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Classification des hyperlactatémies: 1- Historique:

Dans le document L’hyperlactatemie congenitale (Page 63-77)

PREMIERE PARTIE : L’HYPERLACTATEMIE

3- Classification des hyperlactatémies: 1- Historique:

En 1976, COHEN et WOODS ont proposé une classification des hyperlactatémies en fonction du mécanisme responsable, il est commun de distinguer les causes dysoxiques (type A) des causes non dysoxiques (type B). Ces dernières sont subdivisées en types B1 (secondaire à un désordre métabolique), B2 (induite par des médicaments) et B3 (associée à des défauts génétiques du métabolisme) [29].

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3-2- Type A: hyperlactatémie associée à une dysoxie cellulaire:

Le type A est caractérisé par une hypoxie tissulaire et l’hyperlactatémie qui en résulte découle d’un excès de production de lactate du fait de la carence en oxygène.

Ainsi au cours des états de choc, des hypoxémies sévères, ou des hémoglobinopathies, la baisse du transport d’oxygène importante aboutit à une hypoxie tissulaire responsable d’hyperlactatémie [29].

Origines possibles pour le type A [29]:  Diminution du transport en O2

• Insuffisance circulatoire aiguë • Anémie extrême mal supportée

• Hémoglobinopathie (dont l’intoxication au monoxyde de carbone) • Hypoxémie importante

• Ischémie d’organe

 Altération de l’extraction tissulaire d’O2

• Intoxication au cyanure • Sepsis sévère

 Augmentation brutale de la demande en O2

• Exercice physique intense • Convulsions

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a- L’exercice musculaire intense:

C’est un bon exemple d’hyperlactatémie par augmentation de la production: l’élevation du débit cardiaque et l’augmenation de la perfusion des muscles au travail ne suffisent pas à satisfaire la demande accrue en oxygène. L'utilisation du glucose s'arrête à la glycolyse anaérobie [42].

L'hyperlactatémie, dans ces conditions, va entre autres dépendre de l'intensité de l'effort et il est classique de distinguer deux niveaux: l'exercice maximal et l'exercice submaximal, ce dernier étant défini comme égal ou inférieur aux 75% du premier.

Quand l'effort est submaximal, l'élévation du lactate sanguin est généralement modérée. Cela tient à deux faits:

- Les fibres musculaires sollicitées sont essentiellement de type I,

(= fibres ST = « slow twitch » = fibres rouges), elles sont capables d'utiliser le lactate comme substrat et de l'oxyder en CO2 et H2O.

- Le foie, malgré une perfusion abaissée à environ 50 % de la valeur de repos, augmente sa captation de lactate.

Il en va tout différemment quand l'effort est maximal. Dans cette situation, la concentration de lactate sanguin s'élève de façon considérable et des taux de 25 à 30 mmol/l sont parfois observés.

On l'explique en premier lieu par la participation des fibres musculaires de type II (= fibres FT = « fast twitch » = fibres blanches): en raison de leur équipement enzymatique particulier, elles sont très riches en LDH, elles fabriquent du lactate.

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D'autre part la perfusion hépatique tombe à des valeurs inférieures à 25% de la valeur de repos. La captation de lactate est dans ces conditions insuffisante pour épurer tout le lactate qui parvient au foie [29].

b- La crise d’épilepsie:

En clinique c’est une situation métabolique très voisine de l’éxercice musculaire, à la différence que l’apnée et peut être aussi une inadaptation plus marquée du débit cardiaque,viennent limiter le transport d’oxygéne.

L’hyperlactatémie de la crise épipéltique peut être sévère et des concentrations de lactate supérieures à 12 mmol/l sont loin d’étre exceptionnelles [42].

c- Etats de choc:

Les hyperlactatémies les plus fréquentes en clinique sont secondaires à la diminution de la livraison d’oxygène qu’entrainent les états de choc.

Qu’ il s’agit d’un choc cardiogène ou hypovolémique, la diminution du débit cardiaque est le premier élément responsable de la perturbation du transport d’oxygène, auquel s’ajoutent les troubles de la microcirculation, avec en plus la chutte du taux d’hémoglobine pour le choc hémorragique, les troubles des échanges gazeux pulmonaires en cas de choc cardiogène.

L’épuration du lactate est compromise par la diminution de la perfusion splanchnique et, dans une moindre mesure, par l’abaissement de la redistribution du flux sanguin rénal [29].

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d- Anémie extrême et Hémoglobinopathie:

En dehors de l’état de choc, le transport d’oxygène peut être compromis par une chutte du taux d’hémoglobine, mais il faut que l’anémie soit sévère, ou par des altérations de la molécule elle même de l’hémoglobine, modifiant son affinité pour l’oxygène, c’est le cas notament de l’intoxication au CO [43].

e- Sepsis:

L’hyperlactatémie chez les patients admis aux urgences pour un état infectieux est relativement importante.

