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Le bassin méditerranéen désigne l’ensemble des régions se trouvant à proximité et/ou sous l’influence de la mer Méditerranée et de son climat.

Ce territoire, qui n’a pas de limites officielles (on peut identifier le bassin méditerranéen aux pays riverains de la mer Méditerranée, au strict territoire bénéficiant du climat méditerranéen ou sur des critères liés à la production agricole), forme un carrefour entre trois continents : l’Europe du Sud, l’Asie Occidentale et l’Afrique du Nord (figure 1.1). La population des 21 pays riverains de la Méditerranée est évaluée à 466 millions d’habitant en 2010, et devrait atteindre 529 millions d’habitants d’ici 2025 (Plan Bleu, 2016).

Figure 1.1 – Le bassin méditerranéen et les 21 pays qui sont bordés par

la mer Méditerranée. En rouge, les pays européens (Espagne (1) ; France (2) ; Monaco (3) ; Italie (4) ; Slovénie (5) ; Croatie (6) ; Bosnie-Herzégovine (7) ; Monténégro (8) ; Albanie (9) ; Grèce (10) ; Malte (11) ; Chypre (12)), en vert, les pays asiatiques (Turquie (13) ; Syrie (14) ; Liban (15) ; Israël et Territoires Palestiniens (16)) et en jaune, les pays africains (Egypte (17) ; Libye (18) ; Tunisie (19) ; Algérie (20) ; Maroc (21)). Source du fond de carte : www.histgeo.ac-aix-marseille.fr.

La mer Méditerranée est une mer semi-fermée, qui communique avec l’océan Atlantique à l’ouest du bassin via le détroit de Gibraltar, large d’environ 14 km. Le bassin méditerranéen se caractérise par une orientation

ouest-est et des traits de côte complexes aux multiples orientations, le plus souvent associés à un relief escarpé. Comme l’indique la figure 1.2, de nom-breux massifs montagneux se situent en bordure de la mer Méditerranée, dont les principaux sont :

les Alpes, localisés au sud-est de la France, au nord de l’Italie et au nord-ouest de la Slovénie, dont le point culminant est le Mont Blanc (4810 m ; à la frontière franco-italienne) ;

le Taurus, localisé au sud de l’Anatolie, dont le point culminant est le mont Demirkazık (3756 m) ;

l’Atlas, localisé au nord de l’Afrique, qui s’étend sur le Maroc, l’Algé-rie et la Tunisie, dont le point culminant est le mont Djebel Toubkal (4167 m ; au Maroc).

Figure 1.2 – Topographie et Bathymétrie du bassin méditerranéen.Source

de la carte : modèle numérique de terrain, NASA ETOPO1 d’après Amante et Eakins (2009). Image produite par F.Raymond.

Dans la littérature scientifique, le bassin méditerranéen est souvent étu-dié sur un espace géographique proche de celui retenu dans cette étude : de 10 ouest à 40 est et de 28 nord à 46 nord (Xoplakiet al., 2004 ; Hertiget al., 2012 ; Jacobeit et al., 2014 ; Ullmann et al., 2014). Ce domaine, comme le définissent Hertig et al.(2012), correspond pour l’essentiel à des secteurs

sous influence du climat méditerranéen. L’espace utilisé dans cette thèse ne s’étend pas au-delà de 46 nord pour ne pas inclure l’essentiel du domaine alpin. En effet, les Alpes sont soumises à un climat bien différent de celui du bassin méditerranéen (voir figure 1.3) et les conserver pourrait influencer les analyses climatiques de cette étude. La question de la limite sud du domaine se pose également. L’espace utilisé dans cette étude commence à la latitude 28 nord, qui correspond à la limite sud des données E-OBS disponibles (données climatiques d’observation de référence dans cette thèse, présen-tées en section 1.3.1) et qui permet de limiter les secteurs sous influence du climat aride.

La complexité géographique du bassin méditerranéen (topographie, orien-tation des côtes, occupation du sol, etc.) y engendre une grande variabilité des conditions climatiques. Malgré cette diversité, la plus grande partie du bassin méditerranéen appartient au domaine dit de "climat méditerranéen". Ce climat méditerranéen est caractérisé par des étés chauds et secs et des hivers doux et humides, avec des précipitations irrégulières.

La carte présentant la classification de Köppen (une référence en cli-matologie) pour le bassin méditerranéen permet d’appréhender le climat méditerranéen et ses sous composantes (figure 1.3). Les secteurs soumis au climat méditerranéen sont principalement en jaune (Csa), jaune foncé (Csb) et en beige (BSk). Le binôme "Cs" indique des secteurs présentant des tem-pératures globalement chaudes et des étés secs, ce qui caractérise bien le climat méditerranéen au sens strict. La troisième lettre, a (torride) ou b (chaleurs estivales), indique un degré d’exposition à de fortes chaleurs, soit toute l’année (a), soit préférentiellement en été (b). Le type de temps BSk correspond lui à un climat aride (B), sur des secteurs de steppe (S) et re-lativement froid (k), par opposition aux pseudo-steppes tropicales. Ce type de climat, BSk, impacte certaines régions méditerranéennes caractérisées comme étant subarides, comme la moitié est de la Péninsule Ibérique, une partie du nord de l’Algérie et le centre de l’Anatolie. D’autres domaines cli-matiques concernent la région du bassin méditerranéen. On retrouve ainsi un climat de type Cf (a ou b), chaud mais avec des précipitations tout au long de l’année (au nord de l’Espagne, en France, en Italie et dans les

