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5.2 Les détecteurs au sol

5.2.1 Les gerbes atmosphériques

Gerbes électromagnétiques

Lorsqu'un rayon gamma pénètre dans l'atmosphère, il va interagir avec le champ coulombien des atomes la constituant et se convertir en une paire électron-positron. Ces derniers vont se propager puis émettre un rayonnement de freinage dû à ce même champ coulombien et créer des photons gamma de plus basse énergie qui vont à leur tour se convertir en paires et ainsi de suite. Une cascade de particules se développe donc dans l'atmosphère jusqu'au moment où

5.2. Les détecteurs au sol 99 et les pertes par ionisation deviennent dominantes. Les particules chargées perdent alors très rapidement leur énergie et le développement de la gerbe s'arrête.

Le développement de ces cascades peut être décrit par les formules de Bethe-Heitler régis- sant le bremsstrahlung et la production de paires. On considère un modèle simple (modèle de Heitler) pour décrire le développement longitudinal de la gerbe. On suppose que tant que la perte d'énergie des électrons par ionisation est faible par rapport au bremsstrahlung le nombre de particules dans la gerbe est en constante augmentation. C'est la phase de développement durant laquelle l'énergie moyenne par particule va diminuer au fur et à mesure des créations de particules. Puis lorsque l'énergie moyenne par particule atteint l'énergie critique correspondant au développement maximal de la gerbe, le nombre de particules dans la gerbe diminue et la cas-

cade s'arrête. Les longueurs caractéristiques des processus en jeu sont exprimées en g cm−2. La

distance caractéristique de perte par rayonnement de freinage dans l'air vaut X0 = 36.7 g cm−2.

Elle correspond à la distance au bout de laquelle l'électron a perdu 68% de son énergie. La lon-

gueur caractéristique de création de paires vaut 9

7X0 et correspond au même ordre de grandeur

en première approximation. Pour simplier, on considère donc qu'il y a une création de paires (dont chaque particule a une énergie égale à la moitié de l'énergie du photon) et une perte par rayonnement de freinage à chaque longueur de radiation, comme représenté sur la gure 5.3.

Figure 5.3  Schématisation du modèle de Heitler du développement longitudinal d'une gerbe

électromagnétique. R symbolise une longueur de radiation X0 traversée par les particules.

Après n longueurs de radiation, on a 2n particules d'énergie E = E

0/2n, E0 étant l'énergie du rayon gamma incident. On a donc :

Par conséquent, le développement maximal de la gerbe correspond à une épaisseur traversée dont le nombre de longueurs de radiations est donné par :

n(E0) = ln(E0/Ec) (5.2)

Ce modèle simplié décrit assez bien la réalité. Pour un photon d'énergie E0 = 1 T eV,

l'épaisseur traversée est de 345 g cm−2, soit 9.4 X

0, correspondant à une altitude de 8 km

pour le développement maximal de la gerbe qui compte environ 675 particules.

À haute énergie, une petite fraction des interactions d'un gamma primaire peut aussi produire des hadrons par photoproduction. Dans ce cas, la gerbe de particules aura les mêmes propriétés que les gerbes hadroniques, décrites ci-après. Par contre un hadron primaire ne produira pratiquement jamais une gerbe purement électromagnétique.

Notons que les électrons cosmiques produisent également des gerbes électromagnétiques dicilement diérentiables des gerbes produites par les gammas. Cependant la première interaction à leur entrée dans l'atmosphère est l'émission de gamma par rayonnement de freinage (contre la création de paires pour un gamma incident). Par conséquent, compte-tenu des longueurs caractéristiques associées, la première interaction a lieu plus haut en moyenne pour les gerbes initiées par les électrons.

Gerbes hadroniques

Les rayons cosmiques hadroniques vont également produire des gerbes à leur entrée dans l'atmosphère, mais de nature diérente. En eet les protons et noyaux lourds peuvent créer une plus grande variété de particules : fragments de noyaux, pions et mésons K, muons ainsi que des électrons, positrons et photons pouvant être produits dans des sous-gerbes électromagnétiques (voir gure 5.4).

L'impulsion transverse des gerbes hadroniques est plus grande que pour les gerbes électromagnétiques, et elles sont bien plus irrégulières (voir gure 5.5). Cette caractéristique va notamment permettre de les distinguer des gerbes électromagnétiques comme on le verra par la suite. Une autre propriété les diérencie des gerbes créées par les gammas : la direction incidente des rayons cosmiques est isotrope à leur entrée dans l'atmosphère, contrairement aux gammas provenant en général d'une direction donnée.

Observables au sol

Diérents observables vont pouvoir être mesurées au sol et ainsi permettre de détecter les gerbes et de reconstruire la direction et l'énergie de la particule incidente :

• les particules secondaires créées dans les gerbes peuvent être détectées au sol en fonction de l'énergie de la particule primaire et de l'altitude à laquelle se situe le détecteur. Ce sont les électrons et positrons (les plus nombreux à l'altitude du maximum de gerbe), les muons (qui peuvent pénétrer profondément dans le sol ou dans l'eau), les photons

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Figure 5.4  Schéma des diérents processus à l'÷uvre au sein d'une gerbe hadronique.

Figure 5.5  En haut : simulations de gerbes électromagnétiques initiées par un gamma de 300 GeV. En bas : simulations de gerbes hadroniques initiées par un proton à la même énergie. À cause de leur impulsion transverse plus grande, ces dernières présentent plus de uctuations que les gerbes électromagnétiques bien plus régulières. Crédit : M. de Naurois.

secondaires (qui peuvent se convertir en paires e+/edans l'eau et produire un eet Tcherenkov), et les fragments nucléaires mais qui sont assez rares.

• les photons visibles et UV émis par les particules chargées de la gerbe par eet Tcherenkov et uorescence.

• l'émission radio des particules chargées qui est soumise à diérents phénomènes comme

l'eet Askaryan traduisant l'excès de charges négatives [Askaryan 1962] ainsi que l'eet

géomagnétique qui sépare physiquement les particules positives et négatives.

La gamme en énergie que l'on veut explorer va engendrer un choix de l'observable à étudier associé à une technique de détection particulière avec ses avantages et inconvénients. Dans la suite nous décrirons brièvement les détecteurs de particules au sol puis nous verrons plus en détail le principe de la détection par eet Tcherenkov et plus particulièrement le réseau de té- lescopes H.E.S.S. Nous ne discuterons pas de la détection radio ici, utilisée dans les expériences

CODALEMA [Ardouin 2005], LOPES [Huege 2007] ou encore RAuger [Revenu 2012].