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Le facteur humain : l’enchaînement des négligences et des

Dans le document AVIS sur (Page 93-96)

2.1. La prise en compte du facteur humain

L’attention portée aux équipages est essentielle à la sécurité du navire.

L’importance du facteur humain dans les accidents maritimes est aujourd’hui très largement mise en évidence par les assureurs et les autorités portuaires.

Cependant, les accidents maritimes ont rarement une cause unique et le facteur humain ne saurait se résumer à l’erreur technique de l’équipage en raison d’une formation insuffisante ou d’une discipline défaillante. Des négligences et des erreurs sont souvent commises à tous les échelons de la chaîne des intervenants qui sont conduits à sacrifier, plus ou moins consciemment, les options les plus sûres à des impératifs économiques. La décision d’un armateur d’exposer l’équipage à des conditions de navigation rendues particulièrement difficiles par l’inadaptation du navire, l’impréparation des hommes et souvent leur méconnaissance du bateau sur lequel ils embarquent, faciliteront évidemment les défaillances humaines. Une erreur qui serait peut être restée sans conséquence lorsque les dispositions destinées à assurer globalement la sécurité du navire auront été prises, se révélera fatale lorsque les négligences antérieures auront accumulé les périls sur le navire et sur son équipage.

Les conditions de vie à bord en tant qu’elles rejaillissent sur l’organisation du travail, les effectifs et la durée du travail, l’état sanitaire des équipages ne sont pas non plus sans lien avec la survenance de l’erreur humaine. La fatigue, le surmenage peuvent altérer le jugement d’un individu compétent et bien formé.

Une étude réalisée en 1994 par un institut allemand (Institute of shipping economics and logistics) portant sur 330 accidents survenus entre 1987 et 1991 et concernant 481 navires de commerce a fait ressortir deux facteurs principaux : une charge de travail trop importante pour l’équipage, en particulier au port, et une formation spécialisée insuffisante. Dans le cadre du même institut, une enquête réalisée auprès de quatre cents navigants révélait que 38 % des premiers

officiers et plus d’un cinquième des commandants effectuaient plus de 160 heures supplémentaires en moyenne par mois. Elle indiquait également qu’environ un tiers des capitaines et officiers des services du pont ou des machines n’avait pas reçu de formation et que 20 % seulement en avaient bénéficié depuis moins de cinq ans.

Beaucoup d’événements de mer produits par des défaillances techniques ou structurelles ont leur origine dans le manque de maintenance des équipements, tant à terre qu’à bord. Dans la base de données que l’OMI met actuellement en place, neuf catégories de facteurs liées aux interventions humaines à tous les stades de l’organisation maritime sont identifiées. L’organisation du travail, les décisions prises et les instructions données par les compagnies, le non-respect des normes dans la conception, la fabrication et l’entretien des navires sont ainsi pris en compte au même titre que les défaillances des membres de l’équipage.

2.2. Premières actions entreprises

a) Le code international de gestion de la sécurité

L’adoption du code international de gestion de la sécurité (code ISM), par l’OMI en 1993, est le résultat d’une action entreprise de longue date pour introduire la prise en compte du facteur humain dans la réglementation de la sécurité maritime. L’aboutissement de cette nouvelle norme internationale a été accéléré par l’accident du transbordeur Herald of Free Enterprise, dans le port de Zeebruge, en 1987. L’enquête avait attribué la catastrophe à une mauvaise organisation de la compagnie maritime.

Le code ISM concerne l’organisation des compagnies de navigation et établit des procédures spécifiques afin de maîtriser la sécurité de l’exploitation des navires et la prévention des risques de pollution. Les obligations nouvelles imposées aux compagnies portent essentiellement sur la gestion des opérations à bord et à terre en relation avec la sécurité du navire et la protection de l’environnement. Certaines dispositions du code parmi les plus importantes concernent l’environnement de travail et la formation du personnel. En termes d’objectifs, il s’agit d’offrir des pratiques d’exploitation et un environnement de travail sans danger, d’établir des mesures de sécurité contre les risques identifiés, d’améliorer constamment les compétences du personnel en matière de gestion de la sécurité. Ces objectifs peuvent être atteints au moyen du système de gestion de la sécurité SMS (Safety management system).

