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1.2 Variabilité saisonnière des précipitations dans le bassin mé-

1.2.3 Les extrêmes pluviométriques : les déficits/sécheresses

scientifique

Dans l’étude de la variabilité des précipitations, une approche concerne l’absence de précipitations. Celle-ci est complémentaire des analyses précé-dentes, dans la mesure où elle touche également à la distribution temporelle des précipitations au cours de la saison humide, potentiellement indépen-damment du cumul pluviométrique de cette dernière. L’étude des sécheresses en Méditerranée est le point central de cette thèse. Des éléments bibliogra-phiques concernant l’assèchement du bassin méditerranéen sont présentés dans cette section. Pour la grande majorité de ces études, la notion de sé-cheresse se traduit par l’étude des anomalies négatives sur les cumuls de précipitations, plutôt que par l’étude des longues séquences sèches, comme abordée dans cette thèse, traduisant une absence de pluie sur une longue durée.

1.2.3.1 A l’échelle annuelle

De nombreuses études prenant en compte les 12 mois de l’année mettent en avant un assèchement dans le bassin méditerranéen au cours du XXème siècle. À des échelles locales, d’après Born et al. (2008), le nord du Maroc connait des tendances à l’assèchement (tendances négatives sur les cumuls annuels de précipitations, période 1951-2000). Ceballos et al. (2004) ex-posent une augmentation du nombre de séquences sèches au nord-ouest de l’Espagne dans la deuxième moitié du XXème siècle. Dans leur étude, ils utilisent deux seuils pour appréhender les séquences sèches : 0,1 mm (seuil associé à la précision des pluviomètres) et 10 mm (seuil de nature appli-qué, associé aux cumuls nécessaires pour une recharge utile en humidité des sols au delà des 5 premiers centimètres de profondeur). Polemio et Ca-sarno (2008) présentent des tendances à l’assèchement dans le sud de l’Italie (tendances négatives sur les cumuls annuels de précipitations, période 1921-2001). Koleva et Alexandrov (2008) concluent à une augmentation de

l’as-sèchement en Bulgarie, plus particulièrement après les années 1980 (baisse du cumul annuel des précipitations). Croitoruet al.(2012) démontrent une diminution du nombre de périodes de sécheresse mais une augmentation de leur durée, pour la seconde moitié du XXème siècle, dans l’est de la Rou-manie. Körner et al. (2005) observent un assèchement du climat sur l’île de Samos (Grèce) au cours du XXème siècle (baisse des cumuls annuels de précipitations). À l’inverse, Karabörk (2007) ne relèvent pas de tendances significatives à l’assèchement en Turquie, mais plutôt des conditions davan-tage humides sur certains secteurs (utilisation d’un indice d’humidité de surface, période 1951-1998). Törnros (2010) constate une augmentation de l’assèchement au Levant entre 1960 et 1991 (baisse des cumuls annuels de précipitations via des tendances sur des séries issues de stations météorolo-giques).

À des échelles régionales, Kostopoulou et Jones (2005) montrent une augmentation du nombre maximal de jours secs consécutifs dans la partie nord-est du bassin méditerranéen (période 1958-2000).

À l’échelle du bassin méditerranéen, Sousa et al. (2011) présentent un assèchement de la partie centrale et ouest du bassin, en se basant sur des déficits de précipitations au pas de temps mensuels (période 1901-2000).

1.2.3.2 En hiver

Plusieurs travaux se sont penchés sur l’étude des sécheresses hivernales en Méditerranée, spécifiquement sur l’hiver météorologique (couvrant de dé-cembre à février). C’est le cas notamment à des échelles locales/régionales, avec Gonzalo-Hidalgo et al. (2001) qui montrent un assèchement dans la partie est de la Péninsule Ibérique (baisse des cumuls de précipitations, pé-riode 1960-1991). Brunettiet al.(2002) mettent en avant un assèchement sur l’ensemble de l’Italie (augmentation de la proportion en jours secs, période 1951-2000). Piccarretaet al.(2004) observent un assèchement dans le sud de l’Italie, avec un renforcement de cette tendance sur les 30 dernières années étudiées (baisse des précipitations hivernales moyennes, période 1923-2000).

A l’échelle du bassin méditerranéen, les travaux de Hoerlinget al.(2012) montrent un assèchement sur l’ensemble du bassin (hiver définit comme allant de novembre à avril), principalement depuis les années 1970, à tra-vers la baisse généralisée des cumuls de précipitations. En utilisant les cu-muls moyens mensuels de précipitations pour la période 1950-2002, López-Moreno et al. (2010) soulignent un assèchement à l’est du bassin méditer-ranéen en janvier, un assèchement quasi-généralisé en février et un assèche-ment forteassèche-ment prononcé sur l’ouest du bassin en mars.

