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2 – LES IMPLICATIONS DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE

L’INFLECHISSEMENT DES CONDITIONS D’ACCES AU JUGE ADMINISTRATIF DES REFERES

2 – LES IMPLICATIONS DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE

149. Le principe du contradictoire doit être respecté dès l’introduction de la requête jusqu’à la clôture de l’instruction. Nous pouvons néanmoins remarquer que l’intensité de ce principe varie en fonction du déroulement de l’instance.

Ainsi, la production d’éléments nouveaux (A) auprès du juge en charge de l’affaire doit respecter ce principe, si, toutefois, ces éléments sont de nature à faire évoluer le dossier et susceptibles d’être pris en compte par le juge au moment de sa décision.

Il convient également de préciser que même si le contentieux administratif est basé sur le caractère écrit de la procédure – et, par conséquent, sur la production de mémoire par les différentes parties à l’instance – en matière de référé, l’oralité est un élément permettant de donner une plus grande ampleur à ce principe tout en maintenant un objectif de célérité. Toutefois, dans certaines hypothèses, nous pouvons constater un durcissement de ce principe (B).

A – La production d’éléments nouveaux

150. Nous devons dès à présent préciser que la production d’éléments nouveaux à deux conséquences pour les parties au litige.

La première, que nous ne ferons que citer, est la possibilité pour le requérant – qui a vu sa première demande de suspension rejetée – d’introduire une seconde si des circonstances nouvelles existent219.

218 CE, 19 avril 1972, Département de la Haute-Haute-Loire, précité ; CE, 29 mars 1985, Commune de

Sisteron, précité.

219CE, 29 décembre 2004, Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales c/ M.

Chahbasian, n°264711, inédit au Recueil Lebon ; AJDA, 2005, p. 454.

151. Cette production d’éléments nouveaux peut intervenir, dans un premier temps, lors de l’instruction de l’affaire.

Le juge des référés du Conseil d’Etat n’a pas hésité à considérer que dès lors qu’ils portent sur des faits antérieurs aux décisions administratives critiquées, des éléments peuvent être utilement produits devant ce juge pour y être contradictoirement débattus, alors même que l’administration n’en avait pas eu connaissance avant de prendre ces décisions.

Ce fut notamment le cas pour des requérants, auteurs d’une demande d’asile territorial, qui apportèrent au cours de la procédure de référé des précisions sur les risques de persécutions auxquels ils étaient exposés dans leur pays d’origine220.

152. Le requérant bénéficie également de la faculté de produire des pièces et mémoires lors de l’audience publique.

Aux termes des articles L. 5 et L. 522-1 du Code de justice administrative, le juge des référés a l’obligation, « sauf dans le cas où il est fait application des dispositions de

l’article L. 522-3 du Code, de communiquer aux parties avant la clôture de l’instruction, par tous moyens, notamment en les mettant à même d’en prendre connaissance à l’audience publique, les pièces et mémoires soumis au débat contradictoire qui servent de fondement à sa décision et qui comportent des éléments de fait ou de droit dont il n’a pas été antérieurement fait état au cours de la procédure »221.

Dans l’hypothèse où la communication des éléments nouveaux intervient au cours de l’audience, cette communication doit être établie par les pièces du dossier, notamment les

220CE, ord. réf., 25 février 2003, Ministre de l’intérieur, de la sécurité et des libertés locales c/ M et Mme

Sulaimanov, n°255237 et 255238, Rec. p. 146 ; AJDA, 2003, p. 1662, note O. LECUCQ : « Considérant

[…] que, dès lors qu’ils portent sur des faits antérieurs aux décisions administratives critiquées, des

éléments peuvent utilement être produits devant le juge pour y être contradictoirement débattus, alors même que l’administration n’en avait pas eu connaissance avant de prendre ces décisions ; que M. et Mme Sulaimanov ont ainsi pu apporter au cours de la procédure de référé des précisions sur les risques de persécution auxquels ils sont exposés ; [...] ».

