CHAPITRE II LE CADRE CONCEPTUEL
2.3 LES COMPOSANTES ET LES DIMENSIONS DU SAVOIR ENSEIGNER
2.3.1 Les dimensions du savoir enseigner comme cadre d’analyse
Puisque nous souhaitons présenter avec un certain niveau de précision les
bénéfices retirés à la suite d'activités de formation continue sur le plan du savoir
enseigner, il importe à ce moment de préciser le cadre qui nous permettra l’analyse du point de vue des enseignants.
Un bon nombre d’auteurs adoptent une conception voulant que plusieurs savoirs soient mobilisés par l’enseignant dans l’exercice de ses fonctions (Gauthier, 1997; Laliberté & Forcier, 1998; Presseau, et al., 2011). En réalité, le savoir
enseigner peut être envisagé comme un réservoir composé de plusieurs types de
savoirs dans lequel l’enseignant puise afin de répondre à des demandes précises dans des situations concrètes d’enseignement (Gauthier, 1997; Laliberté & Forcier, 1998). Presseau et al. (2011) ajoutent à cette définition que l’enseignant puise de façon
routinière et automatisée dans ces savoirs afin de répondre aux demandes
quotidiennes. De cette façon, nous considérons donc que la pratique enseignante
s’appuie sur un bassin de savoirs multiples, nommés « savoir enseigner ». L’enseignant utilise ainsi divers savoirs au gré des événements et des décisions qu’il doit prendre. Mais quelles sont ces composantes du savoir enseigner ?
En s’appuyant sur les écrits de Lebrun, Lenoir, Araújo Oliveira, et Chalghoumi (2005) et de Lenoir (2006), Presseau et al. (2011) proposent une
organisation du savoir enseigner en neuf dimensions distinctes. C’est le cadre de référence que nous avons adopté pour ce projet de recherche. Nous croyons en effet
que ces dimensions permettront de mieux encadrer le détail des bénéfices amenés par
la formation continue, et ce, pour chacun des enseignants interrogés.
La dimension contextuelle
La dimension contextuelle se rapporte d’abord et avant tout aux liens qu’entretiennent les enseignants avec le milieu social, culturel et politique (Presseau & Martineau, 2007). L’enseignant ajuste son enseignement en fonction des
spécificités propres à son milieu de travail et à la réalité éducative dans laquelle il
évolue. Chez l'enseignant, cette dimension se traduit par la prise en compte des
caractéristiques propres au contexte qu'il utilise pour ajuster son enseignement.
La dimension psychopédagogique
La psychopédagogie incarne une pédagogie qui vise « le développement
global de la personnalité en tenant compte de toutes les composantes de la situation
pédagogique et des relations entre ces composantes » (Legendre, 2005, p. 1112).
Presseau et ses collaborateurs (2011) expliquent que la dimension
psychopédagogique renvoie « aux rapports des enseignants aux élèves, aux
caractéristiques de ces derniers ainsi qu’à leurs modes de fonctionnement » (p.174). En d’autres termes, cette dimension s'intéresse principalement à la relation
qu’entretiennent les enseignants avec leurs étudiants, à leurs caractéristiques ainsi qu’à leur mode de fonctionnement (Lebrun, et al., 2005).
La dimension organisationnelle
La dimension organisationnelle aborde tout ce qui a trait à la gestion du
temps, du matériel, de l’espace et des routines (Presseau et al., 2011). Par exemple, mobiliser chez un enseignant, cette dimension du savoir enseigner aiderait
l'enseignant à prévoir et à gérer le temps alloué aux activités en classe. De plus, il
serait en mesure de s’assurer d’avoir le matériel requis à la conduite de l’activité et de disposer les bureaux de façon à maximiser les retombées de celle-ci. Aussi, toujours à
titre d’exemple, il pourrait choisir d'utiliser les tablettes électroniques parce que cet outil technopédagogique permet d’atteindre le but fixé par l’activité.
La dimension socioaffective
Les savoirs liés à la dimension socioaffective englobent les rapports
qu’entretiennent les enseignants avec leur identité professionnelle, leur motivation et leurs visées personnelles (Presseau et al., 2011). Cette dimension renvoie notamment
aux relations interpersonnelles et aux échanges quotidiens entre collègues. Ces
relations interpersonnelles sont essentielles au bon fonctionnement de leur tâche et à
relation: les relations avec leurs étudiants, les relations avec les collègues de leur
département, les relations avec les membres de l’administration, etc.
