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3. LES FONDEMENTS IDÉOLOGIQUES

3.1. Les finalités critiques

Les finalités critiques ont largement été démontrées dans les parties sur la pensée historique et sur le paradigme disciplinaire. L’inventaire a par ailleurs révélé un champ lexical en lien avec cette finalité relativement important : critique(s) (15), méthode d’analyse critique (3), esprit critique (2), jugement critique (2), analyse critique (2), aptitu- des critiques (2), regard critique (1). En conséquence, nous avons effectivement établi que le programme d’HQC, en misant sur le développement de la pensée historique et en s’inscrivant dans l’approche disciplinaire, entendait permettre aux élèves de développer des aptitudes critiques : « La pensée historique affine l’esprit critique des élèves et développe la rigueur intellectuelle » (Gouvernement du Québec, 2017, p. 1) et ce conformément aux visées du PFÉQ.

En effet, la pensée historique assure le développement direct de certaines compé- tences transversales dont Exercer son jugement critique (CT3) grâce à laquelle « L’élève apprendra à dépasser les préjugés et les évidences intuitives afin d’éviter que la simple ex-

pression d’une opinion tienne lieu de jugement » (Gouvernement du Québec, 2007, chapitre 3, p. 9). Pour cela, il doit être en mesure d’Exploiter l’information (CT1), c’est-à dire, qu’il doit « savoir repérer l’information et juger de sa valeur, mais aussi apprendre à l’organiser » (Ibid., p. 5). Ainsi, l’habileté intellectuelle à analyser de façon critique les sources, qui est au cœur de la pensée historique, s’inscrit dans le prolongement de la CT1.

Ce qui permet aujourd’hui l’étude de l’histoire provient de traces servant de preu- ves et de témoignages du passé. Ces traces, appelées documents, sont autant de sources d’information qu’il convient d’analyser de manière critique. (Gouverne- ment du Québec, 2017, p. 66)

De plus, les deux compétences disciplinaires ne peuvent se développer sans une analyse critique et rigoureuse des traces du passé et ce dans une perspective historique. En consé- quence, les finalités critiques du programme d’HQC apparaissent évidentes dans le discours et s’arriment à celles du PFÉQ.

Ensuite, dans l’annexe 1 du programme qui porte sur l’analyse critique des sources, les concepteurs du programme insistent sur l’aspect non linéaire de la procédure :

L’analyse critique des sources est ponctuée de nombreux allers-retours entre l’intention, la tâche et le document; il ne s’agit pas d’un processus linéaire. Il est suggéré de procéder du général au particulier en considérant les quatre éléments ci-après (attributs, production et diffusion, auteur et sujet). (Gouvernement du Québec, 2017, p. 66)

En effet, une application mécanique de stratégies de lecture des sources en suivant des éta- pes préétablies n’assure en rien le développement de la pensée historique, elle y participe mais ne suffit pas. La pensée historique s’inscrit dans un processus complexe qui va bien au-delà de la maîtrise des techniques propres à la discipline et qui nécessite, entre autres, d’aborder la dimension éthique des réalités sociales afin d’être à même de faire face aux enjeux éthiques contemporains auxquels tout futur citoyen sera confronté.

L’histoire est complexe et recèle des enjeux moraux, éthiques, idéologiques impor- tants, qui doivent être discutés et qui peuvent être laissés de côté au profit d’une démarche d’analyse qui a le potentiel de stériliser les débats, si elle est appliquée de manière trop mécanique. Avec ses étapes à suivre, si l’on n’y prend pas garde,

la démarche liée à la pensée historique peut être appliquée machinalement (on ré- pond aux questions : Qui ? Quoi ? Où? Quand? Comment ? Pourquoi ?) et repro- duire un apprentissage objectiviste de l’histoire. (Moisan, 2017, p. 8)

Le fait que le programme n’intègre pas de façon explicite l’empathie et l’éthique dans son modèle de pensée historique, nous porte à conclure que le développement d’aptitudes criti- ques chez les élèves reposerait essentiellement sur la capacité des enseignants à mettre en place des SAÉ qui les favoriseraient.

Le cours d’histoire est un lieu où se confrontent divers points de vue et où sont traités tour à tour les conflits, les contradictions et les sujets de consensus ou de division. Il offre un espace de discussion sur la mémoire, l’identité et la diversité. (Gouvernement du Québec, 2017, p. 1)

Bien que le programme insiste sur certaines habiletés intellectuelles qui permettraient à l’élève de prendre une certaine distance critique par rapport à sa culture première en confrontant et en comparant les différentes interprétations, les finalités critiques exigent de l’enseignant qu’il propose des séquences d’enseignement et d’apprentissage qui placeraient les élèves dans cette optique, ce qu’un cours magistral ne permet pas. De plus, Pat Clarke (2000) a souligné que nombreux sont les enseignants qui sont démunis face à l’enseignement des QSV. Plusieurs raisons sont avancées par ce dernier : le sentiment d’incompétence, le manque de temps pour étudier ces questions complexes et controver- sées, la crainte de se faire accuser de partialité ou de perdre le contrôle de son groupe lors d’un débat houleux. Ici, les finalités critiques contribueraient à démystifier le passé en gar- dant une certaine distance vis-à-vis de la mémoire collective : « Le fait de considérer plu- sieurs interprétations apporte un éclairage sur certains débats relatifs à l’interprétation des particularités du parcours de la société québécoise » (Gouvernement du Québec, 2017, p 14). Or, le concept de mémoire n’est pas défini dans le programme et il n’apparaît que trois fois. Il est associé tantôt aux finalités identitaires et tantôt aux finalités patrimoniales. Tant et si bien que nous ne pouvons dire s’il agit de la mémoire d’une nation, d’une société ou d’un groupe. Pour cela, il nous faut aborder les finalités civiques. De surcroît, nous avons montré que le contenu de la formation ne s’arrime pas au discours sur ce point et qu’il n’incite pas à aborder l’histoire plurielle ou les questions socialement vives et sensibles. En

effet, ces aspects ont été marginalisés dans la Précision des apprentissages sauf pour ceux touchant aux Premières Nations où un effort notable a été entrepris. En conséquence, le programme ne s’est pas donné les moyens de ses ambitions en lien avec la formation criti- que des futurs citoyens.