Bal-kans). On retrouve par ailleurs, au sud et à l’est du bassin méditerranéen, un climat du type BWh, aride désertique (la quasi-intégralité des territoires tunisien, libyen et égyptien). Les autres influences climatiques observées sur le domaine correspondent aux climats tempérés (Df) et aux climats des re-liefs (Ds et ET), avec des précipitations neigeuses en hiver. Dans leur étude, Kottek et al. (2006) ont cherché à affiner cette classification des influences climatiques dans le monde (classification de Köppen-Geiger) en utilisant entre autres des données de précipitations du Global Precipitation Climato-logy Centre (GPCC). Leur étude confirme la localisation des secteurs sous influence du climat méditerranéen constatée sur la figure 1.3.

Figure 1.3 – Les différents types de climats observés sur le bassin

méditer-ranéen, d’après la classification de Köppen. Adapté de la carte des climats de Köppen de l’Université de Melbourne, Australie.

Les diagrammes ombrothermiques, qui rassemblent sur un même gra-phique les températures moyennes mensuelles et les précipitations moyennes

mensuelles, sont un bon moyen de caractériser le climat d’une région et de le comparer avec ceux d’autres régions. Le diagramme ombrothermique se construit d’après la règle P=2*T, qui utilise une échelle des températures moitié moins grande que celle des précipitations, ce qui permet d’identifier une éventuelle saison sèche.

Pour faciliter la comparaison de la géographie des différents sous-climats observés dans le bassin méditerranéen, un découpage en 7 sous-régions est effectué (figure 1.4). Ces sous-régions ne sont pas choisies aléatoirement, mais représentent les principaux secteurs retrouvés dans les études clima-tiques régionales du domaine méditerranéen : le Maghreb (Bornet al., 2008 ; Tramblay et al., 2013), la Péninsule Ibérique (Lana et al., 2006 ; Vicente-Serrano, 2006 ; Sanchez et al., 2011), la France (Vidal et al., 2010), l’Italie (Brunettiet al., 2002), les Balkans (Koleva et Alexandrov, 2008 ; Croitoruet al., 2012), l’Anatolie (Komuscu, 2001 ; Karabörk, 2007) et le Levant (Törn-ros, 2013 ; Saaroniet al., 2015). Dans cette étude, le Levant correspond au secteur géographique du Proche-Orient comprenant la Syrie, le Liban, Israël, la Palestine et la Jordanie. Ces 7 sous-régions ne présentent pas nécessai-rement chacune des conditions climatiques homogènes (cas de la France ou de la Péninsule Ibérique où le climat méditerranéen se combine à des sec-teurs de climat océanique) mais cette régionalisation permet une première comparaison et servira de base à la validation des modèles régionaux de climat (voir chapitre 3). Pour des raisons de cohérence avec les analyses réalisées dans le reste de la thèse, et utilisant le jeu de données E-OBS, seules les régions disposant de données continues sur la période d’étude et étant affectées par des longs épisodes secs sont ici retenues.

Figure1.4 – Carte des 7 sous-régions climatiques méditerranéennes définies

dans cette étude, et fréquemment étudiées dans la littérature scientifique : le Maghreb (bleu foncé), la Péninsule Ibérique (bleu clair), la France (vert foncé), l’Italie (vert clair), les Balkans (orange), l’Anatolie (rouge) et le Levant (marron). En blanc, les points de grille n’ayant pas de données de précipitations ou n’étant concernés par aucun des 76 événement de très longs épisodes secs (cf. section 1.4.1.2).

La figure 1.5 présente les diagrammes ombrothermiques des 7 sous-régions précédemment définies. Ces diagrammes ombrothermiques sont réa-lisés grâce aux données de précipitations cumulées quotidiennes et de tem-pératures moyennes quotidiennes du jeu de données E-OBS sur la période 1951-2013. Pour des raisons de mise en contexte de cette étude, cette figure, utilisant les données E-OBS, se situe avant la présentation des données (cf. section 1.3.1). La figure 1.5 permet d’observer des différences climatiques entre des secteurs qui sont pourtant soumis, tout ou en partie, au climat méditerranéen. Par exemple, le secteur "français" (en vert foncé sur la fi-gure 1.4) est soumis à un climat bien différent de celui affectant le secteur du Levant (en marron sur la figure 1.4). Pour le climat méditerranéen fran-çais, il tombe en moyenne 875 mm par an, avec au minimum près de 50 mm en moyenne en juillet, et au maximum 90 mm en moyenne en octobre et novembre (figure 1.5c). Les précipitations sont réparties sur l’ensemble de l’année, il n’y a pas de saison sèche apparente, car cette sous-région in-clut des secteurs sous influence du climat méditerranéen (côtes méditerra-néennes) et des secteurs hors influence du climat méditerranéen. Le cycle saisonnier moyen des températures indique le mois le plus froid en janvier

