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Les déficits congénitaux du carrefour pyruvate:

Dans le document L’hyperlactatemie congenitale (Page 87-96)

CHAPITRE I: LES HYPERLACTATEMIES CONGENITALES ENZYMOPATHIQUES PRIMAIRES

I- ENZYMOPATHIES AFFECTANT LA GLUCONEOGENESE, LE CARREFOUR PYRUVATE ET LE CYCLE DE KREBS

2- Les déficits congénitaux du carrefour pyruvate:

L’hyperlactatémie par défaut d’utilisation demeure un signe biologique caractéristique, mais il n’y a en général ni hypoglycémie ni gros foie. Les signes neurologiques passent ici au tout premier plan [75].

En réalité deux grands types biocliniques peuvent étre distingués, d’une part les hyperlactatémies modérées (3à4mmol/l) accompagnant des neuropathies,d’autre part l’acidose lactique congénitale caractérisée par une lactatémie très élevée pouvant dépasser 10mmol/l et une évolution grave dominée par une détérioration neuropsychique rapide [76].

Dans chacun de ces types biocliniques,des déficits en pyruvate carboxylase et en pyruvate déshydrogénase ont été décrits. il n’existe donc pas de correspondance réciproque entre le déficit enzymatique et le syndrome obsérvé.

2-1- Déficit en pyruvate carboxylase (PC):

La pyruvate carboxylase occupe une position particulière. C’est à la fois une enzyme de la néoglucogénese et carrefour pyruvate.

Des déficits en PC ont été observés d’une part dans l’encéphalopathie de leigh, d’autre part au cours de quelques acidoses lactiques congénitales [77].

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a- Encéphalopathie nécrosante ou syndrome de Leigh:

Le syndrome de Leigh est une encéphalomyopathie nécrosante subaiguë, généralement secondaire à un déficit énergétique situé au niveau de la chaîne respiratoire mitochondriale ou du carrefour du pyruvate . Il débute dans la petite enfance par des signes d’atteinte du tronc cérébral: atteinte des nerfs crâniens surtout oculomoteurs, nystagmus, syndrome extrapyramidal prédominant, mais également pyramidal [78].

L’évolution est progressive, marquée par des poussées très souvent associées à une grande acidose lactique. Le pronostic est péjoratif, le décès survenant le plus souvent précocement lors d’une poussée, par défaillance respiratoire d’origine centrale.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale permet de mettre en évidence une atteinte caractéristique bilatérale des noyaux gris (putamen et pallidum). D’un point de vue neuropathologique, on retrouve des lésions de nécrose bilatérales et symétriques du tronc cérébral, des noyaux gris centraux et de la moelle épinière avec prolifération vasculaire, démyélinisation et gliose astrocytaire [79].

Nous rapportons l’observation d’une petite fille qui a présenté un syndrome de Leigh à début précoce, associé à un déficit isolé en cytochrome C oxydase [80].

Le bilan métabolique retrouvait une augmentation de la lactatémie (4,20 mmol/l; normale: 0,5–2,8), du taux de pyruvate (126μmol/l, normale: 41–67) et un rapport L/P égal à 33 (normale inférieure à 20) [80].

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b- Acidose lactique congénitale:

L'acidose lactique représente une forme extrême d'accumulation de lactate. Des acidoses lactiques ont été notés chez des malades présentant une anomalie de la PC [81].

 Aspects clinique et biologique:

le déficit est marqué biologiquement par l’association d’une hyperlactatémie avec un rapport L/P élevé alors qu’au contraire le rapport des corps cétoniques est bas, une hyperammoniémie et, à la chromatographie des acides aminés sanguins, une élévation de l’alanine, de la proline et de la citrulline. Le déficit ne s’accompagne que rarement d’hypoglycémie, par contre, il existe un dysfonctionnement important du cycle de Krebs [29].

Sur la plan clinique on note des crises épileptiques, des troubles de la consience voire un coma. Le retard psychomoteur est manifeste [5].

 Diagnostic:

Le diagnostic positif repose sur l'analyse du sang qui montre l'acidose métabolique et l'accumulation majeure de lactate (souvent au dessus de 10 mmol/l), le dosage de l’activité enzymatique peut se faire au niveau des fibroblastes, lymphocytes et des aminocytes [63].

 Traitement:

Un régime comportant une proportion importante d’hydrates de carbone et des protéines suffisantes pour la croissance est proposé. Le bicarbonate de sodium peut être utilisé en cas d’acidose métabolique sévère [82].

