• Aucun résultat trouvé

3. LA RECENSION DES ÉCRITS

3.2 Les enjeux didactiques relatifs à l’implantation du programme d’HQC

Un des enjeux didactiques fondamentaux est la pensée historique (ou historienne) dont l’abandon, dans le programme d’HQC, a été critiqué. Dagenais et Laville (2007) ont d’ailleurs souligné que, depuis les années 1950, les programmes d’histoire sont centrés sur l’apprentissage de la pensée historique (p. 542). En effet, Roy, Gauthier et Tardif (1992) ont constaté, qu’à partir de 1967, les programmes d’histoire entendaient favoriser le déve- loppement d’habiletés propres à la démarche historique :

Les contenus historiques ne seront plus au centre des préoccupations des concep- teurs des programmes mais seront au service d’une intention pédagogique de déve- loppement de la personne. À cette fin, les contenus historiques vont perdre de leur importance au profit des habiletés intellectuelles (savoir-faire) que l’usage de la démarche historique peut permettre de développer chez les élèves. (Ibid., p. 21) Néanmoins, il faudra attendre 1981 pour que la pensée historique, qualifiée alors de démar- che historique, soit clairement explicitée dans les programmes et plus particulièrement dans les guides pédagogiques à l’intention des enseignants. Pour exemple, le programme d’histoire de 4e secondaire (Ministère de l’Éducation, 1982), a pour principal objectif de développer « des habiletés intellectuelles relatives à la démarche historique » (p. 13) :

En deuxième secondaire, l'élève a étudié l'histoire générale en s'initiant à la démar- che historique. En quatrième secondaire, on l'invite à s'interroger méthodiquement sur sa propre collectivité. (Ibid., p. 11)

Quant au programme d’HÉC, il accorde lui aussi une importance particulière à la méthode historique4 (appelée aussi « pensée historique »5) ainsi qu’à l’éducation à la citoyenneté6. Mais qu’en est-il du programme d’HQC? Dans un recueil d’articles, Quel sens pour l’Histoire? (2017), Marc-André Éthier, Vincent Boutonnet, Stéphanie Demers et David

4 Compétence disciplinaire 2 (CD2) : « interpréter les réalités sociales à l’aide de la méthode historique ». 5 Daniel Moreau (2012) a noté que le terme de « pensée historique » n’apparaît en fait qu’une seule fois dans le programme d’HÉC et jamais dans le programme de 1982 (p. 398). Pour autant, il considère, tout comme Dagenais et Laville, que les deux programmes visent explicitement le développement de l’élève par l’apprentissage de la pensée historique.

Lefrançois présentent leur analyse critique du nouveau programme lequel ne répond pas à leurs attentes. En effet, ils considèrent qu’un programme d’histoire devrait être centré sur l’apprentissage de la méthode historienne laquelle repose sur l’analyse et l’interprétation rigoureuse et critique de sources primaires et secondaires, sur la problématisation, sur la conceptualisation et sur le débat délibératif. Il existe différents modèles pour développer la pensée historique (Yelle, 2008; Duquette, 2011; Moisan, 2017) dont celui de Robert Marti- neau (1997) en vigueur dans le programme d’HÉC ou celui de Peter Seixas et Tom Morton (2012) qui tend, quant à lui, à être intégré aux nouveaux curricula dans les différentes pro- vinces canadiennes (Moisan, 2017). L’analyse du programme d’HQC permettra d’évaluer la place de la pensée historique - ou historienne (Yelle et Déry, 2017) - dans le programme et de déterminer à quel(s) modèle(s) conceptuel(s) il pourrait être rattaché s’il y a lieu (Wi- neburg, Lee, Laville, Martineau, Seixas et Morton, Duquette).

De plus, le programme d’HQC s’inscrit dans un ensemble plus vaste, le PFÉQ (Gouvernement du Québec, 2007), auquel il est supposé s’arrimer. Ce dernier vise « le dé- veloppement de compétences (transversales et disciplinaires) par des élèves engagés acti- vement dans leur démarche d’apprentissage » (Ibid., Avant Propos, p. 1). Pour cela, il s’appuie sur différents courants théoriques soit le cognitivisme, constructivisme et le socio- constructivisme (Ibid., Chapitre 1, p. 17) lesquels relèvent du paradigme de l’apprentissage. Il tourne définitivement le dos au paradigme de l’enseignement et rejette le béhaviorisme : « La simple logique permet de comprendre que la transmission de connaissances à mémori- ser ne peut suffire » (Ibid., p. 18). En effet, l’approche par compétences implique que les élèves soient actifs dans leurs apprentissages et soient capables de mobiliser un ensemble de ressources, y compris des connaissances, dans une situation donnée (Ibid., p. 13). Il in- combe donc à l’enseignant de mettre en place des situations d’apprentissage et d’évaluation (SAÉ) ouvertes, complexes, signifiantes et authentiques reposant en réalité essentiellement sur l’apprentissage par problème (APP) en univers social7 (Martineau, 2010, figure 4.6., p.

7 Lucien Febvre, historien français, fondateur avec Marc Bloch de l’Écoles des Annales, affirmait en 1943 : « Pas de problème, pas d’Histoire » (Propos d'initiation : vivre l'histoire. In Mélanges d'histoire sociale, 3(1),

77). L’enseignant, dans le PFÉQ (Gouvernement du Québec, Chapitre 1, 2006), devient un « médiateur culturel » (Ibid., p. 23) dont le rôle n’est plus de transmettre, dans le cadre d’un cours magistro-centré, un récit national reposant sur les faits marquants d’un passé collectif qui devront être mémorisés.

L’apprentissage de l’histoire à l’école n’a pas pour but de faire mémoriser à l’élève une version simplifiée et commode de savoirs savants, générés et construits par des historiens, ni de lui faire acquérir des connaissances factuelles de type en- cyclopédique. Il s’agit plutôt de l’amener à développer des compétences qui l’aideront à comprendre les réalités sociales du présent à la lumière du passé. (Gouvernement du Québec, 2006, p. 337)

Or, certains s’inquiètent d’un possible retour, dans le programme d’HQC, au para- digme de l’enseignement (Laville, 2015; Boutonnet, 2017), ce qui impliquerait le paradig- me disciplinaire de l’approche de la mémoire collective (Seixas, 2000), alors que le pro- gramme d’HÉC était davantage axé sur l’approche dite disciplinaire ou épistémologique (Moisan, 2010, p. 46) laquelle est fondée sur l’apprentissage de la méthodologie et de la pensée historique dont le but est de former « des citoyens critiques dans une démocratie libérale » (Seixas, 2000, p. 24). Vincent Boutonnet (2017), dans son analyse du contenu du nouveau programme d’histoire8, constate effectivement un retour à la fonction narrative et transmissive de l’histoire. Il remarque une diminution du nombre de concepts prescrits par rapport à l’ancien programme et il relève 465 éléments de connaissances déclaratives à mémoriser (p. 75) ainsi que l’absence d’angle d’entrée.

Que le programme soit nationaliste est une chose, mais qu’il prétende réaliser des opérations intellectuelles de haut niveau, c’en est une autre. Les éléments à notre disposition nous poussent à conclure que ce nouveau programme serait un recul majeur au regard des intentions socioconstructivistes et interprétatives de tous les autres programmes québécois. (p. 78)

5-18). Nous soulignons ici l’influence des Annales sur le programme d’HÉC et sur les fondements du modèle de la pensée historique de Robert Martineau (1997, p. 78) en vigueur dans ledit programme.

3.3 Les enjeux idéologiques relatifs à l’implantation du programme d’HQC