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Les garanties personnelles endogènes

POLICE POUR UN SERVICE LOYAL DE LA PROCEDURE PENALE

SECTION 1 : LE CONTROLE INTERNE

A. Les garanties personnelles endogènes

Au stade de l’alimentation des fichiers, le contrôle interne est endogène en ce sens qu’il doit provenir des agents inscrivant les données eux-mêmes, et non de leurs supérieurs, opérant ce que l’on peut appeler un contrôle interne exogène lors de la vérification des données. Ce contrôle « endogène » dépend en premier lieu du niveau de formation des agents

70 de manière générale (1), mais aussi plus spécifiquement du statut des agents habilités pour les fichiers les plus intrusifs (2).

1) Le niveau de formation des agents

A cet égard, tous les spécialistes recommandent de renforcer la formation du personnel. Comparant les fichiers à « l’arme des policiers », le groupe de travail d’Alain Bauer argue du rôle fondamental de cet instrument dans le travail quotidien des agents pour défendre le besoin d’un niveau de préparation équivalent120

.

Cette formation est assurée pour les commissaires de police et les officiers de la gendarmerie et des guides pédagogiques sont mis à disposition.

Toutefois, cette prudence fait défaut pour les agents administratifs affectés à l’enregistrement des données dans de nombreux fichiers, alors que des connaissances en droit et procédure pénale sont éminemment attendues au vu des atteintes aux libertés individuelles encourues. Sur ce point, les parlementaires pointent du doigt une « problématique délaissée »121 donnant lieu à un apprentissage sur le tas, dont le niveau juridique dépend du bon vouloir de

l’administrateur. Le renforcement de leur formation est donc une exigence urgente122

.

L’espoir est permis du fait de la modernisation de nombreux fichiers de police qui sont autant d’occasions à saisir pour former le personnel.

2) La sélection des agents

Cette exigence générale doit être renforcée pour les fichiers de police aux

conséquences attentatoires aux libertés individuelles. La question du statut de l’agent habilité à alimenter le fichier se pose alors.

Le premier fichier qui a connu une évolution à ce sujet est le FNAEG, encadré par les articles 706-54 et suivants du Code de procédure pénale, et contenant les empreintes

génétiques des personnes concernées. L’extension du champ d’application du fichier, quant aux infractions et aux simples suspects, opérée depuis la loi du 18 mars 2003, s’est

accompagnée d’un élargissement des personnes ayant un pouvoir d’initiative dans l’inscription des données.

120

Recommandations n° 54 du rapp. AN de 2009 et n°15 du Rapp. de 2009 Bauer

121

Rapp. AN de 2011, 3ème partie, A. 1.

71 Aujourd’hui, les empreintes génétiques des personnes déclarées coupables ou ayant fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale, pour une infraction justifiant l’alimentation du FNAEG, sont nécessairement inscrites par suite de la décision d’un magistrat.

Il en est tout autrement pour l’enregistrement des empreintes des simples suspects à l’encontre desquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’ils aient

commis l’une des infractions en cause. La décision peut en ce cas émaner de l’officier de police judiciaire menant l’enquête, soit d’office, soit sur demande du procureur de la

République ou du juge d’instruction. Par conséquent, c’est un pouvoir d’initiative important accordé à l’OPJ par rapport à ceux qui lui sont traditionnellement reconnus, notamment pour les perquisitions devant toujours être autorisées par le procureur dans les circonstances d’une enquête de flagrance ou préliminaire123.

Il faut ici rappeler que le code distingue l’enregistrement de l’ADN et sa simple comparaison avec la base de donnée, qui relève elle aussi d’un pouvoir d’initiative de l’officier de police judiciaire, d’office ou à la demande des magistrats susvisés. Dès lors, l’enregistrement a des conséquences sur le long terme beaucoup plus graves que la simple comparaison, ne donnant pas lieu à alimentation du fichier, et l’on peut s’interroger sur la proportionnalité du pouvoir d’initiative des agents pour l’alimentation de la base de données. Il peut sembler que la comparaison satisfait à l’efficacité de l’enquête alors que l’enregistrement préfigure la condamnation du suspect, de sorte qu’il ne devrait pas être autorisé dans ces conditions. Des garanties attachées à l’enregistrement décidé par un agent de police viennent nuancer le jugement. En effet, le procureur de la République peut, d’office ou sur demande de la

personne concernée, ordonner l’effacement de l’empreinte dès lors que sa conservation n’est plus nécessaire. A défaut, l’intéressé peut saisir le juge des libertés et de la détention, et dispose même d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction en cas de nouveau refus. Par conséquent, certains sont convaincus que l’extension du pouvoir d’initiative dans l’alimentation du FNAEG répond aux nécessités de l’efficacité du procès pénal.

Cependant le point de vue inverse est permis, notamment au vu des carences dans le suivi et l’effacement des données, et l’on peut rester pantois devant cette procédure124

.

123 Art. 56 CPP pour l’enquête de flagrance et 76 pour l’enquête préliminaire 124 Avis de Mr Brouillet condamnant cette alimentation du FNAEG

72 Le second fichier encadré par la loi aux articles 706-53-1 et suivants du CPP et

particulièrement attentatoire aux libertés est le FIJAIS. Le FIJAIS est alimenté de plein droit ou sur décision expresse de l’autorité judiciaire uniquement suite à une condamnation, même non définitive, à l’exécution d’une composition pénale, à une mise en examen par une

juridiction d’instruction, ou à un non-lieu, une relaxe ou un acquittement fondés sur l’abolition des facultés mentales, pour des infractions expressément délimitées.

L’inscription repose donc sur une décision émanant d’un juge. En outre, la loi précise que c’est le procureur de la République ou le juge d’instruction qui fait procéder à

l’enregistrement des informations devant figurer dans le fichier, par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication sécurisé.

Ainsi, toutes les garanties sont prises au niveau de l’initiative pour garantir une alimentation légale du fichier, et donc exacte. Enfin, en cas de déclaration d’un changement d’adresse des personnes fichées, seuls les officiers de police judiciaire enregistrent la nouvelle information. C’est dire si en l’espèce la fiabilité des informations est protégée au vu des conséquences du fichier.