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3.3.1 Les protéines de résistance

La majorité des protéines R sont de type NB-LRR : elles contiennent dans leur domaine central un site de liaison aux nucléotides (NB pour nucleotide binding) et en C-terminal un domaine de répétitions riches en leucine (LRR pour leucine rich

repeats) (pour revue : (DeYoung and Innes, 2006; Lukasik and Takken, 2009)

(Figure 12). Elles sont structurellement apparentées à certains récepteurs intracellulaires de l'immunité animale (Ausubel, 2005). Elles peuvent être divisées en deux groupes selon la nature de leur domaine N-terminal : les CC-NB-LRR qui possèdent un domaine coiled-coil N-terminal et les TIR-NB-LRR qui ont un domaine présentant des homologies avec les récepteurs Toll et interleukine 1 (TIR pour Toll-

interleukin-1 receptor). Il existe un cas particulier de TIR-NB-LRR : la protéine RRS1-

R d’Arabidopsis qui reconnaît l’effecteur PopP2 de R. solanacearum. Celle-ci contient une extension C-terminale qui comprend un domaine d’activateur transcriptionnel de type WRKY (Deslandes et al., 2003).

Figure 12. Les différentes classes de protéines R

Les protéines R sont classées selon l’organisation de leurs domaines. Les protéines R à LRR extracellulaires peuvent être des RLK ou des RLP. La membres de la classe des NB-LRR peuvent être du type CC-NB-LRR ou TIR-NB-LRR. La protéine TIR-NB- LRR particulière RRS1-R est représentée.

(D’après Chisholm et al., 2006)

RLK RLP NB LRR TIR CC NLS WRKY NB LRR RRS1-R Kinase

Dans les cas de reconnaissance directe R/Avr, la présence de l’effecteur dans les cellules végétales est principalement détectée par les domaines LRR qui déterminent la spécificité de reconnaissance (Ellis et al., 1999; Jia et al., 2000). Ces répétitions, d’une longueur de 20 à 30 acides aminés chacune en général, sont des domaines d’interaction protéine-protéine (Kobe and Kajava, 2001). Dans les cas de reconnaissance indirecte, la cible végétale de l’effecteur semble plutôt interagir avec le domaine N-terminal de la protéine NB-LRR (Ade et al., 2007; Mackey et al., 2002; Mucyn et al., 2006). Les complexes protéines R/cible gardée sont constitutifs et dans un état inactif. L’interaction de l’effecteur ou de sa cible avec la protéine R conduirait à des changements conformationnels qui activeraient la protéine R (Ade et al., 2007; Mucyn et al., 2009; Tameling et al., 2006). L’activation des voies de signalisation par la protéine R se fait par un mécanisme inconnu mais elle implique le domaine N- terminal, qu’il soit de type TIR ou CC. En effet, les domaines CC et NB de RPS5 sont tous deux nécessaires et suffisants à l’activation de la HR (Ade et al., 2007) et le domaine TIR de RPS4 contribue à la signalisation de la mort cellulaire (Swiderski et

al., 2009).

Une seconde classe majeure de protéines R est constituée des protéines à LRR extracellulaires (eLRR) qui peuvent être des RLK ou des RLP (Figure 12). On peut citer en exemple les RLP codées par les gènes de tomate Cf de résistance au champignon Cladosporium fulvum et la RLK Xa21 du riz qui confère la résistance à

X. oryzae pv. oryzae (Rivas and Thomas, 2005; Song et al., 1995). Enfin, il existe

d’autres types de protéines R comme les protéines Xa27 du riz et Bs3 du poivron. Xa27 qui reconnaît AvrXa27 de X. oryzae pv.oryzae ne présente aucune homologie avec d’autres protéines R connues (Gu et al., 2005). Bs3 dont nous parlerons plus loin est quant à elle une flavine monoxygenase (Romer et al., 2007).

3.3.2 La signalisation en aval de la reconnaissance R/Avr

Les protéines de signalisation qui agissent en aval des protéines R sont encore peu connues. La recherche d’interacteurs protéiques ainsi que des criblages génétiques ont tout de même permis d’identifier des protéines nécessaires à la HR et à la résistance. Ainsi les protéines R seraient stabilisées et repliées dans une

Tableau 3. Couples R/Avr et cibles des protéines Avr mentionnés dans le texte

Les cibles gardées sont des protéines. Les cibles des ET3 activateurs de la transcription sont des promoteurs. « Direct » indique une interaction directe R/Avr. Sont indiqués le nom de la protéine R, sa classe (RLP pour receptor like protein) et l’espèce végétale chez laquelle elle a été identifiée.

