• Aucun résultat trouvé

Les facteurs environnementaux

Dans le document UNIVERSITÉ DU QUÉBEC (Page 25-29)

1. Problématique

1.3 Les facteurs de risques et de protection de l’intimidation

1.3.4 Les facteurs environnementaux

Olweus (1999) et Beaulieu (2007) mettent en évidence au moins cinq facteurs de risque principaux entourant l’environnement social éducatif susceptibles de favoriser la violence et l’intimidation. Parmi ces facteurs de risque, nous retrouvons l’environnement physique des écoles, l’implication des enseignants, le phénomène de groupe et les facteurs familiaux et socioéconomiques.

Nombreux sont les chercheurs à avoir démontré que les actes d’intimidation se produisent majoritairement à l’école et particulièrement en dehors des temps de classe (Debarbieux ,2016; Beaumont, Leclerc, Frenette et Garcia, 2017; Olweus, 1999 ; Beaulieu, 2007 ; Labbé, 2009 ; Robichaud, 2003). C’est pourquoi l’environnement physique et la surveillance des lieux ressortent comme des éléments déterminants. Ainsi, les endroits retirés ou difficiles à surveiller dans les écoles et dans les cours d’école sont considérés comme des facteurs de risque supplémentaires aux actes de violence et d’intimidation.

Ajoutons à cela une faible supervision ou une supervision inadéquate de la part des adultes dans ces endroits et nous obtenons un « cocktail » propice à l’intimidation.

Un autre facteur soulevé par ces chercheurs (Debarbieux, 2016; Beaumont et al., 2017;

Olweus, 1999 ; Beaulieu, 2007 ; Labbé, 2009 ; Robichaud, 2003) est un faible investissement des enseignants à l’égard de l’intimidation. Une école où on fermerait les yeux sur les actes de violence, où il y aurait peu ou pas de conséquences pour les agresseurs et où on banaliserait le phénomène, risquerait de devenir une école à fort risque de connaître d’importants problèmes d’intimidation. Cependant, Labbé (2009) rapporte qu’une étude de Yoon révèle une distorsion statistique entre les enseignants qui rapportent intervenir dans 85% des cas d’intimidation et les élèves impliqués dans ce type de situations qui

rapportent à leur tour qu’à peine 35% des enseignants interviennent. La même étude souligne que peu d’élèves croient à l’efficacité des interventions professorales.

Une mauvaise dynamique de groupe serait également reconnue comme un facteur favorisant le maintien des situations de violence et d’intimidation et renforcerait le comportement des agresseurs (Olweus, 1999 ; Labbé, 2009.) Comme nous l’avons vu précédemment, dans un groupe où chacun occupe un rôle, il n’est pas rare que l’intimidation devienne un phénomène de groupe. Le phénomène vient du fait qu’un enfant en groupe aura tendance à adopter les comportements de la majorité, ce qui explique le pouvoir du groupe. Généralement, les enfants d’un groupe qui tendent à avoir des comportements similaires à ceux des agresseurs, les assistants et les supporteurs ont tendance à s’affilier alors que les victimes, les défenseurs et souvent les témoins formeront un autre ensemble. Cette division donne lieu à l’instauration de mécanismes sociaux (Olweus, 1999 ; Labbé, 2009). Dan Olweus, (1999) accuse d’ailleurs ces mécanismes d’être à l’origine de ce qu’il appelle « la contagion sociale ». Autrement dit, un comportement agressif risque fort d’être adopté par un témoin, particulièrement si ce témoin admire l’agresseur ou si l’agresseur en retire une reconnaissance sociale. Ce mécanisme a pour effet de réduire les inhibitions des témoins à agir comme l’agresseur qui devient un modèle. Toujours selon Olweus, le fait que les agressions se produisent régulièrement en groupe a pour effet de réduire la responsabilité individuelle des autres élèves et à légitimer les agressions répétées de certains enfants aux yeux du groupe, d’où l’importance du groupe comme facteur de risque environnemental. C’est pourquoi un engagement actif et positif des enseignants par rapport au phénomène d’intimidation et la promotion de valeurs humanistes (coopération, partage, respect de la différence et solidarité) dans les classes et à l’extérieur d’elles sont considérés comme de sérieux facteurs modérateurs contre une dynamique de groupe négative (Debarbieux, 2016;

Beaumont et al., 2017). Une surveillance accrue dans les écoles, lors de périodes de

