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CHAPITRE III : CHOIX, DONS, TRANSPORTS ET UTILISATIONS DES ANIMAUX

A. Les ménageries au XIII e siècle

2. Les diverses ménageries au XIII e siècle

Au XIIIe siècle, on peut signaler que les rois ne sont pas les seuls à posséder des

ménageries puisque des grandes villes médiévales, notamment italiennes, et quelques institutions religieuses en ont aussi détenu. Parmi ces dernières, mentionnons les dames de l’Abbaye de la Trinité de Caen qui ont eu une petite collection faunique comportant des

91 Michel Pastoureau, « Les ménageries princières », 69.

92 Janick Auberger, Histoire humaine des animaux: de l’antiquité à nos jours (Paris : Ellipses, 2009), 189. 93 Auberger, Histoire humaine des animaux, 189-190.

131 singes, des cerfs et des ours94. Cet exemple ne doit pas faire penser que la propriété animale

est une norme dans le clergé et les monastères, bien au contraire, car elle est généralement proscrite. Par exemple, en 1284, l’abbesse de Romsey est réprimandée par l’archevêque John Peckam pour avoir gardé des singes et des chiens dans sa chambre95.

En parallèle, de grandes villes médiévales ont créé des ménageries urbaines. Par exemple, à Florence, le chroniqueur Giovanni Villani rapporte des faits animaliers, comme la naissance de lions qui ont ensuite été offerts à d’autres cités et seigneurs :

« Ritornando alquanto adietro per seguire l’ordine deltempo nel nostro trattato, all’uscita di giugno del dettoanno MCCCXXXVII nacquero in Firenze VI lioncinidella lionessa vecchia e delle due giovani sue figliuole.La qual cosa secondo l’agurio delli antichi pagani fu se-gno di grande magnificenzia della nostra città di Firen-ze; e certo in questo tempo e poco apresso fu in grandecolmo e potenzia, come leggendo poco apresso si potràtrovare. »96

En 1273, la ville de Florence a connu quelques mésaventures avec ses fauves, dont un lion qui a réussi à s’échapper de sa cage :

« Al tempo del detto popolo di Firenze fu al Comunepresentato uno bellissimo e forte leone, il quale era in-chiuso nella piazza di Santo Giovanni. Avenne che permala guardia di quelli che ’l custodiva uscì il detto leonedella sua stia correndo per la terra, onde tutta la città fucommossa di paura. Capitò inn-Orto Sammichele, equivi prese uno fanciullo e tenealsi tra le branche. Uden-dolo la madre che non avea più, e questo fanciullo le ri-mase in ventre quando il padre gli fu morto, come di-sperata, con grande pianto scapigliata corse contra illeone, e trassegli il fanciullo tra·lle branche; e’ leone nul-lo male fece né a la donna né al fanciullo se non ch’egliguatò, e ristettesi. Fu questione qual caso fosse, o la gentilezza della natura del leone, o la fortuna riserbasse la vita del detto fanciullo perché poi facesse la vendetta delpadre, com’elli fece, e fu poi chiamato Orlanduccio delleone di Calfette. »97

Cet épisode malheureux montre le risque réel de la présence d’animaux dangereux, comme des lions, dans l’espace urbain s’ils ne sont pas convenablement gardés.

94 Pierre Loevenbruck, Les Animaux sauvages dans l’histoire. (Paris : Payot, 1955), 162-163.

95 Caroline Grigson, Menagerie: The History of Exotic Animals in England, 1100-1837 (Oxford : Oxford

University Press, 2016), 1-3.

96 Giovanni Villani, Nuova Cronica, éd. par Giuseppe Porta, (Parme : Fondazione Pietro Bembo/Guanda,

1991), Livre XII, LXVII, 1314.

97 Giovanni Villani, Nuova Cronica, VI, LXIX, 295-296. Traduit dans Pierre Loevenbruck, Les Animaux

sauvages, 105 : « Vers l’année 1273, il fut donné à la ville de Florence un lion très beau, mais très féroce,

qui fut enfermé dans la ménagerie de la place San Giovanni ; or, un jour que son gardien avait mal fermé sa loge, le lion sortit et parcourut la ville, traversant les rues sautant les murs au grand effroi des populations. Il arriva ainsi dans le jardin de Saint-Michel où jouait un petit garçon ; d’un bond il est sur l’enfant, le saisit entre ses puissantes mâchoires et va l’emporter. Mais la mère, qui était dans sa maison, entends des cris, elle accourt, se précipite sur la bête féroce, lui arrache sa progéniture de la gueule, et est assez heureuse pour la rapporter chez elle sans qu’elle ait eu d’autres maux que la peur. Au même moment, des gens armés de filets accouraient et parvenaient à se saisir du lion pour le ramener dans sa loge. »

132 Intéressons-nous maintenant à la ménagerie ambulante de Frédéric II, omniprésente dans ses déplacements. En effet, le roi de Sicile possède une véritable cohorte animalière le suivant dans tous ses trajets, que cela soit par temps de paix ou de guerre, comme nous l’avons vu avec le siège de Parme98. Grâce aux nombreux dons diplomatiques qu’il a reçus

et à sa bonne entente avec la Norvège et l’Orient, l’empereur a constitué une collection faunique impressionnante, regroupant des animaux rares, prestigieux et possédant des symboliques avantageuses et élogieuses pour leur propriétaire, comme des lions, un éléphant, une girafe, des oiseaux de proie, mais aussi des panthères, des guépards, des hyènes, des chameaux, des dromadaires, etc. Il détient même des animaux extrêmement rares, voire uniques en Occident, comme une once, un grand félin provenant des montagnes d’Asie centrale, qu’il fait nourrir avec ses hyènes99. Toutefois, Frédéric II ne

peut pas se passer d’endroits fixes dédiés à la garde et aux soins de ses animaux. Il possède trois ménageries permanentes en Italie, à Melfi en Basilicate, à Lucera dans les Pouilles et à Palerme en Sicile100. Chacun de ces endroits s’est spécialisé dans la captivité de certains

animaux, comme Lucera, qui est une des léoparderies de l’empereur, c’est-à-dire un espace dédié au guépard101. La plupart des infrastructures mises en place par Frédéric II pour

garder ses animaux ont ensuite été reprises par ses successeurs et les grandes villes italiennes. Mais la ménagerie fixe la plus impressionnante, mais également la mieux documentée, est sûrement celle d’Henri III à la tour de Londres, qui a su s’adapter et évoluer à chaque arrivée animalière par l’aménagement de nouveaux espaces.