Micro-organisme Protéine

d'avirulence Cible Protéine R Classe Plante Références AvrPto

AvrPtoB AvrPtoB

N-term. Fen (Rosebrock et al., 2007)

AvrRpt2 RIN4 RPS2 CC-NB-LRR A. thaliana (Bent et al.,1994; Mindrinos et al., 1994 ;

Axtell et al., 2003; Mackey et al., 2003) AvrB

AvrRpm1

P. syringae pv. phaseolicola HopAR1 PBS1 RPS5 CC-NB-LRR A. thaliana (Warren et al., 1998; Shao et al., 2003; Ade et al., 2007) P. syringae pv. pisi AvrRps4 RPS4 TIR-NB-LRR A. thaliana (Gassmann et al., 1999)

R. solanacearum PopP2 Direct RRS1-R TIR-NB-LRR A. thaliana (Deslandes et al., 2003) X. oryzae pv. oryzae AvrXa27 pXa27 Xa27 Pas d'homologie connue Riz (Gu et al., 2005)

AvrBs3 pBs3 Bs3 MonooxygénaseFlavine Poivron (Pierre et al., 2000; Romer et al., 2007) AvrBs4 Direct ? Bs4 TIR-NB-LRR Tomate (Ballvora et al., 2001; Schornack et al., 2004)

Avr2 Rcr3 Cf2 Tomate (Rooney et al., 2005)

Avr4/9 Cf4/9 Tomate (Jones et al., 1994; Thomas et al., 1997)

Blumeria graminis AvrA10 MLA10 CC-NB-LRR Orge (Ridout et al., 2006; Shen et al., 2007)

Melampsora lini AvrL5/6/7 Direct L5/6/7 TIR-NB-LRR Lin (Dodds et al., 2004)

Magnaporthe grisea AvrPita Direct Pita CC-NB-LRR Riz (Jia et al., 2000)

Virus de la mosaïque du tabac p50 NRIP N TIR-NB-LRR N. tabacum (Whitham et al., 1994; Caplan et al., 2008)

(Salmeron et al., 1996; Kim et al., 2002; Pedley et al., 2003; Janjusevic et al., 2006; Mucyn et al., 2006)

P. syringae pv. maculicola (Grant et al., 95; Mackey et al., 2002)

Tomate A. thaliana X. campestris pv. vesicatoria Cladosporium fulvum CC-NB-LRR Prf Pto CC-NB-LRR RIN4 RPM1 RLP P. syringae pv. tomato

conformation permettant la signalisation au sein d'un complexe multiprotéique comportant la chaperonne cytosolique Hsp90 et les co-chaperonnes SGT1 et RAR1 (Shirasu and Schulze-Lefert, 2003) (Figure 11). On peut distinguer au moins deux voies distinctes de signalisation en aval de l'interaction R-Avr en fonction de la nature des protéines R (Aarts et al., 1998). Les protéines R du type TIR-NB-LRR ont besoin des lipases putatives EDS1 et PAD4 pour fonctionner (pour revue: (Wiermer et al., 2005)) alors que la protéine membranaire NDR1 est nécessaire à la fonction de plusieurs protéines R du type CC-NB-LRR comme RPS2 et RPM1 (Day et al., 2006).

Les protéines SGT1 de plantes présentent des similarités avec la protéine SGT1 de levure qui est un régulateur des ubiquitine-ligases de type SCF (Kitagawa

et al., 1999). RAR1 et SGT1 interagissent avec des composants de la voie de

protéolyse dépendante du protéasome et de l'ubiquitine (Serino and Deng, 2003). SGT1 et RAR1, en plus d’être des co-chaperonnes, pourraient donc aussi être impliqués dans la dégradation de régulateurs négatifs des défenses et/ou de la HR. L’importance dans l’ETI de la dégradation protéique via le protéasome est appuyé par le fait que des E3 ubiquitine-ligases à U-box sont également nécessaires à la résistance (Gonzalez-Lamothe et al., 2006; Yang et al., 2006b).

L’activation des défenses suite à la reconnaissance R/Avr passe au moins pour partie par des cascades MAPK. Cela a notamment été démontré chez la tomate (Lycopersicum esculentum) dans le cas de la résistance à P. syringae pv. tomato dont le déclenchement nécessite deux cascades de MAPKs (Figure 6) (del Pozo et

al., 2004; Ekengren et al., 2003). L’activation des cascades de MAPK par les

protéines R participe probablement à la modification de l’expression génique observée lors de l'ETI.

