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L’indemnisation des dommages économiques

Dans le document AVIS sur (Page 30-34)

2.1. La responsabilité civile des armateurs

En 1969, à la suite de la catastrophe du Torrey Canyon, l’OMI adoptait une convention internationale sur la responsabilité civile (Convention CLC, entrée en vigueur en 1975) pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.

Imputant la responsabilité au propriétaire du navire, elle prévoit que ce dernier doit souscrire une assurance ou une autre garantie financière d’un montant équivalent.

Concernant les dommages du navire lui-même, il est de tradition pour les armateurs de s’adresser à des sociétés d’assurance à prime fixe et de recourir pour les dommages causés aux tiers (responsabilité civile) à des mutuelles d’armateurs, les clubs « protection and indemnity » ou clubs P & I qui sont des associations mutuelles d’assurances d’armateurs, sans but lucratif.

Ces P & I clubs assurent aujourd’hui 89 % du tonnage mondial et 100 % du tonnage européen.

Les P & I clubs regroupés en pools souscrivent des traités de réassurance auprès des syndicats de Lloyds. Le propriétaire d’un navire peut de ce fait accéder à une garantie d’un milliard de dollars US (montant requis par l’Oil pollution act).

2.2. La reconnaissance implicite du principe du pollueur-payeur : le FIPOL

Le plafond des indemnités fixées par la CLC étant jugé trop bas, en 1971 était créé le Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL). Ce fonds, alimenté par les contributions des importateurs d’hydrocarbures, reconnaît le principe du pollueur-payeur en engageant de fait la responsabilité financière du chargeur.

Tirant la conclusion que les Etats-Unis venant d’adopter l’Oil pollution act ne le ratifieraient pas, les Etats signataires ont décidé de relever son montant dans le cadre d’un protocole signé en 1992. Le nouveau protocole laisse subsister les dispositions de la convention de 1969 et du fonds de 1971 dans l’attente de l’adhésion de certains Etats membres.

Les indemnités concernant les atteintes à l’environnement restent limitées au coût des mesures de remise en état que le FIPOL qualifie de « raisonnables » et des dispositions de sauvegarde prises pour empêcher ou limiter une pollution.

La responsabilité du propriétaire du navire est illimitée en cas de pollution volontaire. Enfin, les Etats membres ayant ratifié ce protocole sont habilités à délivrer des certificats d’assurance aux navires immatriculés dans des Etats qui ne sont pas parties du protocole.

Le FIPOL permet donc d’indemniser tout Etat, ou toute personne ayant subi un dommage par pollution qui excéderait l’indemnisation versée par le propriétaire du navire au titre de sa responsabilité civile. Dans le cas de l’Erika, la contribution du fonds ajoutée à celle de l’assurance s’élève à environ 1,2 milliard de francs, montant qui risque de s’avérer insuffisant en raison de l’étendue des dégâts occasionnés par la catastrophe. Pour certains, la création de

ce fonds reviendrait à déresponsabiliser les propriétaires de navires et les affréteurs en leur permettant ainsi de s’acquitter d’un droit à polluer qui s’apparenterait à l’achat de permis négociables. Pour d’autres, c’est au contraire le début d’une nécessaire mutualisation des fonds versés par les compagnies pétrolières qui reconnaissent aussi leur responsabilité « produit ». Elles acceptent d’indemniser les dommages qu’elles peuvent causer en cas d’accidents, le coût de leur réparation étant en tout état de cause beaucoup trop élevé pour une seule compagnie.

En outre, il convient de rappeler le mode actuel d’intervention du FIPOL qui fonde ses indemnisations sur des dépenses constatées, justifiées et

« raisonnables » d’actions évaluées monétairement. Toutes choses difficiles à quantifier dès lors qu’il s’agit d’atteintes à l’environnement.

2.3. Le fonds POLMAR

Géré par le ministère de l’Environnement, ce fonds doté de 260 MF et abondé à hauteur de 300 MF par le récent CIADT permet d’engager dans l’urgence les moyens nécessaires à la prévention et la lutte contre la pollution.