1.2.3.3 Quelles tendances pour le XXIème siècle ?

Les études prospectives abordent la notion de sécheresse dans le futur à travers des tendances observées sur les simulations des cumuls des préci-pitations. La majorité des scénarios climatiques (présentés en section 1.3.3) montrent un assèchement du bassin méditerranéen (Giorgi et Lionello, 2008). Cet assèchement du bassin se traduit par une diminution probable des pré-cipitations moyennes annuelles cumulées, mise en avant tant par les modèles climatiques globaux (Giorgi et Bi, 2005) que régionaux (Gibelin et Déqué, 2003 ; Déquéet al., 2005 ; Gaoet al., 2006 ; Ulbrichet al., 2006 ; Bornet al., 2008 ; Somot et al., 2008 ; Chenoweth et al., 2011).

Lelieveldet al.(2012) indiquent un assèchement sur l’est du bassin d’ici à l’horizon 2100, en se basant sur l’évolution des précipitations moyennes annuelles simulées par un modèle régional de climat. Sanchez et al. (2011) précisent que la durée maximale des séquences sèches (nombre de jours secs maximum, seuil de 1mm) devrait sensiblement augmenter en Péninsule Ibérique, sur la période 2071-2100 par rapport à 1961-1990, d’après l’ancien scénario d’émission de gaz à effet de serre SRES A2 (projection pessimiste) pour le modèle régional de climat PROMES-RCM (Sanchez et al., 2004). En analysant des simulations de 17 modèles globaux de climat au cours du XXIèmesiècle (d’après le nouveau scénario de forçage radiatif RCP8.5, pessi-miste), Zappa et al.(2015) associent l’assèchement du bassin méditerranéen à une réduction de l’activité des systèmes dépressionnaires extra-tropicaux et à une réduction des cumuls de précipitations générés par chacune de ces

dépressions atmosphériques.

A l’échelle saisonnière, Hertig et Tramblay (2016) montrent que des mo-dèles globaux simulent une augmentation des conditions de sécheresse en hiver (hiver défini par les mois d’octobre à avril dans leur étude) pour la période 2070-2100, tant en termes d’occurrence que d’intensité. Ils appré-hendent ici les sécheresses en appliquant le Standardized Precipitation Index (SPI) à des séries de précipitations de stations météorologiques et à des sé-ries simulées à partir d’un modèle global de climat. En utilisant un modèle de désagrégation statistique, Hertig et al. (2013) observent une probable augmentation/diminution des conditions de sécheresse dans l’ouest/l’est méditerranéen à l’automne (septembre à novembre), une augmentation/-diminution des conditions de sécheresse dans le centre et dans l’est/l’ouest du bassin en hiver (décembre à février), et une augmentation de la séche-resse généralisée à l’ensemble du bassin méditerranéen au printemps (mars à mai), à l’horizon 2100.

Pour résumer, les nombreux travaux portant sur les précipitations/les sécheresses en Méditerranée extraits de la littérature scientifique sont qua-siment unanimes : le bassin méditerranéen est dans une dynamique d’as-sèchement depuis le milieu de XXème siècle, et cette dynamique devrait se prolonger au cours du XXIèmesiècle. La majorité des études aborde la notion de sécheresse sous le seul angle des cumuls annuels/saisonniers/mensuels et n’abordent pas la sécheresse comme un objet climatique associé à une ab-sence de précipitations. Appréhender la sécheresse dans le bassin méditerra-néen par des anomalies de cumuls annuels ne permet pas de distinguer si les années anormalement sèches sont, par exemple, dues à un été plus sec que la moyenne ou un hiver moins pluvieux, ce qui est totalement différent en termes d’impacts. Cela ne permet pas non plus d’étudier d’éventuelles modi-fications dans la distribution temporelle des précipitations, qui joue un rôle important sur la ressource en eau disponible. En plus des nombreuses études qui se focalisent sur la variation des cumuls annuels/saisonniers calendai-res/mensuels de précipitations sur le bassin méditerranéen, il est important de réaliser un diagnostic sur les séquences sans pluie les plus longues dans le bassin méditerranéen durant les saisons humides, périodes où les

précipi-tations sont normalement les plus abondantes et les plus fréquentes. C’est ce qui est proposé au travers de cette thèse.