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Les facteurs motivants et dissuasifs d’intervention

Dans le document UNIVERSITÉ DU QUÉBEC (Page 95-99)

CHAPITRE II............................................................................................................................................ 26

4. Présentation des résultats de recherche

4.4 Témoins d’intimidation de groupe

4.4.2 Les facteurs motivants et dissuasifs d’intervention

Comme nous venons de le voir, absolument rien ne motive les témoins à intervenir directement parce qu’ils craignent pour leur propre sécurité. Cependant, leur empathie et leur sentiment d’assister à une injustice, et surtout l’espoir que les autorités soient en mesure d’intervenir efficacement les poussent à dénoncer confidentiellement.

Malheureusement, il existe beaucoup plus de facteurs dissuasifs que de facteurs de motivation dans les cas d’intimidation du groupe, à commencer par la peur. Ici, la peur est le mot clé. En effet, ils ont peur du nombre, peur d’être identifiés à la victime et d’être intimidés au même degré par le groupe, peur d’être retracés par les agresseurs quand ils dénoncent confidentiellement, peur de l’inaction des intervenants et des autorités scolaires et, finalement, ils ont peur d’être rabroués verbalement s’ils interviennent.

Cependant, les intervenantes sont plus optimistes. Pour elles, la puissance des liens affectifs ou le fait qu’un témoin soit impliqué malgré lui demeurent des motivations plus fortes que la peur. Elles soulignent aussi que la maturité et l’empathie, surtout si le témoin a déjà été victime, deviennent des éléments de motivation qui ne relèvent pas de la fiction.

Elles déplorent cependant que lorsqu’il s’agit d’intimidation faite par le groupe, certains témoins vont dénoncer auprès des intervenants, mais certaines victimes n’ont aucun ami ni témoin dans le groupe pour dénoncer les mauvais traitements qu’ils subissent, de sorte qu’il n’y a personne pour prendre leur défense.

Mais pas tout le temps, il y a de bonnes victimes qui sont faciles à écœurer et qui n’ont pas d’amis là, zéro. Personne ne va prendre leur part.

(Intervenante)

L’une d’elles apporte un élément nouveau en affirmant que dans une institution, lorsqu’une personne est identifiée comme étant le ou la responsable de l’intervention en matière de violence et d’intimidation et qu’il ou elle est en mesure de s’occuper des dossiers du début à la fin, cela constitue un incitatif sérieux à la dénonciation. Selon elle, cette personne devient rapidement la personne-ressource pour toutes les victimes et les témoins de violence et d’intimidation. Elles soulignent finalement que les élèves sont également de plus en plus conscientisés et qu’ils comprennent mieux l’importance de

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leurs réactions et normalisent de moins en moins. Ainsi, le fait d’être plus conscientisés augmenterait leur motivation à réagir.

Parmi les facteurs dissuasifs qu’elles identifient et qui diffèrent des craintes déjà mentionnées par les participants, on retrouve la peur de se faire accoler la réputation de délateur, le fait de ne pas avoir l’appui d’amis pour intervenir, le fait d’être timide ou de ne pas être populaire soi-même. Finalement il existe des cas où un intimidateur a l’habitude de terroriser tout le monde.

Pour ce qui est des nouveaux éléments dissuasifs relevés par les intervenantes, nous retrouvons la banalisation de la violence et particulièrement de la violence homophobe, le fait que le témoin soit un ami de l’agresseur ou aspire à devenir son ami, le fait que le ou les témoins considèrent que la victime mérite son sort et, finalement, le fait de ne pas réaliser la gravité des conséquences pour les victimes. Elles expliquent que ce dernier problème vient du fait que les conséquences à court, moyen ou long termes pour les victimes demeurent une notion abstraite pour les élèves témoins de violence.

4.4.3 Les réactions d’adaptation stratégiques

Pour assurer leur protection personnelle, les témoins cherchent à se dissocier de la victime, à ignorer les actes d’intimidation en cours ou à regarder la scène discrètement avec désolation. Certains d’entre eux, parfois même des amis de la victime, vont jusqu’à se ranger derrière le groupe d’intimidateurs, pour éviter de devenir eux-mêmes des victimes ou simplement pour tenter d’être acceptés comme membres du groupe d’intimidateurs. Dans ce cas, ils sont généralement motivés par le désir d’être admirés ou craints comme les intimidateurs ou simplement pour bénéficier de la protection du groupe.

Pour leur part, les intervenantes interrogées réalisent que certains parents et certains intervenants minimisent les dénonciations qui leur sont rapportées et cela a pour conséquence que les élèves perdent leur confiance envers les adultes. Elles tentent donc de renverser la vapeur en intervenant avec sérieux chaque fois qu’une victime ou un témoin dénoncent, même si cela leur paraît banal. Elles affirment que le but est d’entretenir le lien de confiance entre les adultes et les enfants. Une d’entre elles organise également une soirée d’information et de sensibilisation, à chaque début d’année scolaire, à l’attention des parents, des enfants et des enseignants afin de les sensibiliser à ce problème. Les deux ont également fait des demandes répétées auprès des autorités scolaires pour obtenir qu’une personne-ressource pour prendre en charge les dossiers d’intimidation et l’une des deux intervenantes a obtenu ce mandat alors que la seconde affirme qu’ils ont maintenant une intervenante désignée à cet effet dans leur unité.

Elles tentent également de sensibiliser les jeunes à leur langage pour contrer leurs propos qui rendent difficile la détection de l’intimidation. Elles affirment que les enfants se traitent souvent de toute sorte de qualificatifs et, quand elles interviennent, ils affirment qu’il s’agit de blagues entre amis.

Parfois, l’intimidation est dure à définir clairement parce que nos enfants se traite souvent de bitche ou de toute sorte de noms et, quand tu interviens, ils te disent : Bien non, c’est ma copine […]. Ils ont un langage qui rend très difficile la détection de l’intimidation. (Éducatrice)

4.5 Les facteurs de risque et de protection liés au phénomène de la violence et de l’intimidation

À la lumière des résultats précédents, nous voyons que les témoins d’une agression physique ou d’une scène d’intimidation doivent être en mesure de bien évaluer les risques qu’ils courent pour leur propre sécurité avant de choisir qu’elle sera la meilleure façon de

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réagir. Cette section vise à faire ressortir les facteurs de risque et de protection, non seulement du côté des témoins, mais également du côté des intervenantes. Dans cette section, nous accorderons une attention particulière au facteur de popularité, car tant les témoins que les intervenantes y font constamment référence, mais parfois de façon différente.

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