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Les facteurs émotionnels (anxiété, dépression, troubles du sommeil)

1.   Introduction

1.5   Mécanismes et facteurs associés

1.5.4  Les facteurs émotionnels (anxiété, dépression, troubles du sommeil)

La détresse psychologique est très fréquemment associée au cancer. Une étude réalisée dans trois centres oncologiques a révélé une prévalence des troubles psychologiques de près de 50%64. Les diagnostics les plus fréquents concernaient les troubles réactionnels (13%), les troubles dépressifs (12%) et les troubles anxieux (6%). Une autre évaluation d’un large collectif de plus de 4000 patients cancéreux aux États-Unis a montré que plus d’un tiers des patients présentaient un état de détresse psychologique65.

Au vu de cette forte prévalence, différents auteurs ont cherché à démontrer une corrélation entre la fatigue reliée au cancer (FRC) et la détresse psychologique. De plus, les travaux de recherche expérimentale faisaient suspecter une possible interaction à travers une perturbation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien66,67,68. De fait, différentes études ont été effectuées et ont démontré une

12 forte corrélation entre la dépression et/ou l’anxiété et la FRC34,69,70,71,72,73,74,75

. Nous en retenons ici 2 exemples :

- Tchekmedyian et al. ont en effet mis en évidence une association significative entre des améliorations de la fatigue (mesurées selon des changements de score de la FACT fatigue subscale) et une amélioration de la détresse psychologique (mesurée selon les sous-échelles de dépression et d’anxiété du Brief Symptom Inventory (BSI))72.

- Une étude de Romito et al. visant à évaluer la FRC en relation avec le taux d’hémoglobine sanguin et la présence d’anxiété et de dépression a confirmé cette corrélation. Comme cela a déjà été mentionné, leurs résultats laissaient même entrevoir un lien de causalité plus fort entre les facteurs psychologiques et la fatigue reliée au cancer qu’entre l’anémie et la fatigue reliée au cancer54.

Cependant, un lien de causalité directe entre la détresse émotionnelle et la FRC ne semble pas évident74. En effet, différentes recherches impliquant le traitement des troubles dépressif et/ou anxieux et leur effet sur la FRC n'ont pas montré de résultats concluants:

- Selon trois études randomisées en double-aveugle, un traitement antidépresseur de type SSRI montrait une diminution des symptômes dépressifs sans mettre en évidence une amélioration de la fatigue76,77,78. - L’évaluation des différentes approches psychothérapeutiques ne montrait pas

de résultats significatifs concernant leur efficacité sur la FRC79. Parallèlement, le recours à un traitement psychostimulant a montré une réduction de la fatigue dans des maladies chroniques autres que le cancer, sans pouvoir clairement le démontrer chez des patients oncologiques80,81,82: - Deux études randomisées concernant un traitement par Methylphenidate, un

stimulant du système nerveux central proche des amphétamines, ont conclu à des résultats ambigus quant à une efficacité sur la fatigue reliée au cancer83,84.

13 En résumé, les différentes études scientifiques effectuées sur le sujet ne permettent pas de trancher et l’existence d’une corrélation claire entre la FRC et la détresse psychologique reste, là aussi, objet de controverse.

1.5.5 « Vision » multifactorielle

Au vu de l’importante intrication des différents mécanismes et facteurs associés à la fatigue reliée au cancer, certains auteurs ont essayé de regrouper ces hypothèses physiopathologiques en deux composantes majeures présentées ci-dessous: la composante périphérique et la composante centrale.

La composante périphérique inclut les différents mécanismes menant à un bilan énergétique négatif tels que19,39 :

- l’anémie ; - la cachexie ; - les infections ;

- les syndromes paranéoplasiques ; - les troubles métaboliques.

La composante centrale qui concerne essentiellement les circuits neuro-endocriniens :

- Un dérèglement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien : les études animales ont montré que le stress psychologique et physique avait une influence sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien en augmentant la sécrétion de CRH85,86,87. Les cytokines pro-inflammatoires ont également un effet stimulant sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien alors que les traitements oncologiques (radiothérapie, glucocorticoïdes, certaines chimiothérapies) tendent à le bloquer directement88,89,90,91

.

- Des changements intrinsèques dans les circuits neuronaux, notamment sérotoninergiques92,93,94,95,96,97,98

: l’exercice tend à faire augmenter les taux de tryptophane (un précurseur de la sérotonine) dans le cerveau menant à une

14 augmentation de sérotonine dans le système nerveux central. Cela expliquerait la fatigue physique et mentale ressentie lors d’exercices prolongés99,100,101. Les études réalisées sur les syndromes de fatigue chronique ont également mesuré des taux sanguins élevés de tryptophane95,96. Dans certaines études, la capacité à produire un effort était diminuée lors d’administration de SSRI’s102,103. Cette hypothèse est renforcée par différentes études ayant montré que les différentes cytokines pro-inflammatoires sécrétées lors d’une affection oncologique tel que le TNF-alpha ou le IFN-alpha et gamma ou l’IL-1 avaient une influence sur le métabolisme sérotoninergique33,104. Une relation directe entre le métabolisme sérotoninergique et l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien semble aussi rentrer en compte105.

Pour résumer, il est probable que la FRC soit le résultat de l'influence des facteurs périphériques et centraux présentés ci-dessus. De fait, la recherche expérimentale concernant la FRC souligne bien son aspect multifactoriel et la complexité qui en découle.

Au niveau clinique, un regroupement des différentes études effectuées permet d’identifier sept facteurs contribuant fréquemment à la FRC. On les retrouve dans l’ouvrage de recommandations concernant la prise en charge de la fatigue reliée au cancer publié par le réseau national américain106,107,108

: - la douleur ;

- la détresse émotionnelle ; - les troubles du sommeil ; - l’anémie ;

- les déficits nutritionnels ; - le déconditionnement ; - les comorbidités.

15 Bien que ces facteurs ne soient probablement pas les seuls, ni les causes primaires de la fatigue, il a été montré qu’ils augmentaient le niveau de fatigue et que leur traitement permettait d'obtenir un niveau de perception de la fatigue tolérable5.

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