Au cours d’un travail prospectif incluant près de 1 300 patients, il a été démontré qu’une hyperlactatémie supérieure à 4 mmol/l était présente chez 10,5 % des patients admis pour syndrome infectieux [44].

L’hyperlactatémie observée au cours du sepsis est d’origine relativement complexe. À la phase toute initiale elle traduit très probablement l’existence d’une hypoxie tissulaire puisque les traitements visant à améliorer l’hémodynamique permettent de diminuer l’importance de l’hyperlactatémie. Cependant, d’autres paramètres sont à l’origine d’une élévation du lactate au cours du sepsis sans qu’ils soient forcément associés à une dette tissulaire en oxygène. Ainsi, au cours des états infectieux, il semble exister d’une part une diminution de la clairance métabolique de ce substrat et d’autre part une activation métabolique de la voie glycolytique [45,46].

3-3- Type B: Hyperlactatémie d’origine non dysoxique:

Le type B se caractérise au contraire par un défaut d’élimination du lactate où par une anomalie métabolique aboutissant à un excès de production d’acide

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lactique. Les mécanismes physiopathologiques responsables sont très divers et hétérogènes [29]. On distingue 3 sous types:

Type B1: Hyperlactatémie associée à un désordre métabolique. Type B2: Hyperlactatémie associée à des médicaments.

TypeB3: Hyperlactatémie associée à des erreurs congénitales du métabolisme.

a- Type B1: Hyperlactatémie associée à un désordre métabolique :

 Diabéte sucré:

L’hyperlactatémie peut s'observer dans le diabète sucré en dehors de tout traitement aux biguanides dont il sera question plus loin.

Une acidose lactique cliniquement significative s'observe dans moins de 10% des acidocétoses diabétiques. Elle peut provenir de plusieurs facteurs, non spécifiques, susceptibles de compromettre la perfusion tissulaire, on citera les remaniements vasculaires variés de la macro ou de la microangiopathie diabétique, les altérations érythrocytaires, l'augmentation de la viscosité sanguine ou encore les altérations de la fonction plaquettaire. Des facteurs plus spécifiques peuvent interférer avec le métabolisme du lactate. Le manque d'insuline conduit à une diminution de l'activité de l'enzyme PDH qui intervient dans la transformation du pyruvate en acétyl- CoA: l'oxydation du lactate s'en trouve réduite d'environ 75% [29].

 Tumeurs malignes:

L’hyperlactatémie révèle soit un excès de production de lactate par la tumeur soit un défaut d’élimination hépatique (métastases).

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En 1924, Otto Warburg avait déjà émis, l’hypothèse que les cellules tumorales avaient un métabolisme différent des autres cellules. Cet « effet Warburg » fait que la cellule tumorale, pour synthétiser de l’énergie, va favoriser la glycolyse anaérobie par rapport à l’aérobie même en présence d’oxygène et de plus va augmenter sa consommation de glucose, entraînant l’hyperlactatémie [47].

En effet, les facteurs de croissance tumoraux stimulent la captation cellulaire de glucose en augmentant le nombre de transporteurs membranaires de glucose tels que GLUT1 et GLUT3 [48].

Cette observation a été à la base du développement de la tomographie à émission de positrons. En effet, cette augmentation de la glycolyse est liée à la vitesse de croissance de la tumeur et reflète donc la prolifération tumorale [49].

Cette déviation vers la glycolyse anaérobie pourrait être expliquée par la mise au repos de la mitochondrie dans les cellules tumorales, ce qui leur permet de résister à l’apoptose, ou par une adaptation tumorale à un environnement pauvre en oxygène [49].

b- Type B2: Hyperlactatémie associée à des médicaments:

Certaines substances peuvent induire des toxicités mitochondriales se compliquant d’hyperlactatémie, le Tableau I présente certaines substances responsables d’hyperlactatémie médicamenteuse.

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Tableau I: Substances responsables d’hyperlactatémie suite à leur toxicité mitochondriale [50].

Substances toxiques Mécanisme d’action

Anti-rétroviraux(inhibiteurs

nucléosidiques de la transcriptase inverse)

Inhibition de la réplication de l’ADN mitochondrial

Cyanure Inhibition de la chaîne respiratoire

mitochondriale (fixation du cyanure sur l’atome de fer du cytochrome p450)

Metformine Inhibition de la glycolyse aérobie

Propofol Inhibition de la chaîne respiratoire

mitochondriale Inhibition de l’oxydation des acides gras à longue chaîne au niveau mitochondrial

 Intoxication par les Anti-rétroviraux :

L’instauration des antirétroviraux dans le traitement des patients infectés par le virus du VIH a permis d’améliorer la survie mais aussi la qualité de vie des malades. Malgré cela, de nombreuses complications peuvent apparaître lors de la prise de ces antirétroviraux comme des anomalies du métabolisme

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lipidique et glucidique, une cardiomyopathie et aussi une toxicité mitochondriale, qui peut amener à l’hyperlactatémie.

