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Implication de STAT3 dans la transformation cellulaire

F. Les Fonctions de STAT3 dans la mitochondrie

La transformation cellulaire implique non seulement un contrôle dérégulé de la prolifération cellulaire mais également des ajustements du métabolisme énergétique afin d’alimenter la division et la croissance de la tumeur. Sous des conditions aérobies, la cellule normale transforme le glucose en pyruvate, via la glycolyse dans le cytosol puis en dioxyde de carbone dans la mitochondrie. Sous des conditions anaérobiques, la glycolyse est favorisée et peu de pyruvate est envoyé à la mitochondrie, consommatrice d’oxygène. Otto Warburg a été le premier à observer un métabolisme énergétique anormal dans le cancer (Warburg 1956; Warburg 1956).

Quelques tumeurs peuvent contenir deux sous-populations de cellules cancéreuses qui diffèrent dans leurs voies énergétiques. Une sous-population est constituée de cellules dépendantes du glucose (nommé “Effet Warburg”) qui sécrètent le lactate. La seconde sous-population importe et utilise préférentiellement le lactate produit par les cellules voisines comme principale source d’énergie, via le cycle de Krebs (Feron 2009).

Il a également été mis en évidence que STAT3, connu pour favoriser la transformation cellulaire, est capable de promouvoir la phosphorylation oxydative dans la mitochondrie.

Quelques études ont montré que le facteur de transcription STAT3 pouvait être retrouvé dans la mitochondrie (Gough et al. 2009; Wegrzyn et al. 2009) en réalisant des fractionnements cellulaires et des centrifugations différentielles. Cependant, le mécanisme d’importation nucléaire de STAT3 dans la mitochondrie n’est pas encore connu. Nancy C. Reich a émit deux hypothèses, dans une revue publiée en 2009 (Reich 2009) :

L’import mitochondrial pourrait être médié par un mécanisme non connu d’import d’ARNm ou en association avec une protéine chaperonne comme Hsp70 (Heat Shock Protein 70) ou Hsp90, comme l’ont proposé Neupert et Herrmann (Neupert and Herrmann 2007).

La deuxième hypothèse est que STAT3 entrerait dans la mitochondrie avec une sous-unité du complexe I mitochondriale, GRIM-19.

Il a été montré que GRIM-19 était impliqué dans la mort cellulaire dans de nombreuses lignées tumorales mammaires en réponse à l’IFNβ et à l’acide rétinoïque (Hofmann et al. 1998). D’autres travaux ont mis en évidence que l’homologue bovin de GRIM-19 était co-purifié avec le complexe I de la chaine respiratoire mitochondriale (NADH-Ubiquinone oxydo-réductase) à partie du coeur de l’animal (Fearnley et al. 2001). Puis en réalisant un criblage de STAT3 par double hybride réalisé dans la levure, il a été observé que GRIM-19 était une protéine interagissant spécifiquement avec STAT3. Cette protéine a alors été décrite comme un régulateur négatif de l’activité de STAT3 (Lufei, Ma et al. 2003). Lufei et son groupe ont précisé que GRIM-19 peut interagir avec différents domaines de STAT3, comme le domaine coiled-coil et le domaine de liaison à l’ADN, cependant aucune interaction n’est détectée entre GRIM-19 et les domaines N-terminal, SH2 et C-terminal de STAT3. Cependant, l’équipe de Kalvakolanu a contredit ces résultats en remarquant que même si GRIM-19 est capable de se fixer au domaine de liaison à l’ADN, il n’empêche ni l’activation ni la liaison à l’ADN de STAT3. En réalisant des mutations des différents domaines de STAT3, ils ont observé que le domaine TAD était nécessaire à la liaison de GRIM-19. De plus, le mutant S727A, résidu présent dans ce domaine, diminue d’environ 95% la capacité de liaison avec GRIM-19. De cette manière, ils ont montré que la phosphorylation de résidu sérine 727 joue un rôle important dans la liaison du facteur de transcription avec GRIM-19 (Zhang et al. 2003).

Etant donné que GRIM-19 est un composant de la mitochondrie, et qu’il interagit avec STAT3 pour le réguler négativement, STAT3 pourrait avoir un rôle dans le métabolisme de la mitochondrie.

En 2009, une équipe a montré in vitro, sur des lignées cellulaires humaines et in vivo, chez la souris au niveau de différents organes (coeur, foie, cerveau et rein), que STAT3 était localisé dans la mitochondrie, et plus précisément au niveau des complexes I et II de la chaine de transport d’éléctrons (ETC : Electron Transport Chain). Lors de l’utilisation de lymphocytes primaires pro-B STAT3-/-, les activités enzymatiques des complexes I et II sont diminuées de 40 et 85% respectivement, tandis que l’activité enzymatique des trois autres complexes n’est pas modifiée (Wegrzyn, Potla et al. 2009).

