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3. Particularités du DIU chez la nullipare

3.3. Les DIU chez la nullipare : ce que dit la littérature

3.3.3. Les DIU chez la nullipare en médecine générale

De nombreuses études dont des revues de la littérature ont mis en évidence que les professionnels de santé, parmi lesquels les médecins généralistes, gardent des idées fausses quant aux DIU chez la nullipare, suscitant de nombreux freins à la prescription de cette contraception dans cette population.

A cause de ces idées erronées, l’HAS estime que moins de 10% des DIU sont prescrits par les médecins généralistes [81], qui apparaissent moins bien informés sur les nouvelles méthodes de contraception que les spécialistes, se sentant alors moins à l’aise pour conseiller leurs patientes [2]. De plus, le taux d’utilisation des DIU reste fortement lié à la parité.

La principale idée fausse des professionnels de santé est que le DIU augmente les risques de MIP et d’infertilité, ce d’autant plus que la femme nullipare est célibataire ou qu’elle a de multiples partenaires. Or, comme nous l’avons vu précédemment, les femmes nullipares ne sont pas plus à risque de développer une MIP que les femmes multipares, ce risque étant par ailleurs minime, et limité aux trois semaines suivant la pose du DIU. Afin de limiter les risques de MIP, certains professionnels de santé sont tentés d’utiliser une antibioprophylaxie antérieure à la pose.

L’autre idée fausse pouvant limiter la prescription des DIU chez la femme nullipare est la peur d’un risque augmenté de grossesse ectopique lié aux DIU. Beaucoup d’entre eux pensent d’ailleurs

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qu’un antécédent de grossesse ectopique constitue une contre-indication à l’utilisation ultérieure d’un DIU [79].

Une autre des craintes des professionnels de santé est une difficulté lors de l’insertion de DIU ou de douleurs chez une femme n’ayant jamais accouché. Comme nous l’avons vu auparavant, il semble exister en effet des taux de problèmes d’insertion de DIU augmentés chez les femmes nullipares, mais une grande majorité d’entre elles s’est déroulée sans effets indésirables ou complication grave.

Les professionnels de santé semblent également préoccupés par le risque de perforation utérine, qu’ils pensent, à tort, plus fréquent chez les femmes nullipares [82].

Enfin, ils craignent également un risque plus élevé d’expulsion du DIU chez les femmes nullipares.

3.3.3.2. Données préalablement obtenues en Haute-Normandie

Grâce à une thèse qualitative soutenue à la faculté de Rouen par Claire Méheut-Ferron en 2014, intitulée « Freins à la prescription du DIU chez la nullipare : étude qualitative auprès de 12 médecins haut-normands » [25], nous avons pu mettre en évidence :

- Les déterminants des pratiques de pose de DIU chez la patiente nullipare :

o Le mode d’apprentissage de la pose de DIU de la part des médecins de façon générale mais aussi chez la nullipare, avant et après les études médicales.

o Les changements de pratique des médecins par rapport à la pose de DIU, en relation avec une évolution des mentalités et des pratiques de ces médecins vis-à- vis de ce mode de contraception. Ces changements semblent être secondaires à une demande accrue d’informations par les patientes, suite à la polémique concernant les pilules de 3e et 4e génération, en recherche de méthodes

contraceptives non hormonales. Ces changements sont également appuyés par les laboratoires pharmaceutiques qui, lors de leur passage dans les cabinets médicaux, permettent de découvrir les différents dispositifs contraceptifs. Cependant, malgré la connaissance de ces évolutions, certains médecins avouaient ne pas toujours proposer le DIU en première intention ou ne pas en parler spontanément.

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- Les freins des médecins généralistes à la pose du DIU :

o Idées fausses et rumeurs encore bien ancrées dans l’esprit des médecins (anti- inflammatoires non stéroïdiens annulant l’efficacité du DIU au cuivre, GEU antérieure constituant une contre-indication à la pose d’un DIU, nécessité d’avoir du matériel de réanimation au cabinet)

o Liés à la pose du DIU en elle-même (chronophage [geste technique et nécessitant une formation] et peu rémunérateur, difficultés et échecs de pose, effets indésirables pouvant être importants chez une patiente nullipare [infections], freins matériels)

o Liés au profil des patientes :

 La nulliparité : qui concerne la plupart du temps des femmes n’ayant encore jamais eu de rapport sexuel, rendant le geste intrusif. Ils ont également mis en cause une difficulté au changement d’habitudes quand cette catégorie de population faisait auparavant partie des contre-indications, ainsi que la technicité importante du geste, le col étant plus étroit chez cette catégorie de femmes, aspect d’autant plus renforcé par le fait que certains collègues gynécologues étaient eux-mêmes contre la pose de DIU chez ces patientes. A l’inverse, les médecins posant des DIU chez la nullipare s’accordent à dire que la pose dans cette population n’était pas forcément plus difficile mais plutôt liée aux paramètres physiques et psychologiques de la patiente, donc non prévisibles.

 Les autres caractéristiques des patientes : impression du médecin d’un risque de durée d’utilisation du DIU trop courte, perdues de vue avec peur d’un manque de suivi gynécologique, statut législatif de mineures de certaines patientes nullipares constituent autant de freins à la pose du DIU chez la patiente nullipare.

o Liés au profil du médecin généraliste :

 Certains médecins avouent des difficultés à aborder le sujet de la sexualité, d’autant plus qu’il s’agit d’un médecin de genre masculin, ces derniers ayant constaté que leurs collègues de genre féminin récupèrent alors les patientes ayant un problème gynécologique.

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 Le manque de compétence a également été cité, qu’ils rapportent à un manque de formation initiale ainsi que la nécessité d’une pratique importante pour éviter les erreurs.

 La volonté de préserver une activité variée constitue également un frein à la réalisation de ce genre de geste, avec la peur d’avoir une activité de moins en moins diversifiée et plus orientée vers la gynécologie.

 Le coût semble également réfréner les médecins, certaines assurances demandant une majoration en cas de pose de DIU.

 La judiciarisation de la médecine, devant les risques de complications suite à la pose d’un DIU et ce d’autant plus que la patiente est nullipare, limite également les médecins à entreprendre ce genre de geste technique.

- Les freins des patientes au choix du DIU selon les médecins généralistes :

o La méconnaissance et la peur du DIU (idées fausses sur la taille, le caractère abortif, le risque accru de cancer, la peur de la gêne du partenaire et de douleur lors de la pose, le refus de corps étranger)

o La crainte des effets secondaires et des échecs du DIU (grossesse sous DIU, infections, douleurs, aménorrhée, anémie)

o La peur de la perte de l’auto-contrôle (à la différence de la pilule, avec laquelle les femmes sont seules maîtresses de leur aptitude à concevoir)

- Les moyens de réassurance des médecins généralistes autour de la pose du DIU : notamment par la réalisation d’un prélèvement vaginal ou l’utilisation d’une prémédication (antalgiques, anxiolytiques, analogues des prostaglandines pour certains) avant la pose, ou l’utilisation d’une pince de Pozzi au cours de la pose. Après la pose, certains prescrivent une échographie pelvienne afin de s’assurer du bon positionnement du DIU dans l’utérus. La discussion a soulevé l’intérêt d’une étude quantitative afin d’évaluer si davantage de médecins savent que la pose du DIU chez la nullipare est possible et indiquée et de quantifier le nombre de médecins poseurs chez la nullipare en première intention. Il a semblé également nécessaire

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d’explorer plus précisément les différences de mentalités et de connaissances en matière de pose de DIU selon les générations de médecins.