Parmi ces antirétroviraux, les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) sont des analogues de bases nucléiques qui empêchent la réplication du virus en inhibant la transcriptase inverse du virus (l’ADN polymérase virale).

Ces INTI vont donc avoir une affinité non seulement pour l’ADN polymérase du virus du SIDA mais aussi pour d’autres ADN polymérases humaines comme l’ADN polymérase gamma qui permet la réplication de l’ADN mitochondrial.

Ainsi, les INTI vont provoquer une dysfonction de la mitochondrie. Celle-ci ne pourra plus prendre en charge le pyruvate provenant de la glycolyse anaérobie si bien que le métabolisme du pyruvate est dévié vers le lactate.

La prévalence de cette hyperlactatémie chez les patients sous antirétroviraux varie de 8 à 18,3 %, elle est en général asymptomatique [51 ,42].

 L’intoxication cyanhydrique:

Le cyanure est un poison cellulaire qui se lie à l’atome de fer à l’état ferrique de nombreuses enzymes, entraînant alors une inhibition de la cytochrome C oxydase et un blocage de la phosphorylation oxydative mitochondriale. L’intoxication par le cyanure peut résulter d’une exposition à différents produits, dont le gaz HCN (cyanure d’hydrogène ), les sels de cyanure et les composés cyanogènes.

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Une concentration plasmatique de lactates ≥ 8 mmol/L (exposition au cyanure seul) ou ≥ 10 mmol/L (inhalation de fumées d’incendie) est un indicateur fiable, suffisamment sensible et spécifique, d’une intoxication cyanhydrique [42].

 Intoxication par la Metformine:

L’acidose lactique est réputée comme étant la complication la plus grave du traitement par la metformine avec une mortalité proche de 50 %. Son incidence est de 2 à 9/100 000 patients/an [52].

Les mécanismes pouvant expliquer l’hyperlactatémie associée à la metformine ne sont pas clairs. Plusieurs effets de la metformine peuvent aboutir à une accumulation de lactate. La cause principale résiderait dans l’inhibition de la néoglucogenèse à partir de différents substrats dont le lactate, surtout en cas d’accumulation de metformine [52].

Ce mécanisme serait médié par une inhibition du complexe 1 de la chaîne respiratoire mitochondriale [53, 54]. De plus, la metformine augmente le ratio NAD/NADH avec une élévation du flux au travers de la pyruvate kinase [55].

La metformine serait aussi capable d’augmenter la production glycolytique de lactate au niveau intestinal [56].

Finalement, l’hyperlactatémie serait le résultat couplé d’une baisse de son utilisation et d’une augmentation de sa production, désordre qui surviendrait à la faveur d’un surdosage ou d’une défaillance d’organe [57].

 Intoxication au Propofol:

L’administration prolongée de hautes doses de Propofol peut entraîner des hyperlactatémies parfois létales. D’abord observé chez l’enfant, le Propofol

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Infusion Syndrome (PRIS) comprend une rhabdomyolyse, une acidose lactique, une défaillance cardiaque et rénale. Le premier signe clinique est le plus souvent une bradycardie. Ces acidoses lactiques apparaissent chez l’enfant le plus souvent lors de l’utilisation prolongée de propofol pendant des périodes de 42 à 96 h avec des doses importantes allant de 6 à 11 mg/kg/h [58].

La physiopathologie du PRIS reste encore discutée mais pourrait être due à un effet toxique du propofol sur la mitochondrie. Le propofol contribue à l’augmentation du taux de malonyl carnitine qui inhibe la protéine de transport mitochondriale des acides gras à longue chaîne (carnitine palmitoyltransferase I).

Dans un deuxième temps, le complexe II de la chaîne respiratoire est inhibé d’où l’accumulation de C5-acylcarnitine. Les acides gras libres étant une source énergétique pour les muscles cardiaques et squelettiques, une altération de leur utilisation peut aboutir à une défaillance cardiaque et une nécrose musculaire. Cette altération du métabolisme mitochondrial favorise aussi la glycolyse anaérobie avec formation accrue de lactate. Le propofol pourrait aussi favoriser le métabolisme anaérobie en inhibant la chaîne respiratoire mitochondriale [58].

Une deuxième hypothèse fait valoir que certaines personnes pourraient avoir une anomalie mitochondriale préexistante à la prise de propofol, ce qui expliquerait que tous les patients ne présentent pas le PRIS avec des doses identiques de propofol [59].

