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2.4 Modélisation spatiale de la biodiversité végétale

2.4.2 Représentation et prédiction de la biodiversité végétale

2.4.2.2 Les approches de modélisation développées

Les approches de modélisation de ces objets reposent sur les deux théories présentées précédemment. Deux grands types de modèles nous permettent d’étudier l’évolution de la biodiversité des communautés végétales : les modèles déterministes et les modèles mécanistes (Temperton et Hobbs 2004). Il est important de noter que, malgré l’émergence de la modélisation dynamique, les modèles de prédiction de la distribution de la végétation sont encore principalement empiriques (Guisan et Zimmermann 2000, Thuiller et al. 2008, Zimmermann et al. 2010).

2.4.2.2.1 Les modèles déterministes

Les modèles déterministes ou « modèles d’habitats » (Kearney 2006) permettent d’établir une liaison statistique entre la distribution géographique des espèces ou des communautés et la nature physique (abiotique et biotique) de leur environnement (caractérisée par des « descripteurs »), sans modéliser directement les processus se déroulant nécessairement entre ces descripteurs et les espèces ou communautés (dispersion, adaptation, migration, mutualisme, compétition). Ces processus n’influencent pas les schémas de distribution (Huntley et al. 1995).

Le principe général de ces modèles est schématisé dans la Figure 2-4. Il s’agit de décrire la biodiversité présente sur les sites étudiés en représentant de façon schématique ces sites sous la forme de grilles virtuelles où chaque cellule de chaque grille représente une portion de la surface étudiée. L’objectif est alors de décrire quelle biodiversité est observée dans chaque cellule de la grille, sur l’ensemble de la zone d’étude. Le modèle repose sur l’utilisation de deux types d’entrées : les données biologiques définies ponctuellement dans l’espace (en rose dans la Figure 2-4) et les données environnementales définies de façon quasi continue sur le site d’étude (en bleu sur la Figure 2-4) (Ferrier et Guisan 2006). L’inventaire exhaustif de la flore présente dans chaque cellule étant irréalisable, cet outil suppose qu’il est possible d’utiliser un autre ensemble de variables dont on connaît les valeurs en chaque point des sites d’étude. Ces paramètres sont appelés « prédicteurs environnementaux ». Ces données environnementales permettent de définir dans chaque cellule les conditions physico-chimiques rencontrées par les plantes et doivent être mesurées sur le terrain (analyses physico-chimiques du sol, conditions climatiques…). Une première étape de travail consiste donc à (i) définir la biodiversité ponctuellement au sein des sites d’étude (cellules roses), (ii) à déterminer les valeurs des prédicteurs environnementaux clefs dans toutes les cellules de chaque grille (cellules bleues), et (iii) de croiser les informations pour définir quelles sont les valeurs des filtres environnementaux qui sont attribuées à chaque espèce. L’outil de modélisation statistique (paragraphe 3.1.3.3) permet de prédire, suivant les valeurs des prédicteurs environnementaux, la distribution de la biodiversité dans les cellules n’ayant pas fait l’objet d’inventaires floristiques.

Les modèles définissent ainsi une carte de distribution par sortie (Figure 2-4) rendant compte de sa distribution la plus probable suivant les conditions environnementales définies au préalable (Austin 2002). De nombreuses sorties peuvent être obtenues selon les objectifs de l’étude : la biodiversité peut être décrite qualitativement à partir des probabilités de présence d’espèces cibles, de communautés végétales (définies comme des groupes de cellules ayant une composition spécifique similaire) ou encore grâce à la définition de leurs traits fonctionnels. La prévision quantitative de la biodiversité est prévue grâce à l’étude spatialisée des indices de richesse spécifique ou encore de Shannon. Ces modèles sont statiques, descriptifs, et se rapportent à un espace-temps donné. Ils ne permettent pas de tenir compte de la stochasticité environnementale, c'est-à-dire de prendre en compte les résultats dus à des événements environnementaux survenant au hasard.