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2-2- Déficit multiple en carboxylase:

Une autre erreur innée du métabolisme, ou le déficit en pyruvate carboxylase est observé, c’est le défict multiple en carboxylase. Il s’agit d’ un syndrome dû à la diminution de l'activité des quatre carboxylases dépendantes de la biotine (trois mitochondriale: propyonylCOA carboxylase, pyruvate carboxylase, 3méthyl-crotonylCOA carboxylase, et une cytosolique: l’acétylCOA carboxylase), par carence en biotine ou par des troubles innés de son métabolisme, transmis selon le mode autosomal récessif [83].

Les auteurs rapportent l'observation d'un nourrisson de deux mois exploré pour des convulsions myocloniques rebelles aux traitements anticonvulsivants habituels, une hypotonie, et une atteinte cutanée avec alopécie, le tout apparu à l'âge d'un mois. Le bilan métabolique a objectivé une hyperammoniémie et une hyperlactatémie. Le déficit multiple en carboxylases a été suspecté et le traitement par la biotine à la dose journalière de 5mg a entraîné une rémission des signes cliniques aussi bien neurologiques que cutanés [83].

2-3- Le déficit en pyruvate déshydrogénase :

Le déficit en pyruvate déshydrogénase, décrit pour la première fois en 1970, est une maladie héréditaire du métabolisme intermédiaire affectant principalement le système nerveux. Plus d’une centaine d’observations en ont déjà été rapportées, mettant en évidence l’extrême hétérogénéité clinique et moléculaire de ce déficit [84].

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a- Rappel biochimique:

le complexe pyruvate déshydrogénase est l’un des systèmes enzymatiques majeurs impliqués dans le contrôle du métabolisme oxydatif des substrats énergétiques.

Localisé dans la membrane interne mitochondriale, il catalyse la décarboxylation oxydative irréversible du pyruvate en acétylCOA, avec production de NADH,H+ [85].

Le complexe PDH est une macromolécule de 7 à 8,5 103 kDa, située dans la membrane interne mitochondriale et composée de six unités : quatre composants catalytiques (E1, E2, E3 et la protéine X) et deux enzymes régulatrices, la PDH kinase et la PDH phosphatase qui contrôlent, par phosphorylation/déphosphorylation, l’activité du composant E1, ce dernier étant le facteur limitant de l’activité du complexe [85].

b- physiopathologie:

Les déficits en PDH sont extrêmement hétérogènes dans leurs manifestations cliniques et doivent être différenciés des déficits des enzymes de la chaîne respiratoire, des déficits en pyruvate carboxylase ou des enzymes du cycle de Krebs et des anomalies de la néoglucogenèse, qui tous sont à l’origine d’hyperlactatémies héréditaires [86].

Le déficit en PDH représente la première cause d’acidose lactique congénitale primitive. Il entraîne, en amont, une accumulation de pyruvate, et par conséquent d’alanine et de lactate, avec un rapport L/P normal dans le sang. L’hyperpyruvicémie et l’hyperlactatémie sont accrues en période postprandiale et diminuées lors du jeûne [87].

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c- Génétique:

Ces déficits en PDH sont le plus souvent liés à des mutations du gène de la fraction E1α de la PDH sur le chromosome X expliquant les variations phénotypiques selon le sexe. Il existe aussi des déficits en protéine X (E3 binding protein) dont le gène a été récemment caractérisé [88].

d- Clinique:

L’expression clinique des déficits en PDH est très polymorphe et beaucoup d’études ont tenté de corréler la gravité du phénotype clinique, l’activité enzymatique résiduelle et l’anomalie moléculaire trouvée dans les différents cas étudiés. Les caractéristiques cliniques associées à un déficit en E1α ne sont pas ou peu distinguables de celles associées à un déficit en protéine X ou en E3 (Tableau IV) [84].

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Tableau IV : Principaux signes cliniques associés au déficit en E1α, E2,E3 et protéine X du complexe PDH [84]

Signes cliniques E1α E3 Protéine

X Retard de croissance et de développement +++ +++ +++ Hypotonie +++ +++ +++ Convulsions ++ + - Dégénérescence du SNC (syndrome de Leigh) ++ + ++ Malformations du SNC + - + Ataxie + + + Apnée, hypoventilation + + + Mort subite + - + Dysmorphisme + - + Neuropathie périphérique + - -

Myopathie (muscle cardiaque ou squelettique)

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Au regard de l’ensemble des données publiées, on peut distinguer quatre groupes phénotypiques.

