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CHAPITRE I LA PROBLÉMATIQUE

1.2 LA COMPLEXIFICATION DE L’ENSEIGNEMENT AU COLLÉGIAL

1.2.1 La diversification des clientèles étudiantes

D’abord, il importe de présenter en quoi l’affluence de nouvelles clientèles au niveau collégial et le passage d’un enseignement élitiste à une formation de masse ont

eu des retombées importantes sur l’enseignement collégial (Loiola & Romainville,

2008).

Tableau 1. Distribution des effectifs étudiants dans les cégeps québécois

Année 1967-68 1969-70 1972-73 1985-86 2010-11 2013-14 Nombre de cégeps 12 34 44 - 48 48 Nombre d’étudiants inscrits à la session d’automne réparti dans l’ensemble des cégeps 14 077 49 118 85 247 137 583 172 518 177 451

Sources (Corriveau, 1986; Savard & Bouthaim, 2006) (OAP, 2010)

(Fédération des cégeps,

Jusqu’aux années 1960, les étudiants accédant aux études supérieures (collèges classiques et universités) ne représentent qu’une infime minorité de la population scolaire, souvent issue d’un milieu bourgeois et élitiste, généralement près des grands centres urbains. Avec l’ouverture des douze premiers cégeps en 1967,

force est de constater que l’objectif de ces institutions est précisément d’ouvrir les portes de l’enseignement supérieur au plus grand nombre possible (Dassylva, 2006). Pour diverses raisons économiques, géographiques, pédagogiques, politiques et bien

d'autres, les cégeps jouissent d’une popularité rapide et sans précédent qui fait

grimper rapidement leurs effectifs étudiants. Comme le présente le tableau 1, en

1967, 14 077 étudiants sont inscrits à la première session d’automne dans l’un des

cégeps de la province. En 1985-1986, soit moins de vingt ans après l'ouverture des

cégeps, la population étudiante est environ dix fois plus élevée et atteint le nombre de

137 583 inscriptions. Enfin, pour l’année 2013-2014, les 48 institutions publiques

collégiales ont accueilli 177 451 étudiants.

Autrefois homogène, composée d’étudiants performants et sensiblement issus des mêmes milieux favorisés, la masse étudiante s'est grandement diversifiée. Savard

et Bouthaim (2006) sont d’avis que c’est dans les années 1980 « que l’effectif

collégial s’est ainsi diversifié quant au sexe, à l’âge, à l’origine ethnique, aux origines socioéconomiques et à la préparation aux études supérieures » (p.107). Cros (2009)

supérieur et leur niveau n’est plus celui réservé jadis aux élites. Ils entrent sans le bagage cognitif d’antan, avec moins de méthodes de travail, avec des motivations très différentes » (p. 14).

1.2.1.1 Les mesures favorisant l’hétérogénéité de la clientèle

Qu’en est-il des mesures d’accompagnement permettant à ces étudiants de provenance et de capacités différentes de réussir? Depuis les années 80, c’est grâce

aux réformes et aux réaménagements des structures pédagogiques gouvernementales

et institutionnelles que chaque étudiant a maintenant accès à un cours qui convient à

son talent, et ce, même au niveau de l’enseignement supérieur (Rocher, 2006). Ces ajustements structurel et pédagogique influencent notamment le type d’étudiants qui

accèdent à l’ordre collégial. Depuis les vingt-cinq dernières années, il est possible d’observer à la fois une massification et une diversification des populations étudiantes (OAP, 2010; Savard & Bouthaim, 2006). Plus récemment, dans les années 2000, les

clientèles collégiales se distinguent désormais par « la grande diversité de leurs

besoins (de formation et d’encadrement) et les ajustements qu’elle suppose » (CSÉ, 2000, p.10).

En effet, diverses mesures gouvernementales contribuent à intégrer aux

programmes réguliers tout étudiant désirant poursuivre ses études supérieures. Par

bourses afin de contribuer à rendre accessible le collégial pour tous (MELS & Aide

financière aux études [AFE], 2012). Sur le plan de l’accompagnement pédagogique, à

la suite de la réforme Robillard de 1993, les cégeps mettent progressivement en place

certaines mesures d’accompagnement pour conseiller leurs étudiants dans leur cheminement scolaire. En ce sens, la session d’accueil et d’intégration (SAI) est

graduellement disponible dans tous les cégeps et accessible à tous les étudiants. Elle

fait office de transition entre le secondaire et le collégial (CSÉ, 2010). Citons

également la création des centres d’aide disciplinaire (français, anglais,

mathématiques, etc.) où un service de mise à niveau accompagné est offert.

L’hétérogénéité des étudiants s’accentue davantage en 2007-2008 avec les changements au Règlement sur le régime des études collégiales (RREC) qui modifie

considérablement les critères d’admission au collégial (Association professionnelle

des aides pédagogiques individuelles [A.P.A.P.I.], 2006). Une masse d’étudiants

admis conditionnellement intègre dorénavant les classes des cégeps. À vrai dire, des

étudiants n’ayant pas complété leur Diplôme d’études secondaires (DES) sont

désormais admis conditionnellement au secteur régulier de l'ordre collégial. Ces

étudiants ont toutefois l’obligation de compléter les crédits manquants durant leur première session au collégial (A.P.A.P.I., 2006).

Qui plus est, dans une visée d’accommodements et d’ouverture quant aux

doivent maintenant d’accueillir dans les programmes réguliers des clientèles dites « émergentes ». Représentant 10 % des admissions, un étudiant de la clientèle

émergente est décrit comme une personne présentant généralement des troubles

d’apprentissage, des troubles déficitaires de l’attention, des problèmes de santé mentale ou tout autre déficiences neurologiques, sensorielles, physiques ou motrices

(Fichten et al., 2006; I. Grégoire, 2007; Nguyen, Fichten, Barile, & Lévesque, 2006).

Depuis 1990, « les collèges ont l’obligation d’accommoder cette clientèle pour

favoriser leur réussite. Les collèges se doivent donc de s’adapter au modèle québécois

de l’école inclusive » (A.P.A.P.I., 2006).

Conformément à cette conjoncture particulière, les enseignants doivent

dorénavant faire face à une nouvelle hétérogénéité d’apprenants, aux orientations

d’apprentissage, aux aptitudes et aux besoins variés et complexes (Loiola & Romainville, 2008; Rocher, 2006; Savard & Bouthaim, 2006). La tâche enseignante

s’est complexifiée, influencée par la venue d'une diversification importante de la population étudiante (Boisvert, Lacoursière, & Lallier, 2006; Perrenoud, 1998). La

question se pose : embauchés sur une base disciplinaire, les enseignants du collégial

sont-ils suffisamment formés pour accomplir ces nouvelles tâches liées à

l’accompagnement pédagogique? Ne pouvant plus seulement compter sur leurs savoirs disciplinaires, les enseignants doivent désormais ajuster leur pratique

professionnelle, leur rôle ainsi que leurs modes d’intervention pédagogiques afin de

1.3 LA POURSUITE DE L’APPRENTISSAGE DE LA PROFESSION CHEZ