• Aucun résultat trouvé

1. LES FONCTIONS DES GAGS VIA LEURS INTERACTIONS AVEC

1.6. Les fonctions des Dermatanes Sulfates (DS) en particulier

La plupart des fonctions de GAGs illustrées jusqu’à ce jour font souvent référence à des études qui prennent exclusivement en compte les HS ou l’héparine. Cependant, de plus en plus de données viennent nous éclairer sur l’importance des chondroïtines et des dermatanes sulfates (CS et DS). A l’image de l’Hp ou des HS, les CS/DS sont également impliqués dans le développement embryonnaire, l’homéostasie, le système cardiovasculaire, la tumorigenèse, ainsi que dans la réponse inflammatoire, la cicatrisation, les fibroses ou les infections. Ils semblent donc essentiels au contrôle de la destinée cellulaire. Au même titre que l’Hp ou les HS, les CS (dont le DS n’est qu’une variante résultant de l’épimérisation en C5 de l’acide

même micro-environnement. Les DS ont, en plus des HS, la particularité d’être les GAGs principalement exprimés dans des tissus particuliers comme la peau ou les cartilages. Par ailleurs, ils sont fortement relargués dans la circulation lors de la cicatrisation.

1.6.1. Les DS ont une activité anti-coagulante

Une des interactions impliquant les DS qui est la plus étudiée aujourd’hui est celle qu’ils ont avec l’héparine cofacteur II (HCII). L’HCII est en fait un homologue de l’antithrombine III. Il inhibe donc les protéases à sérine telle que la thrombine, d’où la propriété anti- coagulante des DS. Cet effet peut être 1000 fois supérieur en présence soit de DS, soit d’Hp. Dans le cas de l’Hp, un complexe ternaire héparine/HCII/fibrine peut se former alors que dans le cas du DS, seule une interaction DS/HCII semble nécessaire. Les DS sont plus efficaces que l’héparine lorsque la thrombine est liée à la fibrine. Les DS pourraient être un bon moyen de traitement ou de prévention des thromboses (Liaw et al., 2001). Cette interaction semble relativement spécifique des sulfates et non de la charge globale du DS. Ainsi un DS de composition disaccharidique IdoA(2S)-Gal(4S) peut activer l’HCII alors qu’un DS de composition IdoA(2S)-Gal(6S) ne le fait pas (Mulloy, 2005).

Les DS peuvent également influencer la coagulation en potentialisant l’effet de l’APC (Activated Protein C) qui est un autre inhibiteur de la cascade de coagulation (Fernandez et al., 1999).

1.6.2. Les DS et la matrice extracellulaire

Les DS sont abondants dans la peau et les cartilages, deux régions où les matrices extracellulaires ont une importance majeure (Towbridge et Gallo, 2004). Dans ces matrices extracellulaires, la chaîne de DS de la décorine est par exemple capable de se fixer à la ténascine-X, protéine colocalisée avec les fibres de collagènes (Elefteriou et al., 2001). Or, les patients déficients en ténascine-X ou les souris dépourvues de décorine présentent une peau d’une extrême fragilité (Burch et al., 1997 ; Danielson et al., 1997). Cela suggère que l’association entre la ténascine-X et les collagènes est rendue possible grâce à la chaîne de DS de la décorine et que cette fonction de "liant" est nécessaire pour l’intégrité de la peau.

1.6.3. Les DS et les facteurs de croissance

Les facteurs qui lient les HS ou l’Hp les plus étudiés jusqu’à ce jour sont, sans aucun doute, les membres de la famille des FGFs (Harmer, 2006). Certains membres de cette famille interagissent avec les DS qui sont également capables de promouvoir l’activité des facteurs de croissance comme peuvent le faire les HS (dès lors que les fragments oligosaccharidiques sont assez longs) (Taylor et al., 2005). Les DS peuvent même avoir un effet plus important que les HS sur la potentialisation de l’effet du FGF-2 dans la prolifération cellulaire (Penc et al., 1998). Ainsi, lors de l’ajout de chondroïtinase B, les fibroblastes du derme deviennent moins sensibles à l’effet de prolifération induite par le FGF-2, en raison de la perte de leurs DS (Denholm et al., 2000 ; 2001).

