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Les conditions de vie des marins sont alarmantes

Dans le document AVIS sur (Page 98-101)

La situation des marins de la marine marchande a récemment perdu en stabilité en raison de l’addition de deux phénomènes.

a) Des contrats à durée déterminée

Le personnel navigant travaille aujourd’hui surtout pour de petites compagnies qui mettent leur navire à la disposition d’un affréteur pour la durée d’une mission. Ceci est vrai, notamment, pour le transport pétrolier où l’affrètement se fait au voyage ou, selon le vocabulaire de la profession, « en spot ». Non seulement les compagnies pétrolières ne possèdent plus de flotte en propre mais elles tendent pour le transport de leur produits à abandonner les relations durables et privilégiées avec un armateur.

Dans ces conditions, les hommes sont eux-mêmes recrutés et gérés au voyage par l’intermédiaire de sociétés de recrutement opérant dans le monde entier avec une prédilection pour des pays offrant une main-d’œuvre bon marché mais qui ne soit pas totalement dépourvue d’expérience maritime. Ces agences sont souvent contrôlées financièrement par des armateurs qui peuvent eux-mêmes se dissimuler derrière des holdings.

Recrutés à la mission, les marins n’ont donc aucune perspective d’emploi stable ce qui les place dans une situation de très grande infériorité lorsqu’il s’agit d’obtenir de l’armateur des conditions de travail décentes. De surcroît, l’employeur de l’équipage est souvent très difficile à identifier : s’agit-il de l’agence de recrutement, de l’armateur, du propriétaire « ultime » du navire voire de l’affréteur ? Les officiers aussi sont vulnérables bien que le marché du travail leur soit plus favorable. La précarité de leur situation met parfois à mal l’indépendance dont ils doivent, en principe, faire preuve vis-à-vis des intérêts financiers de l’armateur, dans les diligences nécessaires à la sécurité du navire.

b) Une faible cohésion des équipages et un isolement des marins La diversité culturelle croissante des équipages constitue le second facteur de fragilité. Il n’est pas rare de compter à bord sept ou huit nationalités différentes. Outre les problèmes de communication susceptibles d’affecter la sécurité des navires qu’il peut poser, un recrutement aussi diversifié tranche avec la relative homogénéité des équipages qui a prévalu jusque dans les années 1970 (chaque grand pavillon recrutant alors dans une zone d’influence traditionnelle) et a fait disparaître des solidarités et des formes de sociabilité éprouvées. La dispersion des recrutements est allée de pair avec la réduction des effectifs à bord.

Les marins une fois embarqués sur un navire dont ni le pavillon ni l’armateur n’ont de lien avec leur pays, parfois confrontés à des difficultés linguistiques et culturelles de communication sont ainsi beaucoup plus vulnérables aux abus dont ils peuvent être victimes.

4.2. Des pratiques abusives

Au-delà d’une dureté assez générale des conditions de travail à bord - les normes internationales ne sont, en effet, que des minima et les conventions de l’OIT sur les congés payés, la sécurité sociale et la durée du travail des marins n’ont pas été suffisamment ratifiées pour devenir d’application universelle - les gens de mer peuvent être exposés à des pratiques relevant d’une exploitation sans frein de la part de certains armateurs et sociétés de recrutement.

Les fraudes sur les salaires des équipages sont une pratique et une source de conflit répandues. Il peut s’agir d’une part, de paiements de salaires inférieurs aux minima fixés par l’OIT ou à ceux prévus par un accord collectif (des navigants touchent ainsi moins de cinq cents dollars par mois), d’autre part, de retards accumulés dans le versement des rémunérations. Des marins qui apprennent que le versement à leur famille, dans leur pays d’origine, d’une fraction de leur salaire (généralement la plus importante) n’est plus assuré par l’armateur, se trouvent placés dans une situation matérielle et morale désespérante.

Les conditions de travail et de vie à bord sont parfois dégradées au point de mettre en danger la santé et la vie des hommes.

Malversation, mauvaise gestion et finalement difficultés financières de l’armement expliquent les très graves pressions parfois exercées pour contraindre les membres d’équipage à renoncer à leurs droits élémentaires, recouvrer une créance salariale, faire appel aux organisations syndicales… Ces dernières signalent régulièrement des cas d’intimidation physique, de privation de passeports, de séquestration en vue d’empêcher toute communication avec l’extérieur lorsque le navire est dans un port.

La phase ultime de l’exploitation des marins est, aujourd’hui, atteinte avec l’abandon du navire et de l’équipage dans un port étranger, sans ressource, sans ravitaillement, sans possibilité de rapatriement. Il s’agit d’un phénomène assez nouveau avec lequel les autorités de l’Etat du port doivent désormais compter.

L’armateur s’exonère ainsi du paiement des arriérés de salaire, du coût du rapatriement des hommes et d’éventuels droits de port. L’abandon fait très souvent suite à l’immobilisation du navire à l’occasion d’un contrôle technique par l’Etat du port ou d’une saisie conservatoire obtenue par un créancier, fournisseur ou affréteur. Le mauvais état du navire justifiera aux yeux de son propriétaire son abandon soit que les réparations nécessaires sont jugées trop onéreuses soit que sa cession ne couvre pas les dettes accumulées. Pour fuir ses responsabilités et échapper aux poursuites, l’armateur ou le propriétaire s’efforce alors souvent de disparaître dans les méandres d’un réseau de sociétés écrans qu’il aura préalablement mises en place.

Cependant, tous les navires abandonnés ne battent pas pavillon de complaisance et ne sont pas la propriété d’armateurs sans scrupules. Des compagnies de navigation restées fidèles à leur pavillon national ne résistent pas aux conditions extrêmement concurrentielles du marché des transports maritimes. Leurs navires se trouvent immobilisés à la suite de faillites désastreuses et l’armateur peut se trouver dans l’incapacité de payer les équipages et de leur assurer un rapatriement dans de bonnes conditions. Les deux compagnies roumaines (Romline et Navrom) issues de la privatisation de la société nationale au début des années quatre-vingt-dix se sont récemment trouvées dans cette situation. Ainsi, le cargo Oscar Jupiter (Romline), immobilisé depuis le début de l’année 1998, continue de pourrir dans le port de Nantes bien qu’une solution partielle ait été trouvée pour l’équipage en juin 1999 grâce aux interventions syndicales.

En 1998, la section maritime de la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF) répertoriait quarante-trois cas supplémentaires d’abandon de navires. Les pavillons les plus fortement représentés étaient ceux de Malte (pavillon complaisant) avec neuf cas à égalité avec Singapour (pavillon national), de Panama (pavillon complaisant) avec cinq cas à égalité avec le Pakistan (pavillon national).

C - LE CONTRÔLE DES CONDITIONS DE TRAVAIL ET DEMPLOI

Dans le document AVIS sur (Page 98-101)