• Le premier groupe inclut les formes les plus sévères, qui associent une hyperlactatémie, une hypotonie et une encéphalopathie. Les patients atteints, le plus souvent des filles, décèdent au cours de la première année de vie. Les formes les plus fréquentes sont des retards psychomoteurs plus ou moins graves pouvant être compatibles avec plusieurs années de vie. L’hyperlactatémie reste alors plus ou moins modérée [84].

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• Le deuxième groupe est constitué le plus souvent de garçons qui présentent une encéphalomyélopathie nécrosante subaiguë, ou syndrome de Leigh, dont l’évolution est fluctuante, par poussées très évocatrices de ce syndrome, auxquels s’associent progressivement des troubles neurologiques. Dans ce groupe, l’hyperlactatémie est souvent plus inconstante et fugace [89].

• Un troisième groupe, ne comportant exclusivement que des garçons, est moins sévèrement atteint. Les patients ne présentent en effet le plus souvent qu’une ataxie chronique ou à rechute avec peu ou pas de retard mental et des taux de lactate sanguin modérément élevés ou normaux. Paradoxalement, c’est dans ce groupe d’évolution clinique plutôt favorable que sont trouvées les activités enzymatiques les plus basses [84].

• Un dernier groupe rassemble les patients qui ne présentent aucune perturbation métabolique ni modification de l’activité PDH périphérique, et pour lesquels l’imagerie cérébrale a révélé des anomalies évocatrices d’un déficit en PDH, la plupart des observations décrites à ce jour ne concernent que des filles [84].

e- Diagnostic:

Le diagnostic des déficits en PDH repose le plus fréquemment sur la mesure de l’activité PDH en suivant la formation de 14CO2 radioactif à partir de 14C pyruvate en présence de thiamine pyrophosphate, de Coenzyme A et de NAD+. Les premières observations de déficit enzymatique en PDH ont été faites sur des cultures de fibroblastes dès 1970 [90]. Nombreux sont les laboratoires qui utilisent ces cellules pour faire le diagnostic, mais il faut cependant préciser qu’elles ne sont pas d’une parfaite fiabilité, en raison des différentes conditions de culture utilisées pour les conserver. De plus, l’activité PDH résiduelle chez

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les filles dépend de la proportion relative de l’inactivation du chromosome X normal, et les cellules ayant l’allèle normal peuvent avoir un avantage réplicatif sur les cellules possédant une fraction d’allèle inactivé, et donc une activité PDH plus faible. La mesure de l’activité PDH sur d’autres types cellulaires (lymphocytes, muscle) est alors nécessaire pour confirmer le diagnostic [84].

Il est également possible d’étudier les différentes protéines du complexe PDH par immunodétection au moyen d’anticorps spécifiques dirigés, soit contre le complexe, soit contre l’une des sous-unités. Par cette approche, il est ainsi possible de faire la part des déficits liés à la sous-unité E1 de ceux liés à d’autres sous-unités, en particulier à la protéine X [91]. De plus, cette technique permet de suivre la modification simultanée ou non des deux sous-unités, E1α et E1β, selon l’anomalie moléculaire trouvée et ainsi de définir de nouvelles relations structure/fonction dans le complexe.

f- Traitement:

La prise en charge nutritionnelle d’un déficit en PDH repose sur deux principes ; « en amont du déficit », il s’agit d’éviter l’acidose lactique en réduisant l’apport de sucres et « en aval du déficit », de fournir à la cellule des substrats de substitution, en particulier des acides gras pour le métabolisme oxydatif.

L’application de ces deux principes est à la base du « régime cétogène », défini comme un régime délibérément déséquilibré (60% de lipides, 25% de glucides et 15% de protides) pour favoriser la synthèse de corps cétoniques. Il est cependant encore difficile d’évaluer l’efficacité de ce type de régime, bien que son intérêt physiopathologique reste indiscutable [84].

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Dans certains cas, le traitement par la thiamine, cofacteur indispensable à l’activité d’E1, peut avoir un effet bénéfique pour le malade. En revanche, l’efficacité du traitement par le 2-chloropropionate, activateur de la PDH, reste controversée [84].

Dans le document L’hyperlactatemie congenitale (Page 87-96)

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