Pour une décision antérieure, voir CE, ord. réf., 8 novembre 2002, M. Eric Lechevallier, n° 251301, Rec. p. 868 : « Considérant que, si la légalité d’une décision s’apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il

appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu’elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n’ont pas été portés à la connaissance de l’administration avant qu’elle se prononce ; qu’il ressort des pièces produites par M. LECHEVALLIER devant le juge des référés ainsi que des explications données au cours de l’audience orale […]; que les indications qui ont ainsi été apportées devant le juge des référés sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de refus d’admission à concourir prise, au vu des pièces qui lui étaient soumises, par la commission de recevabilité des demandes d’admission à concourir ».

221CE, 28 mai 2001, Société Codiam, n°230692, Rec. T. p. 1091 et 1136.

A rapprocher de CE, ord. réf., 22 mars 2001, Commune d’Eragny-sur-Oise, Rec. T. p. 1134.

visas de la décision ou encore le procès-verbal de l’audience222, et cette communication doit se faire quels que soient le contenu et la portée des observations.

Au cours de l’audience, fixée par le juge des référés, le requérant pourra même, en application de la jurisprudence Société Produits Roche223, compléter ou amender ses conclusions.

Par exemple dans l’affaire Epoux Yilmaz, les requérants « ont [...] présenté au juge

des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, une demande tendant à ce qu’il soit enjoint au ministre des affaires étrangères de délivrer à M. YILMAZ le visa sollicité ou - dans le dernier état de leurs conclusions telles que complétées au cours de l’audience - de lui accorder au moins un visa provisoire lui permettant de rejoindre son épouse, en attendant qu’il soit statué sur la validité du mariage »224.

Cette possibilité offerte aux requérants de produire des éléments nouveaux au cours de l’audience connaît également son antonyme dans la faculté qui est offerte à ce même requérant de modifier ses prétentions en en abandonnant une partie.

Cette potentialité s’avère somme toute logique dans le cadre d’une procédure de référé qui mise en place – en règle générale – dans l’urgence d’une situation donnée, permet aux différents protagonistes d’adapter, de parfaire leurs conclusions jusqu’à la clôture de l’instruction.

Dans l’affaire Bruno Gollnisch, le demandeur a saisi le juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, d’une requête, « dont il a modifié les termes au cours de l’audience publique par l’abandon de toute

demande de versement d’une provision » et par laquelle il sollicite désormais « à titre principal, que soit ordonnée l’insertion dans divers organes de presse, d’un communiqué constatant que plusieurs déclarations publiques du recteur de l’académie de Lyon ont constitué une atteinte à son droit au respect de la présomption d’innocence et, à titre

222 CE, 5 novembre 2004, Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (ASSAUPAMAR), n° 260229, Rec. T. p. 816 ; AJDA, 2005, p. 55 ; BJDU, 2004, p. 2196 ; RDI, 2005, p. 140, note P. SOLER-COUTEAUX ; Mon. TP, 14 janvier 2005, p. 50 et 247 (partie Textes officiels) : « Considérant que ces

dispositions font obligation au juge des référés, sauf dans le cas où il est fait application de l’article L. 522-3 du Code de justice administrative, de communiquer au demandeur par tous moyens, notamment en le mettant à même d’en prendre connaissance à l’audience publique, les observations de la partie adverse ; que cette communication doit être établie par les pièces du dossier, notamment par les visas de la décision ou par le procès-verbal de l’audience publique ». A rapprocher de CE, Sect., 29 janvier 2003, Ville d’Annecy précité.

223CE, Sect., 12 octobre 2001, Société Produits Roche, n°237376, Rec. p. 463 ; AJDA, 2002, p. 123, chron. M. GUYOMAR et P. COLLIN ; LPA, 2001, n°249, p. 16, note J.-M. FEVRIER ; CFP, mars 2002, p. 38, comm. M. GUYOMAR ; JCP G., II, 2002, 10020, note D. CHRISTOL.

224Pour un complément de conclusions : CE, ord. réf., 9 août 2004, Epoux Yilmaz, n°270860, Rec. T. p. 816.

subsidiaire à ce qu’il soit enjoint au ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche d’ordonner au recteur de l’académie de Lyon de ne plus prendre de positions dans la presse écrite et audiovisuelle à son sujet tant que les procédures disciplinaires ou pénales ne seront pas définitivement closes »225.

153. Cette adaptation du principe du contradictoire à l’office du juge des référés se vérifie même après la clôture de l’instruction.