La mise en œuvre du code ISM au niveau international est très récente puisque sa date d’entrée en vigueur a été fixée au 1er juillet 1998 pour les navires à passagers, les pétroliers, les chimiquiers, les transporteurs de gaz et les vraquiers et au 1er juillet 2002 pour les autres navires de charge. Toutefois, l’Union européenne, tirant les conséquences de la tragédie de l’Estonia, a anticipé son application au 1er juillet 1996.

Le recul n’est certainement pas suffisant pour apprécier l’efficacité de cette nouvelle réglementation internationale. Cependant, les mécanismes de contrôle restent traditionnels : l’Etat du pavillon est l’autorité compétente pour délivrer, tous les cinq ans, l’attestation de conformité à la compagnie - ce qui ne va d’ailleurs pas sans difficulté lorsque celle-ci arme des navires sous différents registres d’immatriculation - et, aux navires, le certificat de gestion de la

sécurité. Il peut, là encore, déléguer ce pouvoir à une société de classification.

Quant à l’Etat du port, il contribue à la bonne application du code ISM en exigeant, lors de ses inspections, la présentation des documents correspondants.

b) Les nouvelles normes internationales de formation des gens de mer Un comité mixte OIT/OMI formula, dès 1964, des recommandations sur l’instruction et la formation du personnel navigant, prélude à l’adoption de normes obligatoires. La norme STCW (Standards of training certification and watching) fut adoptée par l’OMI en 1978, au cours d’une conférence convoquée en association avec l’OIT. Cette convention, entrée en vigueur en 1984, ratifiée par cent douze Etats représentant l’essentiel de la flotte mondiale, a cependant été sévèrement critiquée en raison de l’absence de mécanismes d’application et de vérification.

Une révision du texte fut donc entreprise et a abouti en 1995. La convention révisée dote l’OMI d’un mécanisme de vérification de conformité et autorise l’Etat du port à intervenir en cas de carence présentant un danger pour les personnes, les biens ou l’environnement. Elle introduit aussi des dispositions sur l’aptitude au service et à l’organisation de la veille pour prévenir la fatigue.

Elle fait explicitement référence au code ISM à propos de l’obligation des compagnies en ce qui concerne les effectifs et la familiarisation de l’équipage avec les tâches et les caractéristiques des navires.

Ce renforcement des normes n’est pas aujourd’hui sans poser de sérieuses difficultés à ceux des pays en voie de développement qui fournissent traditionnellement une main d’œuvre bon marché et peu qualifiée. C’est pourquoi l’OMI a prévu un régime transitoire jusqu’au 1er février 2002 et offre une assistance technique aux pays les plus démunis en s’appuyant, notamment, sur l’Université maritime mondiale.

c) Les directives communautaires sur la formation des gens de mer Soucieuse d’assurer l’effectivité des dispositions de la convention STCW, l’Union européenne a adopté trois directives. Les deux premières (n° 89/48 du 21 décembre 1988 et n° 92/51 du 18 juin 1992) établissent un système général de reconnaissance des diplômes et des certificats entre les Etats membres. La dernière directive (n° 94/58 du 22 novembre 1994) fixe des normes minimales de formation pour les différentes professions maritimes et demande aux Etats membres de s’assurer que le niveau de qualification des équipages composés de ressortissants non-communautaires travaillant à bord de navires communautaires répondent aux exigences internationales en matière de formation. Enfin, elle prévoit des contrôles prioritaires par l’Etat du port des navires battant pavillon non-communautaire, armés avec des équipages de pays tiers n’ayant pas conclu d’accord avec l’UE.

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Ces initiatives internationales récentes, dont l’originalité principale tient au fait qu’elles se placent à la charnière des dispositions sociales et des techniques de prévention des accidents maritimes, partagent la même faiblesse que l’ensemble des conventions émanant de l’OMI ou de l’OIT, au regard du

contrôle et de l’application effective de leurs dispositions. Toutefois, leur reprise et leur adaptation dans l’ordre juridique de l’Union européenne (directives), alliées à la volonté d’exercer des prérogatives souveraines vis-à-vis de tous les navires entrant dans les ports communautaires, pourraient constituer une garantie réelle.

B - L’INAPPLICATION ET LE CONTOURNEMENT DES RÉGLES SOCIALES COMME AVANTAGE CONCURRENTIEL

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