(autour de 4 C de moyenne) et le mois le plus chaud en juillet (environ 20C). Sur la même période (1951-2013), il pleut environ 301 mm par an au Levant, avec le maximum en janvier (environ 76 mm) et le minimum en juin, juillet et août, où le cumul des précipitations est quasi-nul (figure 1.5g). On observe ici une opposition marquée entre une saison humide hivernale (de novembre à mars) et une longue saison sèche estivale (d’avril à octobre). Le cycle saisonnier moyen des températures au Levant indique le mois de janvier comme étant le plus froid (supérieur à 10C en moyenne) et le mois de juillet comme étant le plus chaud (environ 28 C en moyenne). On re-trouve également, mais dans une moindre mesure, cette opposition saison sèche estivale / saison humide hivernale au Maghreb (figure 1.5a), en Pé-ninsule Ibérique (figure 1.5b) et en Anatolie (figure 1.5f). Pour résumer, le domaine méditerranéen est un domaine climatique complexe composé de sous-climats pouvant présenter des cycles saisonniers aux différences bien marquées.

Néanmoins, au-delà de cette diversité, qui tient surtout à la longueur et à l’intensité de la saison sèche estivale, un point commun ressort entre toutes ces sous-régions méditerranéennes, qui est l’abondance relative des précipitations hivernales. Or, cette relative abondance masque l’existence de séquences sèches intercalaires, objet de cette thèse. Leur étude nécessite d’adopter une définition objective de la "période hivernale" commune à l’en-semble du bassin, et ce, malgré les différences climatiques observées. Dans la littérature scientifique, il existe plusieurs études portant sur la variabilité de phénomènes climatiques en hiver sur l’ensemble du bassin méditerranéen. Ainsi, les quelques travaux portant sur les sécheresses hivernales sur l’en-semble du bassin définissent "l’hiver" comme la période allant d’octobre à avril (Hoerling et al., 2012 ; Hertig et Tramblay, 2016).

D’autres travaux, portant sur la variabilité des précipitations hivernales (cumulées ou intenses) sur l’ensemble du bassin méditerranéen, définissent "l’hiver" comme étant la période s’étendant d’octobre à mars (Dünkeloh et Jacobeit, 2003 ; Xoplaki et al., 2004 ; Toreti et al., 2010 ; Ullmann et al., 2014), ou d’octobre à mai (Hertig et Jacobeit, 2008). Pour cette thèse, la "période hivernale" ne correspond pas non plus à l’hiver météorologique

(décembre à février) mais recouvre la période durant laquelle les précipita-tions sont préférentiellement observées à l’échelle du bassin méditerranéen. À la vue de la distribution mensuelle des précipitations pour les 7 sous-régions définies précédemment, la période hivernale retenue est celle allant de septembre (a) à avril (a+1). Étant donné qu’il ne s’agit pas exactement de l’hiver au sens strict, le terme "saison humide" est utilisé par la suite. La question de l’amplitude de la période étudiée est une question cruciale qui nécessite quelques précisions, notamment en ce qui concerne les deux mois aux bornes : septembre et avril. En France, en Italie et dans les Bal-kans, ces deux mois sont tous les deux soumis à des cumuls moyens de précipitations aussi importants (voire supérieurs) que les mois de février ou mars (figure 1.5c, 1.5d, 1.5e). Il est donc légitime d’étaler la saison hu-mide de septembre à avril. Pour le Levant, garder le mois de septembre peut être discutable, car il n’y tombe en moyenne qu’1 mm. Cependant, il sera montré plus tard dans ce travail que le mois de septembre est un mois important dans la détection des sécheresses dans le bassin méditerranéen (cf. section 2.2.2.2). La période allant de septembre à avril est ainsi la plus adaptée pour appréhender au mieux les sécheresses durant la saison humide à l’échelle de l’ensemble du bassin méditerranéen.

Figure 1.5 – Diagrammes Ombrothermiques des 7 sous-régions

méditer-ranéennes : (a) le Maghreb, (b) la Péninsule Ibérique, (c) la France, (d) l’Italie, (e) les Balkans, (f) l’Anatolie et (g) le Levant. En abscisse, les 12 mois de l’année. En ordonnée à gauche et en histogramme, les cumuls plu-viométriques mensuels moyens (période 1951-2013). En ordonnée à droite et en courbe rouge, les températures mensuelles moyennes (1951-2013). Le cumul annuel moyen des précipitations est indiqué entre parenthèses à côté du nom de la sous-région. Les diagrammes sont réalisés à partir des don-nées quotidiennes de précipitations et de températures moyennes du jeu de données E-OBS. Les données E-OBS sont présentées en section 1.3.1.

1.2 Variabilité saisonnière des précipitations