En effet, toute production d’un élément nouveau, à ce moment de l’affaire, oblige le juge des référés à rouvrir l’instruction, seulement si la nature des éléments nouveaux et leur incidence sur le débat le justifient226.

154. Ce mécanisme s’applique également à la note en délibéré. Le juge des référés a toujours la faculté, dans l’intérêt d’une bonne justice, de rouvrir l’instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la pièce produite. Ainsi, la communication aux parties d’une note en délibéré traduit implicitement la réouverture de l’instruction. Le juge des référés devra évoquer les moyens éventuellement soulevés dans ce document, sinon il sera considéré comme portant atteinte au principe du contradictoire et il pourra être censuré pour erreur de droit227.

155. Malgré cela, dans son arrêt Leniau228, le Conseil d’Etat a pris un soin particulier à souligner le caractère facultatif de cette option229 qui n’intervient que dans deux cas limités au contenu de la note qui est soit l’exposé :

225Pour un exemple d’abandon de conclusions : CE, 14 mars 2005, M. Bruno Gollnisch, n°278435, Rec. T. p. 1027 ; AJDA, 2005, p. 1633, note L. BURGORGUE-LARSEN.

226CE, 10 décembre 2001, Association Gabas nature patrimoine, n°237973, Rec. T. p. 1119 ; DA, 05/2002, p. 31, concl. D. CHAUVAUX.

227CE, 5 décembre 2007, Association Transparence, n°304799, sera mentionné au Recueil Lebon.

228CE, 12 juillet 2002, M. et Mme Leniau, n° 236125, Rec. p. 278 ; RFDA, 2003, n°2, p. 307, concl. D. PIVETEAU ; LPA, 2003, n°150, p. 14, note E. FISCHER-ACHOURA ; AJDA, 2003, p. 2243

Solution confirmée par CE, 14 novembre 2003, Mme Rouger-Pelatan, n°258519, Rec. T. p. 913 ; JCP A., 2003, n°51, comm. 2134.

A rapprocher de CE, Sect., 27 février 2004, Préfet des Pyrénées-Orientales c/ Abounkhila, n° 252988, Rec. p. 93 ; DA, mai 2004, p. 25, note V. TCHEN.

229Ce caractère facultatif s’appliquait déjà pour les notes en délibéré : CE, 28 avril 1939, Chauveau, Rec. p. 444 et CE, 23 novembre 1979, Vesque, n°16184. Il convient de préciser d’emblée que le juge était tenu de tenir compte de ce mémoire ou de cette note en délibéré, s’il en ressort une contradiction entre les conclusions du commissaire du gouvernement et les pièces du dossier. Comme le précise le Commissaire du gouvernement D. PIVETEAU dans ses conclusions sur l’affaire Leniau : « un jugement qui, en revanche,

tient compte d’une note en délibéré, c’est un jugement qui reprend des éléments de faits ou de droit nouveaux, c’est-à-dire qui figurent dans cette note et qui ne figuraient pas dans le dossier ».

Pour des exemples d’obligation de réouverture de l’instruction : CE, 3 avril 1987, Ministre de l’urbanisme, Rec. p 121 ; CE, 19 janvier 2000, Madame Frémiot.

 « d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de

faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts »,

 « d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office ». Suite à cette prise de position, le Conseil d’Etat a considéré qu’il résulte des termes de l’article 7 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 que l’autorité administrative peut, malgré la clôture de l’instruction, invoquer la prescription quadriennale jusqu’à la date de lecture du jugement par lequel le tribunal administratif se prononce sur un litige relatif à une créance que détiendrait sur elle un tiers. Les juges du Palais Royal ont reconnu que lorsque la prescription est invoquée dans une note en délibéré, il appartient au tribunal, non seulement de viser cette note, mais aussi de statuer sur l’exception ainsi soulevée, après avoir, s’il entend y faire droit, réouvert l’instruction230.

Toutefois, une présomption de prise en compte pèse sur les notes en délibéré dès lors qu’elles ont été enregistrées au greffe du tribunal et versées au dossier.231

156. Cette prise de position s’inscrit dans un mouvement d’assouplissement des catégories d’éléments susceptibles de permettre la réouverture de l’instruction.