Figure 2-4: Principe général de la modélisation de la biodiversité basée sur la théorie de la niche écologique (adapté de Ferrier et Guisan 2006)

2.4.2.2.2 Les modèles mécanistes

Les modèles mécanistes de la diversité biologique n’intègrent pas le déterminisme environnemental de la distribution des espèces et des communautés. Ils sont fondés sur des processus caractérisant les dynamiques de populations et les interactions interspécifiques (dispersion, mort et naissance, compétition, prédation et mutualisme). Ils utilisent les liens entre la croissance, le pouvoir reproducteur des espèces et les données biologiques ou environnementales (Kearney 2006), et définissent l’évolution spatiale et temporelle du pouvoir reproducteur (ou fitness). Ce sont, par exemple, les modèles d’analyse de la viabilité de population basée sur la dynamique de populations végétales (Jeltsch et al. 2008), les modèles phénologiques (Chuine et al. 2000), les modèles de métacommunautés (Mouquet et al. 2006), d’assemblage de communautés fondé sur les traits d’histoire de vie (Keddy 1992), et enfin, les modèles neutres (Zillio et Condit 2007) présentés précédemment (paragraphe 2.4.1.2).

Le développement de l’approche mécaniste est croissant, mais son utilisation demeure limitée comparée à celle de l’utilisation des modèles déterministes. L’approche mécaniste de la neutralité

développement (Rosindell et al. 2011). Des propositions de méthodes pour paramétrer ces modèles à partir de données de terrain sont nécessaires (Beeravolu et al. 2009). Une typologie multicritère des principaux modèles neutres est présentée par Beeravolu et al. (2009). Ces modèles contrastent les uns des autres par les choix techniques de modélisation du processus stochastique de dispersion des espèces au sein de la zone d’étude (« ecological drift »), du processus de spéciation (taux d’introduction de nouvelles espèces dans le système), de migration et de représentation de l’espace de modélisé (ces modèles ne sont pas spatialement explicites). Le modèle de neutralité explique avec succès la diversité de certains systèmes étudiés, présentant des espèces rares par exemple (Volkov et al. 2003). Des résultats satisfaisants ont été obtenus à l’issue d’analyses fondées sur des trade-offs, incluant les processus de colonisation et de compétition (Chave 2004).

2.4.2.2.3 Les améliorations de ces deux approches : vers une approche semi- mécaniste

Les améliorations à apporter à la modélisation déterministe font l’objet de nombreuses propositions (Araujo et Guisan 2006, Guisan et al. 2006, Austin 2007, Zimmermann et al. 2010). Chave (2004), Morin et Thuiller (2009) relèvent notamment la complémentarité des approches mécaniste et déterministe pour la prédiction spatio-temporelle de la biodiversité végétale. En conséquence, des modèles dits hybrides ou semi-mécanistes ont été développés afin de réaliser un compromis entre la précision et la simplicité des modèles déterministes et le réalisme et la complexité des modèles mécanistes. Des travaux récents ont réalisé la combinaison entre modèles déterministes spécifiques et modèles de la dispersion (Engler et Guisan 2009), modèles de fonctionnement des métapopulations (Lischke et al. 2006, Keith et al. 2008), ou modèles métaboliques (Friend et al. 1997), et prédit les changements de la distribution de l’abondance spécifique. Cette approche semi- mécaniste est aussi développée à l’échelle des communautés végétales (Shipley et al. 2006, Dewar et Porte 2008, Mokany et Ferrier 2011).

L’intégration des interactions biotiques dans les modèles de niche permet l’amélioration des prédictions de distribution de la biodiversité (Boulangeat et al. 2012). En revanche, les contraintes de l’approche semi-mécaniste sont, d’une part, un plus grand nombre de données nécessaires pour caractériser la localisation, la physiologie, la dynamique des organismes étudiés, et d’autre part, une connaissance plus détaillée des processus écologiques en jeu par rapport à celles nécessaires pour la modélisation déterminisme ou la modélisation mécaniste (Thuiller et al. 2008). Ces points sont généralement indisponibles pour un grand nombre d’espèces et de régions. Cependant, si ces renseignements sont disponibles, cette approche permet de définir et sélectionner les paramètres importants impliqués dans les processus dynamiques, pouvant être utilisés pour de multiples organismes.