La dimension éthique
La dimension éthique pose un regard sur le rapport qu'entretient un enseignant
avec des systèmes de valeurs. Il peut s'agir, entre autres, de l’apprentissage des
normes ou des règles de conduite déterminées par un groupe professionnel. Au
collégial, ce type de savoir peut faire référence à l’éthique professionnelle où un enseignant modèle ses actions en fonction d’un certain code. Par exemple, un
enseignant évaluera un étudiant non pas en fonction de son appréciation personnelle,
mais bien en fonction de sa compréhension ou non des éléments de compétences
ciblés par le cours.
La dimension curriculaire
Cette dimension correspond aux savoirs de l’enseignant sur le contenu du cursus scolaire, la place du cours dans le programme d'études et les exigences
prescrites. En ce sens, la dimension curriculaire envisage le rapport de l’enseignant avec les finalités éducatives et la fonction des savoirs (Lebrun, et al., 2005, cités par
Presseau, et al., 2011). Dans sa planification des intentions pédagogiques ou
enseigner, on peut croire qu'il prend en compte de manière simultanée les
compétences antérieures de ses élèves et les compétences qu'ils doivent développer.
La dimension disciplinaire
La dimension disciplinaire prend en compte les rapports que l’enseignant entretient avec les savoirs issus de son champ d’expertise. Ce sont des savoirs qui vont en fait au-delà des savoirs à enseigner prescrits dans les programmes. Dans le
contexte qui nous intéresse, les enseignants engagés sur la base de leurs
connaissances disciplinaires se doivent de maitriser les contenus à enseigner, de
même que la culture disciplinaire dans laquelle ces contenus sont inscrits.
La dimension didactique
Sur le plan didactique, cette dimension renvoie aux composantes en jeu dans
la situation pédagogique. Elle vise à organiser le contenu disciplinaire afin d'obtenir
un apprentissage chez l'étudiant. Ce type de savoir demande à l'enseignant d'utiliser
des stratégies d’enseignement propres à une discipline comme la didactique du
français ou des mathématiques. En d’autres termes, la didactique renvoie aux méthodes les plus appropriées pour favoriser l’apprentissage d’une discipline quelconque chez l'étudiant. Cette dimension comprend également les tâches de
préparation des cours et l'évaluation des apprentissages. Ces tâches nécessitent de
discipline précise. Cette dimension propose à l'enseignant de faire référence à un
savoir propre à l’enseignement d’une discipline plutôt que de privilégier des principes pédagogiques généraux (Presseau et al., 2011).
La dimension épistémologique
En terminant, la dimension épistémologique prend en compte les rapports des
enseignants à la production du savoir et au processus d’accession au savoir (Lebrun et al., 2005, cités par Presseau et al., 2011). Cette dimension est liée aux préoccupations des enseignants par rapport à l’origine des disciplines, leur valeur, leur rôle ainsi que leur portée. Ce savoir peut par exemple se manifester dans la prise de conscience d’un enseignant par rapport à sa propre accession au savoir.
Bien que nous ayons présenté ces dimensions comme distinctes les unes des
autres, Presseau et ses collègues (2011) rappellent dans leurs résultats de recherche
qu’« il est apparu que l’interaction entre les différentes dimensions est omniprésente, ce qui rend souvent difficile (et artificiel) un traitement distinct de ces dimensions »
(p. 179). Cet énoncé explique pourquoi les auteurs proposent trois grands
regroupements de ces dimensions qui seraient complémentaires : 1- la dimension
contextuelle, psychopédagogique, éthique et socioaffectif; 2- la dimension
psychopédagogique, organisationnelle, éthique et disciplinaire; 3- la dimension
En terminant, rappelons que l’enseignement est un acte multidimensionnel où chaque personne y va de sa singularité et de sa façon propre pour exécuter une
activité professionnelle (Vinatier & Altet, 2008). Ainsi, nous croyons que porter un
regard multidimensionnel sur le savoir enseigner nous permettra de discerner avec
plus de précision les volets qui sont influencés par la formation continue des
enseignants.