Jusqu’à présent, seule une note en délibéré répondant aux critères posés par l’arrêt Leniau était susceptible de faire rouvrir l’instruction. Désormais, lors de la production d’un mémoire postérieurement à la clôture de l’instruction, le président de la formation de jugement, alors même qu’il n’y était pas tenu, peut décider de rouvrir celle-ci232.

Comme dans le cadre de la production d’une note en délibéré, cette décision implique nécessairement que soient alors soumises au principe du contradictoire toutes les productions faites par les parties depuis la précédente clôture d’instruction, en sorte que le tribunal ne peut, sans entacher son jugement d’irrégularité, s’abstenir de tenir compte des nouveaux éléments ainsi versés au débat233.

157. Une question reste toutefois en suspens concernant la prise en compte partielle ou totale des éléments nouveaux par le juge des référés. Bien qu’avec ce dernier arrêt, le

230CE, 30 mai 2007, Commune de Saint-Denis c/ Mme Dormeuil, n°282619, sera mentionné aux Tables du Recueil Lebon.

231CE, 29 novembre 2002, M. Domergue, n°225356, Rec. p. 878 et 883.

232 Cette faculté existait déjà pour les procédures au fond, et ne fut réellement transcrite dans le champ d’application des référés que par cette décision.

233 CE, 27 juin 2007, Ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement

durables c/ Association de défense contre les nuisances industrielles et Société d’applications industrielles de résines plastiques composites, n°293349 et 293400, sera mentionné au Recueil Lebon.

Conseil d’Etat autorise la réouverture de l’instruction suite à la production d’un nouveau mémoire et non plus uniquement pour l’hypothèse de la note en délibéré, il précise que « le

tribunal administratif, dès lors que l’instruction avait été rouverte, devait prendre en compte l’ensemble des éléments produits devant lui postérieurement à la clôture initiale ».

Nous pouvons toutefois penser que la prise en compte de l’ensemble des éléments versés au dossier ne concerne que les éléments nouveaux entrant dans le champ d’application – limité – de l’arrêt Leniau, permettant ainsi au juge des référés de ne s’attacher qu’aux pièces réellement nouvelles et ainsi ne soumettre au principe du contradictoire que ces dernières, tout en conservant la spécificité de la procédure de référé.

158. Le respect de la procédure du contradictoire va avoir un impact sur la nature même de l’ordonnance, ainsi que sur la phase finale de l’instruction qu’est l’audience.

B – Vers un durcissement du principe du contradictoire ?

159. En fonction de la demande soumise au juge des référés – notamment sa rédaction, son argumentaire ou les pièces versées au dossier – le magistrat en charge de l’instruction de l’affaire pourra opter pour deux procédures distinctes :

 les requêtes, présentant un intérêt suffisamment sérieux pour justifier un approfondissement, seront instruites contradictoirement et jugées après une audience publique. Il s’agit là de la procédure de droit commun en matière de référé,

 à l’inverse, les demandes manifestement vouées à l’échec sont jugées sans instruction ni audience, sur le fondement de l’article L. 522-3 du Code de justice administrative.

160. Il s’agit là de deux procédures exclusives et le recours à l’une ou l’autre de ces procédures présente un caractère irréversible, comme l’a affirmé le Conseil d’Etat dans son arrêt SARL « Les belles demeures du Cap-Ferrat »234où il a repris, dans un considérant de principe, la distinction entre ces deux procédures, distinction qu’il a confirmée quelques

234CE, Sect., 26 février 2003, Société « Les belles demeures du Cap Ferrat », n° 249264, Rec. p. 65 ; AJDA, 2003, p. 498, chron. F. DONNAT et D. CASAS ; JCP G., II, 2003, 10094, note J. DUVAL et V. GUINOT ; RDP, 2004, n°2, p. 376, chron. C. GUETTIER.

mois plus tard dans l’arrêt Commune de Roquebrune-Cap-Martin235 où il reprit la même argumentation.

161. Malgré toutes ces précautions prises tout au long de l’instruction comme lors de la motivation de l’ordonnance, le juge des référés ne pourra pas toujours avoir la faculté de recourir à la procédure de tri.