Une troisième hypothèse parle d’hépato-toxicité secondaire au propofol, qui altérerait alors l’élimination du lactate [60].

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Enfin, certains plaident que l’émulsion lipidique que contient le propofol peut devenir un bon milieu de culture s’il est contaminé et l’hyperlactatémie pourrait être la complication du sepsis qui en résulte [60].

Dans ces différents cas où l’on observe une toxicité mitochondriale, la phosphorylation oxydative peut être altérée. La survenue d’une acidose métabolique associée à l’hyperlactatémie est alors fréquente.

 Intoxication aux salicylés:

L'intoxication aux salicylates peut être à l'origine d'une acidose lactique, les désordres acido-basiques qu'elle entraîne évoluent classiquement en deux temps: le premier est caractérisé par une alcalose respiratoire due à l'action centrale de la substance. Dans un deuxième temps, une acidose métabolique, de nature lactique, s'ajoute à l'hypocapnie. Dans ces conditions, l'acidose lactique explique de façon pratiquement complète l'augmentation du trou anionique. Elle apparaît comme secondaire à l'hypocapnie [29].

 Autres intoxications à l’origine d’une d’hyperlactatémie:

L’éthanol, en intoxication aiguë ou chronique, peut être responsable d’une hyperlactatémie de type B qui peut parfois atteindre des valeurs très élevées.

L’éthanol est oxydé en acétaldéhyde par l’alcool déshydrogénase puis en acétaldéhyde par l’aldéhyde déshydrogénase, générant la formation de NADH réduit. L’augmentation du ratio intracellulaire de NADH/NAD+ inhibe la conversion du lactate en pyruvate par la LDH (De plus, chez l’alcoolique chronique, la présence de stocks inadéquats de biotine et de thiamine peut compromettre l’utilisation du lactate comme source énergétique cellulaire en

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altérant la conversion du pyruvate en acétyl-coA et en bloquant la néoglucogenèse [61].

Les alcools toxiques (méthanol, éthylène glycol et diéthylèneglycol) peuvent aussi donner une élévation des lactates. Mais le principal alcool à suspecter devant une hyperlactatémie qui explique la totalité du trou anionique est le propylène glycol, qui est métabolisé par l’alcool déshydrogénase hépatique en acide lactique [62].

c- TypeB3: Hyperlactatémie associée à des erreurs congénitales du métabolisme.

Certains déficits congénitaux peuvent comprendre une dysfonction mitochondriale. Certains de ces déficits provoquent une diminution de l’oxydation du pyruvate soit par atteinte du transport de la chaîne des électrons dans la mitochondrie, soit par une déficience enzymatique, ces deux cas entraînant une accumulation de lactate [30].

Les principaux déficits congénitaux responsables d’acidose lactique:  Glucose-6-phosphatase (maladie de von Gierke)

 Pyruvate déshydrogénase  Pyruvate carboxylase

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Tableau II: Classification des hyperlactatémies (Modifié selon WOODS et COHEN) [27]

Type A: Hyperlactatémie associée à une dysoxie cellulaire Diminution du transport en O2

• Insuffisance circulatoire aiguë • Anémie extrême mal supportée

• Hémoglobinopathie (dont l’intoxication au CO) • Hypoxémie importante

• Ischémie d’organe

Altération de l’extraction tissulaire d’O2 • Intoxication au cyanure

• Sepsis sévère

Augmentation brutale de la demande en O2 • Exercice physique intense

• Convulsions

• Hyperthermie maligne

Type B: Hyperlactatémie d’origine non dysoxique B1 : Hyperlactatémie associée à un désordre métabolique • Diabète sucré

• Maladies néoplasiques et leucoses • Insuffisance hépatique

• Sepsis

• Flore intestinale anormale

• acidose due au lactate dextrogyre

B2: Hyperlactatémie associée à des médicaments • Bêta-adrénergiques : adrénaline, dobutamine, terbutaline, salbutamol • Propofol

• Biguanides : metformine • Salicylés

• Composés cyanogènes: cyanure, nitroprussiate • Paracétamol

• Cocaïne, métamphétamine

• Antirétroviraux: stavudine, didanosine, zidovudine

• Alcools: éthanol, méthanol, propylène-glycol, éthylène glycol • Sucres: sorbitol, xylitol, fructose

B3: Hyperlactatémie associée à des erreurs innées du métabolisme (déficit enzymatique) • Glucose-6-phosphatase (maladie de von Gierke)

• Pyruvate déshydrogénase • Pyruvate carboxylase

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DEUXIEME PARTIE:

Dans le document L’hyperlactatemie congenitale (Page 63-77)

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