Les DS se lient également au HGF/SF (Hepatocyte Growth Factor / Scatter Factor). Le HGF/SF est impliqué dans l’embryogenèse, la morphogenèse, la différenciation, la mobilité cellulaire, la régénération tissulaire et aussi dans l’angiogenèse (Kemp et al., 2006). Un dérèglement dans la signalisation via son récepteur tyrosine kinase (c-met) induit un processus de tumorigenèse ou de métastases dans de nombreux cancers. Les DS interagissent avec le HGF/SF mais avec une affinité 10 à 100 fois plus importante que les HS (Lyon et al., 1998 ; Delehedde et al., 2002 ; Catlow et al., 2003). Dans le cas des HS, cette interaction avec le HGF/SF nécessite au minimum un octasaccharide qui possède des IdoA non sulfatés avec une GalNAc (4S) (Lyon et al., 1998).

1.6.4. Les DS et les cytokines ou chimiokines

Parmi la cinquantaine de chimiokines recensées, nombreuses sont celles qui ont la capacité de lier, via des rassemblements d’acides aminés basiques, les CS/DS. C’est le cas notamment de l’IL-8, des MIP-1α et β (Macrophage Inflammatory Peptide), de RANTES (Regulated on Activation Normal T cell Expressed and Secreted) et de MCP-1 (Monocyte Chemoattractant Protein) (Kuschert et al., 1999).

L’exemple de la chimiokine RANTES peut être cité. Cette chimiokine est capable de lier les GAGs avec des affinités différentes. Ainsi Proudfoot et al. (2001) ont classé les affinités de RANTES vis-à-vis des GAGs de la manière suivante : Hp>DS>HS=CS. L’IdoA des DS semble donc être important puisque l’affinité pour les DS est 500 fois supérieure à celle des CS (Kuschert et al., 1999).

L’interféron gamma (IFNγ), qui fera l’objet du quatrième chapitre, est impliqué dans la réponse immunitaire ou inflammatoire. En plus de ses interactions bien caractérisées avec les HS, il interagit également avec les DS. Cette interaction avec les DS de mastocytes permet, indépendamment du récepteur à IFNγ (IFNγR), de présenter la cytokine aux macrophages et d’induire, via l’IFNγR, la production d’oxide nitrique (NO) chez les macrophages (Brooks et al., 2000).

1.6.5. Les DS et les pathogènes

Outre les fonctions de récepteur d’attachement pour les pathogènes, les DS et DSPGs sont en partie utilisés par des pathogènes pour modifier la résistance de leur hôte. En effet, les pathogènes comme Pseudomonas aeruginosa, Enteroccocus faecalis ou Streptococcus pyogenes relarguent des protéinases qui clivent la partie protéique des DSPGs tels que la décorine, libérant ainsi les chaînes de DS (Schmidtchen et al., 2001). Les défensines et les cathélicidines sont de courts peptides cationiques essentiels pour la résistance aux infections (Nizet et al., 2001). Les DS ainsi libérés peuvent se fixer et inhiber les peptides cationiques anti-microbiens tel que l’α-défensine. De ce fait, l’inactivation de ces peptides causée par les interactions avec les DS est un moyen efficace utilisé par les pathogènes pour augmenter leur potentiel infectieux.

1.6.6. Les DS dans la cicatrisation

Les DS sont un constituant majeur de la peau et représentent environ 0,3 % de son poids sec. Les deux couches supérieures de la peau sont le derme et l’épiderme. Le terme de dermatane sulfate dérive en fait de "derme", ce constituant de la peau directement en contact avec le monde extérieur. La localisation préférentielle de ces GAGs et leurs fonctions dans la coagulation, la croissance cellulaire et les défenses immunitaires sont des éléments importants qui favorisent leur implication dans les processus de cicatrisation.

Lors d’une blessure, parmi tous les PGs solubles sécrétés, la majorité sont des DSPGs (8 à 23 µg/mL) (Penc et al.,1998). Ce mélange de PGs est capable de potentialiser l’effet du FGF- 2 (facteur important pour la réparation des tissus) dans la prolifération cellulaire. Il a été mis en évidence que cet effet était dû majoritairement aux DSPGs et non aux HSPGs (Penc et al., 1998).

De même, il se trouve que seuls les DS (Hp, HS ou autres CS n’ont aucun effet) sont capables d’induire l’expression d’ICAM-1 (Intercellular Adhesion Molecule-1) par le NF-κb (Nuclear Factor-kappa b) et donc de permettre une meilleure adhésion leucocytaire sur les parois endothéliales lors de la cicatrisation, et d’une manière étroitement liée lors de processus inflammatoires (Penc et al., 1999).