Car s’en tenir à cette théorie, c’est sans compter sur les spécificités du droit administratif, droit qui connaît de nombreux principes et tous sont accompagnés de leur lot d’exceptions, de précisions.

Nous rappellerons donc – en partie – le principe de l’article L. 522-3 du Code de justice administrative qui est que dans l’hypothèse où le juge des référés estime que la requête est dénuée d’urgence, il peut prendre une ordonnance de rejet pour défaut d’urgence, sur le fondement de la procédure de tri.

162. Mais en matière de droit de préemption, la chose ne s’avère pas aussi simple. Ainsi, dans une affaire soumise en cassation au Conseil d’Etat, la Haute Juridiction a eu à connaître des faits suivants : par acte sous seing privé, les consorts Maucorps ont accepté de vendre à M. et Mme Clech un bien immobilier, bien qui fut préempté par le maire pour la création notamment d’équipements de loisirs.

Les consorts Maucorps et Clech ont alors contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Pau et ont parallèlement présenté une demande de référé-suspension qui fut rejetée par une ordonnance de tri pour défaut d’urgence en considérant que « les

acheteurs et moins encore les vendeurs ne justifiaient de l’urgence qu’il y aurait eu pour eux à suspendre l’exécution de cette décision dont l’intérêt public n’est pas discutable »236. En l’espèce, la procédure de l’article L. 522-3 du Code de justice administrative s’avère inapplicable en ce qui concerne le rejet d’une requête au motif du défaut d’urgence.

En effet, en application de la jurisprudence Hourdin237, l’urgence est présumée « pour

l’acquéreur évincé, alors même que la promesse de vente comporte une clause de caducité au cas où le bénéficiaire du droit de préemption déciderait d’exercer son droit aux prix et conditions fixés dans cet acte ».

235CE, 23 avril 2003, Commune de Roquebrune-Cap-Martin, n°261946, Rec. T. p. 912 ; BJDU, 04/2003, p. 279, concl. F. SENERS.

236CE, 26 janvier 2005, Clech et autres, n° 273955, inédit au Recueil Lebon ; BJDU, 2/2005, p. 142, concl. C. DEVYS et obs. J.-C. BONICHOT ; Construction – Urbanisme, 2005, comm. 95, comm. P. CORNILLE.

237CE, 13 novembre 2002, Hourdin, n°248851, Rec. p. 396 ; BJDU, 6/2002, p. 460, concl. J.-H. STAHL.

En conséquence, le défaut d’urgence ne peut être utilisé par le juge des référés pour rejeter une demande de référé-suspension ; car dans une telle hypothèse il est tenu d’engager la procédure prévue à l’article L. 522-1 du Code de justice administrative en communiquant la requête à la défense afin de pouvoir procéder à une appréciation globale des circonstances de l’affaire.

Ainsi, en matière de droit de préemption, toute requête émanant de l’acquéreur évincé ne peut être rejetée par la voie de la procédure de tri pour défaut d’urgence. L’office du juge des référés se trouve donc conditionné par la présomption d’urgence qui l’oblige à procéder à une appréciation globale de la situation, sans pouvoir user de l’article L. 522-3 du Code de justice administrative.

Nous pouvons toutefois remarquer que cette dérogation au libre choix de la procédure par le juge des référés ne vaut que pour la condition d’urgence, ce qui implique que cette obligation ne vaut que pour les référés l’ayant comme condition substantielle.

Toutefois, la procédure de tri sera toujours valable pour ce type de référés dans l’hypothèse où le fondement du rejet n’est pas basé sur l’urgence, mais sur le caractère manifestement irrecevable de la requête ou encore sur l’incompétence de la juridiction administrative. De plus, le champ d’application de cette solution est encore limité par le fait que cette présomption d’urgence ne joue que pour l’acquéreur évincé et non pour le propriétaire du bien préempté.

163. Une solution récente prise en matière de recours en annulation d’un arrêté de reconduite à la frontière pourrait être appliquée aux procédures de référé.

Par un arrêt du 20 novembre 2007, Mme Abouhafs238, la Cour administrative d’appel de Versailles a considéré « que le principe du caractère contradictoire de la procédure

rappelé à l’article L. 5 du Code de justice administrative interdit au président d’une formation de jugement de se fonder, pour rejeter des conclusions, sur des éléments