Afin de mieux comprendre le rôle de STAT3 dans la mitochondrie, les mutants de STAT3 (les mutants phospho-mimétiques Y705F et S727A et le mutant non phosphorylable S727D) ont été transfectés dans les cellules lymphocytaires STAT3 -/-. Ces expériences ont révélé que STAT3 joue un rôle de modulateur de la respiration mitochondriale. Les fonctions de STAT3 sur la chaine

de transport d'électrons, localisée dans la membrane interne de la mitochondrie, ne semblent pas être liées à sa fonction de facteur de transcription.

Un second rapport décrit une fonction de STAT3 mitochondrial dans la transformation cellulaire par l’oncogène Ras en augmentant l’activité de la chaine de transport d'électrons, en particulier des complexes II et V. Ces deux rôles de STAT3 dans la transformation cellulaire et dans les fonctions de la chaine respiratoire sont dépendantes de la phosphorylation du résidu sérine 727 (Gough, Corlett et al. 2009).

En résumé, ces études proposent que, dans la mitochondrie, STAT3 semble contribuer à la transformation cellulaire dépendante de Ras en augmentant l’activité de la chaine de transport d’électrons, particulièrement des complexes II et V. La structure requise est complètement différente de celle nécessaire à l’activité transcriptionnelle dans le noyau (figure 13).

Figure 13| Représentation de la signalisation de STAT3. STAT3 est continuellement importé et exporté du noyau indépendamment de son état de phosphorylation. L’oncogène Ras peut stimuler la production autocrine d’IL-6. Cette cytokine induit la phosphorylation de la tyrosine 705 de STAT3 permettant sa dimérisation, et sa liaison spécifique à l’ADN. La phosphorylation sur le résidu sérine 727 de STAT3 stimule la chaine de transport d’électron de la mitochondrie et augmente la transformation par l’oncogène Ras (Reich 2009)

L’altération du métabolisme énergétique, répandue dans les cellules tumorales, se révèle être caractéristique de la transformation d’une cellule normale en une cellule cancéreuse. Ces récentes études suggèrent que l’oncogène STAT3 pourrait également être impliqué dans un cinquième mécanisme favorisant la transformation cellulaire.

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STAT3 est retrouvé constitutivement activé dans de nombreux cancers comme celui de la prostate, du poumon, du cerveau, du sein, de la peau mais également dans le cancer colorectal (Yu and Jove 2004).

L’irinotecan, dont le métabolite actif est le sn38, est souvent utilisé dans le traitement du cancer colorectal en association avec le 5-FU et l’oxaliplatine (Cunningham et al. 2004). Il s’agit d’un inhibiteur des topoisomérases de type I qui crée un complexe suicide avec l’ADN et l’enzyme (Pommier 2006). Ce traitement a pour but de bloquer la progression du cycle et induire la sénescence (Hynes and MacDonald 2009). Les traitements génotoxiques entrainant des dommages doubles brins peuvent conduire à une inactivation de p21 et créer une instabilité génétique. Cette instabilité, reconnue par la cellule, peut entrainer une activation du point de contrôle de la phase G2 du cycle cellulaire (Shay and Roninson 2004).

Une étude menée au laboratoire par Arnaud Vigneron, a montré que l’inhibition des topoisomérases de type I par le sn38 activait la voie de signalisation EGFR-Src-STAT3 pour empêcher l’induction de la sénescence mais également pour activer les gènes de réparation des dommages de l’ADN.

Le but de ce travail a été de comprendre le rôle de STAT3 dans la résistance au traitement et dans le cycle cellulaire, plus particulièrement lors de la phase G2 afin d’établir une stratification de STAT3 dans le développement de la tumeur colorectale.

Pour cela, dans un premier temps, nous avons cherché à caractériser la régulation de STAT3, phosphorylé sur son résidu sérine 727, en réponse aux dommages de l’ADN induits par un inhibiteur de topoisomérases de type I, le sn38, dans une lignée cellulaire colorectale.

Dans un second temps, sachant que le traitement au sn38 induit un blocage des cellules pendant la phase G2 du cycle cellulaire, nous nous sommes intéressés à l’activation et au rôle de STAT3 durant cette phase G2 et son point de contrôle. Puis, nous avons déterminé de nouveaux gènes cibles de STAT3.

Pour finir, nous avons souhaité étudier l’état d’activation de STAT3 à différents stades du cancer colorectal, à partir de coupes de tumeurs.

Chapitre 1

La kinase Cdk5 régule le facteur de transcription