mê- ler de tout ça parce qu’elle n’aime pas spécialement mes amis ».

Certains parents ont pu investir dans un cyclomoteur pour leur enfant : « Il n’y a rien à faire à Thuillières pour eux. C’est pour ça aussi qu’on lui a acheté une moto. Pour qu’il puisse bouger un peu ». La contrepartie c’est la peur de l’accident : « Je ne le laisse pas rouler la nuit ».

Le cyclomoteur donne à certains de ces adolescents une liberté que les autres n’ont pas. Il permet de se déplacer seul, au-delà du périmètre proche et des alentours de Thuillières. Il permet de dépanner des amis, de les accompagner parfois à certains de leur rendez-vous. Un des adolescents qui ne fait pas parti du groupe ne va pas souvent à Contrexéville, en dehors des périodes scolaires, parce qu’il a besoin d’être véhiculé. Comme il entretient peu de liens avec les autres jeunes du village, il ne peut pas profiter de leur aide : « Je ne vais pas souvent à Contrex en dehors de l’école parce que ce sont mes parents qui doivent m’emmener et ils sont beaucoup occupé. Je n’ai pas le BSR, pas de moby- lette, sinon je le ferais tout seul ».

Le cyclomoteur permet de s’échapper, d’aller faire un tour, sans autre but que de parcourir le territoire, de découvrir des petites routes de campagne, d’observer le paysage différemment : « A moto je vais dans les villes à côté. Pas loin. 20 kilomètres maximum. Bulgnéville. Pour voir des gens ou simplement pour rouler » ; « J’adore la route entre Lignéville et Thuillières, le paysage est magni- fique, ça me détend et ça me fait plaisir ».

Les adolescents de Thuillières disent pour la plupart avoir hâte d’avoir le permis de conduire. L’une d’elle a commencé à passer son code, le plus tôt possible, pour pouvoir dès ses 18 ans con- duire. Un autre est déjà inscrit à l’auto-école pour passer son code avant sa majorité. L’arrivée du permis de conduire de l’un d’entre eux est attendue avec impatience par le reste du groupe : « Tu verras tu vas devenir notre chauffeuse » ; « On va pouvoir aller partout avec toi ». Presque un an après, aucun des deux n’a encore passé son permis de conduire.

Les deux adolescents de Thuillières qui circulent à cyclomoteur, et qui ont, de ce fait beau- coup plus d’autonomie dans leurs déplacements, s’intéressent moins à la voiture : « La conduite ac- compagnée ne l’intéresse pas. Il a la moto, et pourvu qu’il ait la moto, le reste ne l’intéresse pas ». Par ailleurs, la conduite n’est pas véritablement associée à un plaisir. Un des adolescents nous la pré- sente même comme une contrainte : « Conduire, j’y serai bien obligé ».

Quand l’occasion se présente, certains adolescents travaillent le week-end, en été, sur des récoltes pour gagner un peu d’argent, ils sont alors payés à la journée mais doivent là encore trouver un moyen pour se rendre sur leur lieu de travail.

Les trajets avec les parents sont des moments où les liens entre adolescents et parents res- tent maintenus. En cela, ces moments sont précieux pour les parents tout au moins, mais sans doute aussi pour les adolescents. Les parents véhiculent souvent leurs enfants sans compter. La conduite accompagnée est un autre moyen de prolonger ces interactions, même si elle est parfois conflic- tuelle.