Ces crédits sont répartis en fonction des besoins entre les cellules financières mises en place par les préfets en liaison avec les trésoriers payeurs généraux.

2.4. Les indemnisations spécifiques aux professionnels de la mer

Les dommages subis par les professionnels de la pêche et des cultures marines sont éligibles à l’indemnisation du FIPOL, que ce soit les dommages aux biens (nettoyage des bateaux et des engins de pêche ou leur remplacement), le coût des mesures prises pour protéger les exploitations, y compris les marais salants, contre l’arrivée de nappes de fioul, les pertes directes de produits retirés du marché, parce que visiblement pollués.

Le préjudice économique résultant d’une chute des ventes, beaucoup plus important, entre également dans le cadre de l’indemnisation FIPOL.

Devraient également être prises en charge les mesures qui ont dû être engagées du fait de la marée noire : accroissement du nombre de contrôles des zones de production et des produits susceptibles d’être pollués, analyses destinées à fixer les « valeurs guides » pour la mise sur le marché des produits de la mer et à la surveillance qualitative des produits.

En attendant qu’intervienne le FIPOL, diverses mesures ont été prises. Des cellules d’indemnisation, présidées par le préfet, ont été mises en place.

L’OFIMER est l’organisme payeur.

Les aides de l’Etat s’inscrivent dans le cadre du plan gouvernemental d’urgence du 12 janvier 2000, pour venir en aide aux victimes des tempêtes et du naufrage de l’Erika, doté de 300 millions de francs de crédits, auxquels s’ajoutent 150 MF destinés à venir en aide aux entreprises subissant un préjudice économique du fait de la dégradation générale du marché des coquillages.

Il est à noter que le régime des calamités agricoles s’applique aux seuls conchyliculteurs victimes de catastrophes naturelles (tempête).

L’ensemble de ces mesures, qui répondent à une situation d’urgence, ne satisfont pas totalement les professionnels qui souhaitent, par ailleurs, qu’elles se concrétisent rapidement.

Des aides des régions sont prévues. Ainsi, les conseils régionaux des Pays de la Loire et de Bretagne ont, par l’intermédiaire de fonds de garantie, permis aux établissements bancaires de répondre aux difficultés de trésorerie des entreprises en attendant leur indemnisation par le FIPOL, les intérêts étant facturés à ce dernier.

Ces deux régions apportent une aide aux entreprises pour la constitution de dossiers d’indemnisation.

D - UNE GRANDE OUBLIÉE : LA RÉPARATION ÉCOLOGIQUE

Pour l’heure, même si le FIPOL met en place les outils pour amorcer une réparation des dégâts causés à l’environnement, celle-ci n’est ni confirmée par des textes, ni totale.

Le livre blanc adopté par la Commission européenne le 9 février sur la responsabilité environnementale est une première amorce qu’il conviendra de pousser plus avant afin que les atteintes à l’environnement ne soient pas limitées aux zones classées Natura 2000. Certes, la Bretagne et les Pays de la Loire en comptent respectivement douze et huit, concernant essentiellement des marais, estuaires, îles et espaces dunaires. Mais les nombreux autres sites protégés - parcs nationaux, réserves naturelles, sites classés ou inscrits, zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), Conservatoire de l’espace littoral - doivent bénéficier des mêmes droits à réparation. En fait, c’est tout notre littoral qui doit pouvoir entrer dans le champ d’indemnisation.

L’absence d’inventaire systématique et permanent de ces zones ne permet pas une évaluation chiffrée des pertes.

Enfin, les délais prévus pour prétendre à une réparation écologique des dommages sont trop limités : pour certaines espèces, plantes ou oiseaux, il faut attendre cinq à six ans (dix ans préconisent d’autres experts) pour permettre une évaluation de leur reconstitution. Le principe de précaution devrait pouvoir répondre à cette particularité.

En tout état de cause, on ne peut que constater une distorsion entre temps juridique et temps écologique.