Cependant, le lien entre les protéines R et la reprogrammation de la transcription est parfois beaucoup plus direct (pour revue : (Shen and Schulze-Lefert, 2007)). En effet, des études récentes montrent que certaines protéines R sont localisées dans le noyau et que cette localisation est nécessaire à la résistance (Burch-Smith et al., 2007; Shen et al., 2007). Certaines, comme la protéine MLA10 de l'orge, agissent parfois directement sur la machinerie de transcription. Suite à la reconnaissance de AvrA10, MLA10 interagit dans le noyau avec les facteurs de

transcription HvWRKY1/2 (Hordeum vulgare). Ces derniers sont des répresseurs de la PTI ; l'extinction de leur expression conduit à des niveaux réduits de microcolonies

Introduction générale. Chapitre 1

fongiques suite à l’infection par une souche virulente (Shen et al., 2007). Les auteurs proposent un modèle dans lequel les facteurs de transcription WRKY participent à un rétrocontrôle négatif de la PTI ; MLA10 perturbe la fonction de répression de HvWRKY1/2 ce qui amplifie l'expression des gènes de défense et conduit à la mise en place de défenses plus efficaces (Figure 11). L'action directe sur la machinerie de transcription montre l'existence de voies de signalisation courtes en aval des protéines R dont les effets sur le transcriptome restent à découvrir. Ce constat est renforcé par l'existence de la protéine R d'Arabidopsis RRS1 qui possède elle-même un domaine WRKY susceptible de se lier à l'ADN.

3.3.3 L'ETI résulte d'une levée d'inhibition de la PTI

Les réponses de défense de la PTI et de l’ETI se superposent largement, incluant notamment l’accumulation de ROS, l’activation de MAPKs et l’induction de gènes de défense. Ceci montre une convergence des voies de signalisation déclenchées par les PRR et les protéines R. Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'une cascade de MAPK activée chez Arabidopsis suite à la perception de la flagelline partage des homologies avec une des cascades induites chez la tomate suite à la perception de AvrPto (Figure 6). De plus, les travaux de Shen et al. (2007) montrent que la machinerie transcriptionnelle de la PTI est une cible directe de certaines protéines de résistance ; l’ETI semble fonctionner en inhibant le rétrocontrôle négatif de la PTI. Ces travaux entre autres soutiennent le modèle illustrant l’immunité végétale représenté sur la figure 13 (Schwessinger and Zipfel, 2008). Selon ce modèle, les défenses sont constitutivement inhibées chez une plante saine. La perception d’un microorganisme par l’interaction PAMP/PRR lève cette inhibition probablement grâce à la dégradation de régulateurs négatifs. Une fois mise en place, la PTI est régulée par des boucles de rétrocontrôle négatives ou positives. L'inhibition des défenses a pour rôle d'éviter la mise en place de "réponses inflammatoires chroniques" et/ou de restreindre les réponses immunitaires sous un seuil qui serait préjudiciable aux cellules. Si la bactérie est pathogène, alors les ET3 injectés dans les cellules végétales suppriment les défenses basales, en stabilisant les régulateurs négatifs par exemple. Enfin, si la plante est capable de reconnaître spécifiquement un des ET3 injectés, alors la reconnaissance R/Avr augmente les

Figure 13. L’ETI correspond à une amplification de la PTI

Selon ce modèle, les plantes inhiberaient leurs réponses de défense grâce à des régulateurs négatifs en absence de micro-organismes.

En présence de bactéries, la détection des MAMP par les PRR entraîne l’inhibition de la régulation négative des défenses ce qui conduit à l’activation de la PTI.

1 : La PTI est activée par des boucles de rétrocontrôle positives. Les activateurs de la PTI sont inhibés par les ET3 dans une plante sensible et sont activés par la reconnaissance R/Avr. Dans une planté résistante, l’amplification de la PTI pourrait ainsi être accomplie en renforçant les changements transcriptomiques de la PTI.

2 : La PTI est également régulée par des boucles de rétrocontrôle négatives. Dans une plante sensible, les ET3 pourraient agir en mimant ou en stabilisant les régulateurs négatifs de la PTI afin de diminuer l’amplitude des réponses de défense de la PTI. Dans une plante résistante au contraire, l’ETI pourrait être déclenchée en inhibant les régulateurs négatifs de la PTI.

L’ETI serait donc le résultat simultané d’une activation du rétrocontrôle positif de la PTI

Plante sensible Plante résistante

PRR MAMP SST3

P T I

R

E T I

R 1 2

Introduction générale. Chapitre 1

réponses de défense (i) en dégradant des régulateurs négatifs de la PTI d'où l'importance de la protéolyse dans l'ETI (ii) en séquestrant des régulateurs négatifs de la PTI, ce que semble faire MLA10 envers HvWRKY1/2 (iii) ou en renforçant les changements transcriptionnels induits par la PTI (Tao 2003). Il existe en effet un chevauchement entre les gènes induits lors de la PTI et de l’ETI. La plupart des gènes induits chez des tabacs transgéniques suite à la reconnaissance Cf9/Avr9 sont également induits chez Arabidopsis suite au traitement avec flg22. De plus 45% des gènes induits par flg22 sont aussi induits lors d’une interaction incompatible alors que seuls 8% sont induits lors d’une interaction compatible (Navarro et al., 2004). Ce chevauchement entre les réponses à un éliciteur général et celles à un éliciteur race- spécifique est le signe d’un processus conservé dans l’immunité végétale. De plus, cela suggère que les mécanismes de l’ETI ont évolué à partir de ceux de la PTI.