• Aucun résultat trouvé

Les fichiers d’identification

POLICE POUR UN SERVICE LOYAL DE LA PROCEDURE PENALE

SECTION 2 : LES ENSEIGNEMENTS DERIVES

D. Les fichiers d’identification

Enfin, les fichiers d’identification remplissent un rôle important même si leur finalité est plus réduite. Outils d’une puissance imparfaite mais importante, le FNAEG et le FNAED sont aujourd’hui utilisés dans toute enquête pénale pour identifier les personnes ayant été présentes sur le lieu de l’infraction. S’ils ne doivent évidemment pas se substituer au travail d’enquête et à l’examen consciencieux de toutes les pistes possibles, ils restent

indéniablement une aide à la procédure pénale. A ce titre, leur caractère objectif permet une investigation à charge comme à décharge comme le montrent les résultats de l’association « Innocence Project » aux Etats-Unis qui a sauvé plus de 250 personnes du couloir de la mort

212

117 suite à la révélation d’erreurs judiciaires par le biais de l’identité biologique. A leur égard ce n’est donc pas tant l’efficacité qui fait l’objet de critiques mais l’utilisation, devant rester prudente.

Les derniers fichiers participant de l’identification des personnes sont ceux relatifs aux

personnes recherchées, le FPR et le SIS dans le cadre de Schengen. Ces fichiers sont aussi très utiles pour retrouver des personnes faisant notamment l’objet d’un mandat européen, de mandats d’arrêt ou de recherche pour l’exécution d’un jugement.

Quotidiennement utilisé par les agents de police, le FPR est consulté à chaque contrôle d’identité, arrestation, interpellation ou garde à vue de sorte que dix millions de requêtes sont effectuées tous les ans par les forces de police et de gendarmerie213. Cette utilisation du fichier ne pose pas de problème en ce qu’elle ne porte aucune conséquence pour la personne

concernée et ne peut qu’informer les agents du comportement à avoir en cas de recherche effective.

Le long cheminement emprunté à travers l’étude des fichiers de police amène donc à dresser un constat en demi-teinte pour chaque thème abordé tenant à la légalisation, la légitimité et la loyauté des traitements informatisés de données personnelles. Leur utilisation au cours de la procédure pénale est d’autant plus délicate au stade de l’enquête que le flair des enquêteurs ne doit pas totalement être guidé par des informations dont il est raisonnable de se méfier. Pour conclure sur une note nuancée, il semble qu’une approche distinguant les fichiers porteurs uniquement de soupçons et ceux au contenu plus tangible pourrait être la clé de voûte de toute l’organisation des fichiers de police. Si des progrès sont encore à faire de manière générale pour la légalisation ou la fiabilité des fichiers, ce critère pourrait commander encore plus fortement l’existence même des fichiers de police, à défaut leur contenu tout autant que leur durée de conservation, leur champ d’application personnel comme leur utilisation.

213 Audition par les parlementaires le 7 avril 2011 de Mr Brendel, chef du service central de documentation de la

118

Conclusion

Les citoyens étant trop peu avertis et les politiques trop peu aguerris, il semble que la logique des fichiers de police l’ait emporté et ce ne sont pas les évolutions technologiques et leur gain de certitude qui risquent de freiner la course aux données. L’espoir est cependant permis grâce à la Cour européenne des droits de l’homme qui sait parfois redonner un véritable sens aux droits fondamentaux et notamment à la vie privée. A ce titre, l’arrêt M. K. contre France du 18 avril 2013214 vient à point soutenir nos propos en condamnant la France pour la conservation des empreintes digitales de « personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction mais non condamnées », « atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et [qui] ne peut passer pour nécessaire dans une société

démocratique ».

Une telle conclusion illustre parfaitement la distinction souhaitée ci-dessus car les juges analysent les différentes garanties entourant le FAED, notamment le recours offert à la personne fichée et le délai de conservation. La Cour insiste lourdement sur la circonstance tenant au fait que le requérant, ayant bénéficié d’un classement sans suite, n’a pas été reconnu coupable de l’infraction à l’origine reprochée et, si elle évite de parler de soupçons, elle estime qu’il ne faut pas que le requérant ait « l’impression de ne pas être considéré comme innocent ». Critiquant la « prétendue garantie » de protection contre l’usurpation d’identité soutenue par le procureur ayant refusé l’effacement des empreintes, condamnant par avance le fichage de l’intégralité de la population comme « assurément excessif et non pertinent » et assimilant la durée de conservation de 25 ans à « une conservation indéfinie ou du moins une norme plutôt qu’un maximum », les juges dressent un bilan très sévère à l’égard du FAED. Il suffit de songer au FNAEG prévoyant une durée de conservation égale pour les simples suspects ou au futur TAJ variant entre cinq et quarante ans pour espérer un retentissement important de cette jurisprudence.

Le droit européen, tel qu’appliqué par la Cour des droits de l’homme, apparaît être la réelle autorité gardienne des droits fondamentaux sur laquelle on peut aujourd’hui compter, reste à voir si les juridictions internes feront écho à cette décision renouant avec la

philosophie humaniste chère à notre droit pénal à l’aune de sa dernière codification.