• Aucun résultat trouvé

Les facteurs déterminants et les enjeux socio-économiques et

PARTIE II : Focus sur quatre pays d'Amérique Latine

7. Les facteurs déterminants et les enjeux socio-économiques et

On ne peut présenter les facteurs qui ont déterminé et déterminent les politiques de la formation et de l’employabilité de la jeunesse en Colombie sans rappeler la situation singulière de l’État colombien. C’est un État fragilisé par une guerre larvée qui court depuis près de 40 ans, entre divers mouvements de guérillas, l’armée officielle, des organisations paramilitaires et les divers réseaux ou cartels de la drogue et du crime organisé. En conséquence, s’il est toujours difficile de mesurer l’impact sur une population d’une telle situation, il est certain en revanche qu’elle n’est pas sans conséquences sur quelques uns des sujets que cette étude aborde.

Facteurs socio-économiques

Au cours des deux dernières décennies (1989-2012), le comportement de l’économie colombienne fut particulièrement volatile, parfois pro-, parfois contra-cyclique. Trois périodes peuvent être identifiées.

Période 1 (1990-1997) : ouverture, croissance et pétrole

C’est une époque de réformes, d’ouverture économique et celle de la découverte des gisements de pétrole de Cusiana et Cupiagua. La croissance économique est au rendez-vous, mais l’excès de confiance a sans doute mené à une consommation publique et privée excessive, à l’origine de la plus grande crise de l’histoire contemporaine colombienne.

Période 2 (1997-2003) : crise économique

Au cours de ces années, le PIB/habitant a chuté de 15%, le chômage a franchi la barre des 20% et la pauvreté a augmenté considérablement. La crise de confiance s’est vue aggravée par les mésententes politiques et l’intensification du conflit, produisant une chute vertigineuse des investissements étrangers.

Période 3 (2003-2012) : la récupération

L’amélioration de la sécurité dans les grands centres urbains et des conditions externes favorables (prix des matières premières en hausse et flux positif d’investissements étrangers) permettent l’accélération de la croissance, atteignant une moyenne de 6% entre 2004 et 2007, et la réduction de la pauvreté (de 49,4% à 37,2%, entre 2000 et 2010, selon le BID). Une ère de prospérité relative voit le jour, ce que traduit le slogan du dernier président élu en 2010, Juan Manuel Santos : « Llegó la hora de Colombia » (l’heure de la Colombie est venue).

Les trois caractéristiques de l’économie colombienne (1989-2012) : o l’augmentation et l’inefficience de la dépense publique

o la persistance des inégalités

o le surgissement du secteur minier-énergétique.

L’augmentation de la dépense publique fut particulièrement visible à partir de la fin des années 1990. La part de la dépense sociale dans le PIB a doublé en l’espace d’une décennie, avec une amélioration notable de la couverture éducative et de santé de la population colombienne. Mais cela ne s’est pas traduit par une amélioration des principaux indicateurs sociaux. L’inefficience de l’Etat, associée à la corruption et aux lourdeurs bureaucratiques, a empêché la réalisation des promesses d’un véritable Etat Social de Droit.

Dans le même temps, la concentration des revenus a augmenté fortement. Le coefficient de Gini a fluctué autour de 0,50% dans les années 1980, pour s’élever à 0,57% des années 1990 à aujourd’hui, sans s’orienter à la baisse comme c’est le cas de la grande majorité des pays latino-américains.

Enfin, l’économie colombienne a connu une profonde transformation de ses structures productives. L’économie colombienne est qualifiée désormais d’économie extractive. En dix ans, alors que la production de café a baissé de près de 20%, la production de charbon a, elle, presque doublé, le pays devenant le 13ème exportateur mondial. Durant la même période, la

Colombie est devenue le 3ème producteur de pétrole d’Amérique du Sud, derrière le

Venezuela et l’Argentine.

Les priorités du gouvernement Santos

Cinq grands domaines d’activités, appelés « locomotives du développement », ont été désignés (innovation, logement, mines et énergie, agriculture, infrastructure de transport) Un accent plus particulier est porté sur douze secteurs d’activité, de « classe mondiale » répartis en trois catégories (voir tableau suivant).

Tableau 1 : les 12 secteurs de « classe mondiale » Secteurs nouveaux et

émergents

Tertiarisation d’activités (BPO)

Software et technologies de l’information Tourisme de la santé

Cosmétique et produits d’entretien

Secteurs établis Industrie de la communication graphique

Industrie automobile (équipements) Textiles, confection, stylisme et mode Énergies électriques

Secteurs agro Industries de la viande bovine

Industries de la palme, huile et graisse

Chocolat, confiserie, et leurs matières premières Industrie de la crevette

Insertion dans les échanges internationaux

Le nouveau gouvernement a fait de la meilleure insertion de la Colombie dans l’économie mondiale une priorité de son dernier plan national de développement. Il s’agit principalement de s’appuyer sur les récents traités de libre-échange avec le Canada (2011), les Etats-Unis (2012) et l’Union Européenne (en cours de ratification au parlement européen) pour accélérer la dynamique d’échange avec ses principaux partenaires économiques. En effet, les Etats-Unis demeurent le principal partenaire s’adjugeant 38% des exportations, suivi de l’UE (13,8%), de la Communauté des pays Andins (Equateur, Bolivie et Pérou ; 6,3%), du Venezuela (2,7%) et de la Chine (4,3%), qui prend désormais une place d’importance.

