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Malgré le grand nombre d'ET3 identifiés à ce jour comme suppresseurs de HR, nous connaissons peu leur mode d'action. On sait cependant que l'activité enzymatique de certains d'entre eux est nécessaire à leur fonction de suppression. C'est le cas de l'activité protéase à cystéine de l'effecteur HopN de P. syringae ; des mutants dans la triade catalytique ne sont plus capables de supprimer la HR élicitée par P. syringae pv. tomato DC3000 sur N. benthamiana et N. tabacum (Lopez-Solanilla et al., 2004). HopN doit donc supprimer la HR en clivant une cible végétale. D'autre part, l'effecteur HopAO1 (anciennement appelé HopPtoD2) est une

phosphatase à tyrosine dont l'activité enzymatique est nécessaire à la suppression

de la HR élicitée par une souche avirulente de P. syringae sur N. benthamiana et N.

tabacum (Bretz et al., 2003; Espinosa et al., 2003). HopAO1 est également capable

de supprimer la HR induite par l'expression d'une forme constitutivement active de la MAPKK NtMEK2 ce qui peut indiquer que sa cible phosphorylée se trouve en aval de NtMEK2 (Espinosa et al., 2003). Cette cible pourrait être une MAPK étant donné que celles-ci sont activées par phosphorylation des tyrosines et des thréonines (Zhang and Klessig, 2001). Cependant, chez Arabidopsis, HopAO1 n'exerce pas son action sur MPK3 ni MPK6 et ses cibles restent encore à identifier (Underwood et al., 2007). Il est intéressant de noter que certains suppresseurs de HR sont membres de la

famille AvrBs3 ; ils agissent donc probablement dans le noyau en modifiant

l'expression génique (Fujikawa et al., 2006). Pour comprendre comment les ET3

parviennent à supprimer l'ETI, l'identification de leurs cibles végétales sera une étape déterminante.

A l'heure actuelle, un seul mécanisme moléculaire conduisant à l'inhibition de l'ETI a été déchiffré : il s'agit de la suppression de la HR par l'activité E3-ubiquitine-

ligase de AvrPtoB (Figure 18) (Abramovitch et al., 2003; Janjusevic et al., 2006;

Rosebrock et al., 2007). L'effecteur AvrPtoB de P. syringae pv. tomato est une protéine modulaire dont la partie C-terminale (AvrPtoB388-553) a une activité E3-

ubiquitine-ligase (figure 18A) (Janjusevic et al., 2006). La protéine entière ainsi que la partie N-terminale seule (AvrPtoB1-387) sont reconnues par la kinase Pto qui est

gardée par la protéine R Prf ce qui déclenche l'ETI (Figure 18B) (Janjusevic et al., 2006; Kim et al., 2002). Chez des variétés de tomate dépourvues de la kinase Pto, la protéine entière AvrPtoB n'élicite pas de HR ; cependant l'expression d'une version tronquée de AvrPtoB (AvrPtoB1-387) ou de mutants ponctuels dépourvus d'activité E3

ligase conduit à la mise en place de l'ETI (Abramovitch et al., 2006; Janjusevic et al., 2006) ; celle-ci est due à l'interaction de la partie N-terminale de AvrPtoB (AvrPtoB1- 387) avec la kinase Fen et est, elle aussi, dépendante de Prf (Figure 18B) (Rosebrock

et al., 2007). Dans la protéine native, l'activité E3 ligase de la partie C-terminale

AvrPtoB388-553 est donc capable de supprimer l'ETI déclenchée par AvrPtoB1-387. Ce

domaine AvrPtoB388-553 dirige en effet l'ubiquitination de la protéine Fen et induit sa

dégradation par le protéasome ; Fen ne peut alors plus activer Prf et déclencher l'ETI (Rosebrock et al., 2007). L'effecteur AvrPtoB a donc acquis la capacité à supprimer l'ETI déclenchée par la reconnaissance de son domaine N-terminal par le complexe Fen/Prf. Par contre, il ne supprime pas l'ETI déclenchée par Pto/Prf alors que les deux kinases Fen et Pto sont fortement homologues. Cela est du au fait que Pto a la capacité d'inhiber l'activité E3 ligase de AvrPtoB en le phosphorylant sur la thréonine 450 (Ntoukakis et al., 2009). Les plantes sont donc capables d'inactiver un ET3 afin de déclencher l'ETI. Le gène fen étant apparu avant le gène pto dans le genre

Solanum, il est possible que, suite à la suppression de l'ETI déclenchée par Fen,

aient été sélectionnées des plantes ayant acquis une nouvelle protéine gardée par Prf capable d'empêcher sa propre ubiquitination par AvrPtoB (Riely and Martin, 2001). La dégradation de Fen n'explique cependant pas toutes les activités de suppression attribuées à AvrPtoB. En effet, ce dernier est capable d'inhiber la mort cellulaire induite par la protéine pro-apoptotique de souris BAX chez les plantes et par un stress oxydatif chez la levure (Abramovitch et al., 2003; Jamir et al., 2004)

Figure 18. L’effecteur AvrPtoB de Pseudomonas syringae pv. tomato

A. Structure protéique de AvrPtoB. AvrPtoB est une protéine modulaire composée

d’une partie N-terminale qui interagit avec plusieurs cibles végétales et d’une partie C-terminale présentant une activité E3-ubiquitine-ligase.

B. AvrPtoB est à la fois un suppresseur de la PTI et de l’ETI sur plante sensible et un éliciteur de l’ETI sur plante résistante. Chez une plante sensible (c’est-à-

dire dépourvue de Pto), AvrPtoB transfère des molécules d’ubiquitine sur plusieurs PRRs ce qui entraîne leur dégradation et inhibe la PTI ; la kinase végétale Fen reconnaît la partie N-terminale de AvrPtoB et, si elle n’était pas ubiquitinée par AvrPtoB, activerait la protéine R Prf. La dégradation de Fen prévient donc la mise en place de l’ETI chez des plantes possédant à la fois Fen et Prf.

Chez une plante possédant la kinase Pto, l’interaction d’AvrPtoB avec le complexe Pto/Prf déclenche l’ETI car Pto est capable d’inactiver l’activité E3 ligase de AvrPtoB.

A

- Reconnaissance des PRRs - Reconnaissance par Fen/Prf - Reconnaissance par Pto/Prf

Apoplasme B

E3-ligase

N C

1 387/388 553

- Ubiquitination des PRRs Suppression de PTI - Ubiquitination de Fen Suppression de l’ETI - Pas d’ubiquitination de Pto ETI

CERK1 AvrPtoB E2 AvrPtoB E2 FLS2 Dégradation des PRR AvrPtoB E2 Dégradation de Fen

P T I

E T I

Fen Prf Prf

E T I

Plante sensible Plante résistante

Pto AvrPtoB

(Guo et al., 2009). De plus, son domaine C-terminal est suffisant pour supprimer la HR déclenchée par les couples Pto/AvrPto et Cf9/Avr9 (Abramovitch et al., 2003). AvrPtoB doit donc aussi agir sur des voies de la mort cellulaire programmée fondamentales et très conservées chez les eucaryotes.

4.3 Les suppresseurs de HR ne seraient-ils pas des suppresseurs