18

récréation et dans des endroits propices aux agressions, des mesures organisées et adaptées de prévention, une administration qui soutient le personnel et les élèves, un budget alloué à la formation, à l’information et aux outils d’intervention sont également des éléments indispensables de protection (Beaumont et al., 2017; Olweus 1999) . Des particularités familiales sont également au nombre des facteurs de risque et semblent être parmi les meilleurs indicateurs d’une trajectoire d’agresseur ou de victime que le statut socioéconomique (Beaumont et al., 2017). En effet, certains auteurs soulignent qu’une éducation parentale coercitive augmente le risque qu’un enfant devienne un agresseur ou une victime (Gouvernement du Québec, 2018; Giguère, Vitaro, Boivin, Desrosiers, Cardin et Brendgen, 2011; Olweus, 1999). D’autres chercheurs soulignent que certaines formes d’éducation et de problèmes familiaux donnent lieu à une éducation

«moins satisfaisante» et augmentent le risque de vivre des problèmes d’agression ou de victimisation (Gouvernement du Québec, 2018; Fortin, Marcotte, Royer & Potvin, 2000 ; Olweus, 1999). « Éducation moins satisfaisante signifie entre autres que l’enfant reçoit peu d’affection, d’attention et de surveillance et que ses responsables n’imposent pas de limites précises à son comportement » (Olweus, 1999, p. 49). Les problèmes familiaux comme le divorce, les conflits entre parents, la maladie mentale, l’alcoolisme ou la toxicomanie, etc., sont également considérés comme des éléments pouvant potentiellement contribuer à une éducation dite «moins satisfaisante» (Fortin et al., 2000;

Olweus, 1999).

Les recherches de Dan Olweus (1999) n’ont pas permis d’établir un lien de causalité entre le statut d’agresseur ou de victime et les piètres conditions socio-économiques des familles. Il en va de même pour Giguère et al., (2011) qui s’est penché sur les liens entre la victimisation par les pairs et les caractéristiques personnelles et sociofamiliales.

Cependant, Maria G. R. Robichaud (2003) prétend que « la pauvreté est source de facteurs

de risque […] que le rendement scolaire, la capacité d’adaptation émotive et le développement des enfants pauvres sont considérablement plus faibles que ceux des enfants de la classe moyenne » (p. 34). Cette dernière ne révèle cependant pas ses sources, mais les recherches de (Patterson, Forgatch, Yoerger et Stoolmiller citées dans Fortin, Marcotte, Royer & Potvin, 2000) vont dans le même sens en soulevant la possibilité que ces résultats pourraient s’expliquer par le fait que les familles à faible revenu, aient moins d’éducation et que ces situations les amènent à rencontrer plus de problèmes familiaux.

Quoi qu’il en soit, la famille, et plus particulièrement le modèle éducationnel, est sans contredit à la base des facteurs de protection des enfants. Ainsi, « l’amour et l’implication de la ou des personnes qui élèvent l’enfant, des limites très précises quant aux comportements autorisés et non autorisés, ainsi que des méthodes d’éducation non violentes créent des enfants harmonieux et autonomes » (Olweus, 1999, p. 44).

Finalement, Olweus (1999), Robichaud (2003) et le CNPC (2011) soulignent que les victimes sont laissées pour compte par le système scolaire, que le financement est majoritairement investi pour aider les agresseurs, plus visibles et plus dérangeants, au détriment des victimes, plus discrètes. Plus de ressources sont déployées à l’égard des troubles de comportement extériorisés alors que les victimes portent seules la responsabilité de leur protection (Robichaud, 2003 ; Labbé, 2009). Bien que les chercheurs dénoncent la situation depuis longtemps, on peut remarquer que chaque fois qu’un événement tragique se produit (agression sauvage, suicide, etc.), le débat social est relancé, donnant souvent lieu à de nouvelles initiatives du milieu de l’éducation et des gouvernements incluant des initiatives à l’avantage des victimes. Les derniers plans d’intervention du MELS (2011) (La violence à l’école : ça vaut le coup d’agir ensemble ! L’intimidation c’est fini : moi j’agis !), ainsi que le projet de loi 56 et un investissement de 16,8 millions de dollars pendant une période de trois ans ainsi que le plan d’action concerté pour prévenir et contrer l’intimidation 2015-2018 du gouvernement du Québec

20

en sont quelques exemples. Pourtant, le rapport de 2018 du groupe de recherche sur la sécurité et la violence dans les écoles québécoises (SÉVEQ), rapporte qu’en 2017 le personnel enseignant et professionnel des écoles primaires et secondaires affirmait avoir accompagné moins d’élèves victimes de violence dans leur milieu scolaire que d’élèves en crise d’agressivité. Cette même étude conclut qu’il n’y a eu que très peu de changements en matière de violence scolaire entre 2015 et 2017 dans les écoles québécoises (Beaumont, Leclerc, Frenette, 2018).

Dans le document UNIVERSITÉ DU QUÉBEC (Page 25-29)