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3.4 Les techniques de charpenterie navale

3.4.3 Les fixations

Cette section sera consacrée à la description des fixations observées sur les vestiges exposés au LHNC de la Bataille-de-la-Ristigouche, et sur l’étrave et l’étambot d’après les relevés disponibles. Quatre types de fixation ont été identifiés et feront l’objet d’une description détaillée quant à la taille, la forme et l’emplacement. Il s’agit des clous, des gournables et des broches transversales et latérales.

65 3.4.3.1 Les clous

Les clous sont faits en fer et ont une extrémité pointue et une autre dotée d’une tête aplatie. Sur les vestiges exposés, un total de 138 clous a été observé sur l’ensemble de la structure. Les mesures ont été prises sur les clous directement accessibles, mais l’ensemble des observations provient du photomontage sur lequel les clous (et les gournables) ont été identifiés (Figure 44). Dans tous les cas, les clous sont encore visibles, aucun trou n’a été documenté sans clou à l’intérieur. Ils ont une tête carrée et les côtés mesurent en moyenne 1,6 cm. L’avant-trou, permettant l’insertion des clous, est visible à certains endroits (Figure 45). La structure exposée comporte de nombreux clous et si plusieurs sont liés à des pièces architecturales aujourd’hui disparues, leur répartition systématique des fixations est évidente. Ainsi, il est possible de retrouver deux clous à la jonction de la planche et de la membrure, alignés de façon diagonale près des cans supérieurs et inférieurs des planches (Figure 46). Les dessins de certaines pièces architecturales portent la mention de clous à divers endroits. Cependant, l’absence d’identification de la nature des pièces et de leur contexte archéologique empêche d’en retirer des données systématiques.

3.4.3.2 Les gournables

Les gournables sont des chevilles faites de bois et sont retrouvées en grande quantité sur les vestiges. Un total de 256 gournables a été observé et leur diamètre moyen est de 3,5 cm (Figure 47). Tout comme autour des clous, l’avant-trou est parfois visible. L’essence dans laquelle les gournables ont été réalisées n’est pas connue, mais elles sont souvent faites de chêne (Steffy 1994 : 258; Goodburn 2009 : 66).

Les gournables relient principalement le bordé et le vaigrage à la membrure. Sur le vaigrage, elles sont alignées de façon diagonale près des cans supérieurs et inférieurs des vaigres. Elles se situent à l’about de deux planches sur une membrure, alignées à la verticale près de l’extrémité de la planche, un schéma qui n’est pas sans rappeler celui du clouage (Figure 48). De nombreuses gournables ne semblent pas correspondre à des structures architecturales actuellement visibles et sont probablement liées à des pièces aujourd’hui disparues. Tout comme pour les clous, les dessins de pièces architecturales individuelles de Parcs Canada portent la

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mention de gournables à divers endroits, mais l’absence d’identification de la nature de la pièce et de sa provenance ne permet pas d’en retirer des données probantes.

3.4.3.3 Les broches transversales et latérales

Deux types de broches peuvent être observés sur les vestiges : les broches transversales, qui traversent la carène en direction interne-externe et les broches latérales qui sont parallèles à la quille et relient des éléments assemblés des couples. Les seules broches transversales sont situées sur la carlingue et permettent la liaison avec la quille (Figure 49). Concernant les broches latérales, elles se retrouvent notamment sur les couples, en assurant l’empattement entre certaines pièces. Sur le couple 1, des broches liant la première et la deuxième allonge de même que la troisième et quatrième allonge peuvent être observées.

Concernant l’étrave et l’étambot, des broches latérales apparaissent sur les relevés archéologiques. Sur l’étrave, le système de fixation est composé uniquement de broches de fer faisant la liaison entre l’étrave et la contre-étrave (Figure 43). Elles sont principalement dirigées de l’extérieur vers l’intérieur du navire. Les pièces utilisées en renfort interne de l’étrave, de même que les fragments de poulain visible, ont cependant un système de broches inverses, de l’intérieur vers l’extérieur. L’étambot repose sur la quille, formant un angle presque droit et y est lié avec une charnière de fer. Elle est liée au contre-étambot par des broches situées aussi de façon latérale (Figure 50).

3.4.4 Bilan

Les données sur la charpenterie du Machault comportent des traces d’outils variées telles que la hache, l’herminette, le fer de calfat et la scie mécanique. Ces traces ont été observées sur différentes pièces architecturales, dont les planches, les membrures des couples et la carlingue. Les différents types d’assemblage ont été documentés sur les planches, les éléments de la membrure et sur les structures complexes comme l’étrave ou l’étambot. En dernier lieu, les différents types de fixations visibles ont été documentés. On retrouve les clous et les gournables reliant principalement les planches et les membrures, alors que des broches sont visibles sur la carlingue et entre les membrures des couples. Ces données seront analysées plus loin afin de caractériser les techniques et la division du travail sur le chantier maritime à Bayonne en 1757.

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L’observation des vestiges du Machault a permis d’obtenir plusieurs données de natures différentes quant aux différentes phases d’un projet architectural de navire. Concernant la première phase du projet, l’extraction de la matière première, il a été établi que l’ensemble des pièces observées est fait de chênes, abattus peu de temps avant la construction du Machault. Le comptage des cernes de croissance en présence a fourni des groupes d’âge minimal et la comparaison morphologique entre l’arbre et la pièce finie montre une correspondance plutôt homogène. Le type de débitage a révélé que les charpentiers privilégiaient les coupes qui conservaient les propriétés mécaniques des arbres.

En ce qui concerne la conception architecturale du navire, les dimensions archéologiques ont été présentées de même que la méthode employée pour l’identification la conception des couples du navire. L’analyse de ces deux types de données permettra de déceler le mode de conception traditionnelle et de pouvoir comparer ses caractéristiques avec celles des frégates de la même époque.

Quant aux techniques de charpenterie, plusieurs outils ont été observés sur les planches, les membrures du couple et sur la carlingue. Différents types d’assemblage ont été recensés et observés sur les vestiges et les clous de fer et les gournables ont été observées sur les planches et les membrures des couples. Des broches transversales ont été relevées sur la carlingue et des broches latérales traversant des éléments de la membrure ont également été documentées.

L’ensemble de ces données sera analysé au prochain chapitre afin de caractériser les techniques inhérentes à l’industrie de la construction navale à Bayonne dans les années 1750. Cette analyse mettra en scène les différents acteurs liés à la construction du Machault, aux prises avec la relation entre la science et la tradition dans l’industrie de la construction navale.

4 –Le Machault se raconte… Analyse des données

À partir du corpus des données présentées au précédent chapitre, un éventail varié d’analyses peut maintenant être mis en œuvre afin d’élaborer un portrait de la construction navale à Bayonne dans les années 1750. Les trois étapes de la chaine opératoire navale sont reprises : la foresterie, la conception architecturale et enfin les techniques de charpenterie. Chaque catégorie de données possède une méthodologie analytique propre, basée sur une littérature distincte en histoire et en archéologie maritime.