II - LES PROPOSITIONS

Si l’action de l’Etat en mer est coordonnée par le Secrétaire général à la mer, ni les moyens, ni les missions qui lui sont confiés ne peuvent traduire une volonté de doter notre pays d’une politique de la mer. Il faut rappeler qu’en dépit de ses 5 000 km de côtes, la France, résolument terrienne, n’affiche pas d’ambition maritime comme certains de ses voisins qui occupent dans ce domaine une place prépondérante sur la scène internationale. Ce n’est pas par hasard que le siège de l’OMI, celui du FIPOL et des nombreuses Lloyds se trouvent à Londres.

A l’image de sa voisine l’Angleterre, la France a eu aussi une politique maritime certaine qui peut encore se vérifier par une présence dans le Pacifique, les Caraïbes et l’Océan indien. Ses armateurs et ses capitaines ont développé avec succès « la marchande » jusqu’à un passé récent sur toutes les mers.

- Pour un ministère de la mer

Seul un ministre de la mer ayant en charge la totalité des activités qui s’y rapportent : pêche, cabotage, construction navale, sécurité maritime, protection du littoral et du milieu marin, … serait en capacité de rééquilibrer l’économie du secteur, d’assurer un aménagement du territoire et redonner à notre pays une vocation maritime. Il aurait notamment pour tâche d’engager une véritable politique de sensibilisation de la population à l’importance du secteur et à son intérêt pour l’économie du pays. Ce ministère devrait être doté des moyens humains et financiers lui permettant d’assurer sa mission.

Sans cette autorité forte, on est en droit de douter de l’efficacité, au moment où une grande partie des décisions se prend à Bruxelles, d’une représentation dispersée de la France pour défendre ses intérêts et sa sécurité, compte tenu notamment de sa situation géographique. Située en bordure d’un détroit qui compte parmi les plus fréquentés du monde, elle est aussi riveraine de la Méditerranée, mer particulièrement vulnérable.

Le programme adopté par le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT), arrêté le 28 février à Nantes, retient des mesures intéressantes concernant notamment la réparation des dommages causés à certains secteurs professionnels et à l’environnement. Il prévoit également la réorganisation de l’expertise et de la recherche. Toutefois, le Conseil économique et social déplore l’absence de dispositions faisant avancer le principe du pollueur-payeur et de la responsabilité environnementale. Pourtant, l’émotion soulevée par le naufrage de l’Erika et la mobilisation citoyenne qui l’accompagne encore trois mois après l’accident, semblent indiquer que les atteintes portées à l’environnement ne sont plus acceptées par la population. Les propositions que formule le Conseil économique et social prendront en compte cette nouvelle exigence qui se double par ailleurs d’une exigence en matière de transparence dans la communication et la prise de décisions sur ces questions.

L’effort financier du gouvernement pour éteindre les préjudices les plus criants et les plus urgents consécutifs à la pollution de l’Erika représente un progrès notable. Pour autant, quelles que soient les sommes débloquées, elles ne règlent pas la question fondamentale : la responsabilité du pollueur doit être engagée de façon que la réparation des préjudices, et notamment la restauration du milieu naturel agressé, n’échoit pas au contribuable.

Le Conseil économique et social propose au-delà des mesures annoncées visant à renforcer les contraintes techniques de fabrication, ou juridiques de conditions de circulation de se montrer audacieux en progressant sur la voie de la protection de l’environnement sans méconnaître les nécessités économiques, les problèmes de concurrence et la sauvegarde de l’emploi. Les Etats-Unis ont osé dans ce domaine mettre en place un dispositif sévère. Il ne s’agit pas d’imiter mais de s’engouffrer dans une brèche ouverte qui va dans le sens voulu par les citoyens.

A - FONDER LA RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET DÉVELOPPER LA PRÉVENTION

Il convient avant tout de définir et de mettre en place une responsabilité environnementale fondée sur les principes du pollueur-payeur, de précaution et de prévention. La responsabilité environnementale implique une responsabilité sans faute, du seul fait de la dangerosité des produits polluants répertoriés comme tels. Dans le cas de l’Erika, cette exigence est manifeste pour TotalFina comme elle le serait pour tout autre affréteur.

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