On le voit, l’insertion économique de la Colombie dans le cadre latino-américain s’avère plutôt secondaire, et quand c’est le cas, le regard colombien se tourne désormais vers l’Amérique Centrale avec une problématique de sécurisation de la zone (importance de l’accord de libre-échange spécifique avec le Panama). Pour le reste, la priorité des années à venir est de consolider et de diversifier ses liens avec les Etats-Unis et l’UE, et surtout de réussir son insertion dans la zone asiatique. La Colombie a ainsi fait une demande d’adhésion à l’APEC5 et au TPP6. De même, un accord de libre-échange est en voie de

finalisation avec la Corée du Sud et des négociations sont initiées avec le Japon et Koweit.

Organisation territoriale interne

La Colombie affiche dans sa récente Constitution de 1991 le principe d’une république unitaire à caractère et influence centraliste. Cette constitution introduit cependant le concept de décentralisation et d’autonomie des collectivités locales. Elle est organisée en trois niveaux : départements (au nombre de 32), districts et communes. Il s’agit d’une organisation territoriale récente qui demande encore à se perfectionner mais, par rapport à la situation antérieure, l’actuelle décentralisation indique un changement significatif dans lequel le niveau national se spécialise dans les fonctions d’orientation et de coordination générale des politiques publiques, tandis que les collectivités territoriales assument la responsabilité de garantir la prestation de services publics, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la santé. Si des avancées notables sont visibles en matière politique, notamment avec l’élection populaire des maires et gouverneurs de départements, la décentralisation de certaines compétences s’appuie sur une autonomie fiscale relative qui bénéficie pour l’heure aux régions les plus riches du pays, au risque d’accroître encore les inégalités territoriales. 70% de la production industrielle et tertiaire se trouve ainsi dans les 4 grandes capitales régionales (Bogotá, Medellín, Cali, Barranquilla), qui représentent 35% de la population totale).

Démographie-jeunesse

Les estimations démographiques, issues du dernier recensement de 2005, partent d’une population totale de 42 888 592 d’habitants qui s’élèverait raisonnablement en 2020 à 51 millions d’habitants. La baisse du taux de fécondité ajoutée au vieillissement de la population provoquera une réduction du poids des moins de 15 ans dans la population (18,1%) et une augmentation relative des plus de 60 ans (42,1%). Cette dynamique

5 Pour ses sigles anglophones, Asia Pacific Economic Cooperation.

démographique se traduira également par une baisse de 4,7% du poids des 15-29 ans dans la population totale, expliquée en partie par le fait de l’émigration internationale. Les démographes redoutent un impact négatif sur l’économie colombienne par la perte en capital humain d’une population en âge de travailler et pour laquelle l’Etat a réalisé un investissement préalable.

Emploi, jeunesse et marchés du travail

Le chômage, le sous-emploi et le déficit grandissant d’emplois formels sont les maux structuraux du marché du travail colombien.

Au cours des cinq dernières années, le chômage a oscillé entre 11% et 12%7. Il touche plus

particulièrement les jeunes (22%) et les femmes (16,8%), et se situe davantage dans les grandes villes du pays. Les jeunes de 14 à 26 ans - catégorie statistique utilisée - constituent près d’un tiers (29,2%) de la population en âge de travailler8. Parmi cette catégorie, le

chômage touche plus fortement les femmes (25,2%) que les hommes (14,7%). En termes de branches d’activité, celles qui comptent le plus de jeunes actifs sont celles du« commerce, restauration et hôtellerie » (28,9%), de l’« agriculture, pêche, élevage et sylviculture » (17,4%), des « services sociaux et à la personne » (15,7%) et de l’industrie manufacturière (13,8%). En revanche, entre les trimestres avril-juin 2011 et 2012, les secteurs les plus dynamiques pour l’emploi des jeunes ont été ceux du « commerce, restauration et hôtellerie », de l’industrie manufacturière et enfin celui de la construction. Un secteur est en perte de vitesse, celui du transport et de la communication. Statistiquement, les jeunes colombiens se situent dans les positions professionnelles (équivalent CSP) les plus inférieures : ouvrier et employé particulier (46,8%) et travailleur en compte propre (32,1%) réunissent près de 80% des jeunes actifs occupés.

Le taux d’informalisation (définition de l’OIT) des emplois se maintient depuis les trois dernières années autour de 51%. Des 13 plus grandes villes du pays, seules Bogotá (45,5%), Medellín (46,3%) et Manizales (47,6%) ont un taux d’informalité inférieur à la moyenne nationale. 89,3% des personnes en situation d’informalité sont cependant affiliés à un régime de sécurité sociale. Le revenu mensuel moyen de ce secteur s’établit à 633 000 pesos mensuel (environ 290 euros) contre une moyenne de 1 273 000 pesos (580 euros) pour le secteur formel, soit moitié moins.

7 Les sources statistiques proviennent des enquêtes du DANE (Departamento Administrativo Nacional

de Estadísticas).

8 La population en âge de travailler est constituée des personnes de 12 ans et plus en zone urbaine, de

Synthèse

Voici les points qui nous paraissent déterminer la dynamique de la FPEJ :

o La capacité de l’économie colombienne à maîtriser son orientation extractive (charbon, pétrole, nickel), qui pourra éventuellement s’obtenir par une élévation de la qualification de la main-d’œuvre du secteur

o L’évolution des pourparlers de paix récemment engagés entre l’Etat et les guérillas qui influent sur :

Le développement de l’industrie du tourisme dans laquelle s’insèrent majoritairement les jeunes

les programmes FPEJ associés aux populations déplacées en milieu urbain Ainsi que ceux dédiés à la jeunesse rurale

o la capacité de diversification de l’économie colombienne vers des secteurs à forte valeur ajoutée (cosmétique, certaines agro-industries…)

8.

Description

et

analyse

des

programmes

de

formation