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2.2 Les impacts des routes sur les conditions abiotiques

2.2.1 L’apparition d’un microclimat spécifique participe à la formation de l’effet «

La transformation des conditions abiotiques, appelée « effet lisière », détermine en partie la zone d’impact de la route, définie comme la zone où s’exercent un ou plusieurs impacts directs liés à l’aménagement (McDonald et Urban 2006). L’intensité de ces effets y est variable dans l’espace et dans le temps (Coffin 2007). La forme de cette zone est fortement dépendante des types de processus écologiques impactés, de l’intensité des impacts, de la sensibilité de la végétation aux perturbations, du type de routes (Delgado et al. 2007) et de l’intensité de son exploitation.

Une question se pose. Les effets de lisières liés aux routes sont-ils problématiques et spécifiques ? En effet, les lisières naturelles assurent, par la création de schémas paysagers diversifiés, une hétérogénéité environnementale et des interactions entre organismes diversifiées (Coffin 2007). Les effets de lisières des routes se distinguent fortement de ceux des lisières naturelles en raison de la persistance de l'infrastructure dans le paysage, de leur caractère plus abrupte et de l’existence de manifestations propres à ces infrastructures : parmi ceux-ci, les modifications des conditions physiques et chimiques du biotope et du compartiment aérien ont une place importante et font l’objet du paragraphe suivant.

2.2.2 Modifications physiques du sol et du compartiment aérien. 2.2.2.1 Modification de la circulation de l’air

La modification de la circulation de l’air suite à la construction d’infrastructures routières et ses conséquences sur les habitats semi-naturels et naturels demeurent globalement peu étudiées à ce jour, bien que quelques auteurs s’y soient intéressés dans les milieux forestiers tropicaux (Goosem 2007). Des gradients mineurs de vitesse du vent des autoroutes vers les lisières sous des conditions climatiques normales ont été observés mais avec des dommages principaux localisés au niveau des lignes de crêtes des massifs forestiers et non au niveau des lisières. Cependant, sous certaines conditions climatiques spécifiques (cyclones), des dommages sur la végétation seraient observés jusqu'à 100 m de distance à la route contre 25 m en condition normale.

2.2.2.2 Modification des conditions d’éclairement et hausse de la température de l’air et du sol

La suppression du couvert végétal originel est à l’origine d’augmentations significatives de la température de l’air, de la température du sol et de la luminosité avec la diminution de la distance à la route. Ces impacts sont observés en milieu forestier (Honnay et al. 2002, Delgado et al. 2007, Avon et al. 2010), prairial (Honnay et al. 2002) et montagnard, malgré la difficulté de construire des schémas génériques de variation spatiale de ces paramètres, lorsque les conditions environnementales et expérimentales diffèrent (méthodes, écosystèmes, périodes d’étude, âges et expositions lumineuses des lisières) (Honnay et al. 2002). L’intensité et la distance d’impact des gradients thermique et lumineux dépendent de la nature du couvert végétal, de sa composition spécifique, de sa densité, du type de peuplement et de l’architecture de la canopée (en milieux forestiers) et de la présence ou non d’un revêtement routier : les gradients lumineux et thermiques sont plus intenses et moins étendus en milieu forestier qu’en milieu prairial (Hansen et Clevenger 2005, Delgado et al. 2007). En milieux forestiers, les gradients du rayonnement global et de température de l’air peuvent s’étendre sur 3 m à 6 m de distance à la route pour Delgado et al. (2007), entre 2 et 20 m de distance à la route et jusqu’à une vingtaine de mètres en forêts décidues pour Honnay et al. (2002). L’exposition solaire de la lisière est un facteur influençant la distance d’impact du gradient lumineux, qui peut s’étendre significativement jusqu’à une centaine de mètres de la route (Dignan et Bren 2003).

2.2.2.3 Modification de la structure des sols et de la ressource en eau

2.2.2.3.1 La structure des sols

Une forte dégradation de la qualité des sols et un changement de leur texture sont observés à proximité des routes (Olander et al. 1998, Cui et al. 2009). Ils se manifestent par une augmentation de la fraction en éléments grossiers (Cilliers et Bredenkamp 2000, Müllerova et al. 2011) et en particules sableuses (Johnston et Johnston 2004), par une augmentation significative de la compaction du sol jusqu’à 4 m de distance à l’infrastructure (Appelboom et al. 2002, Delgado et al. 2007) lorsqu’elle est produite par les engins pendant la phase chantier, jusqu’à 10 m de distance à la route (Appelboom et al. 2002) lorsqu’elle est produite par sédimentation des matériaux utilisés pour la construction des voies. La production de sédiments aux abords des routes (par dégradation

des horizons de surface lié directement au trafic routier ou aux les précipitations (Kahklen 2001) est responsable d’une perte directe de sol évaluée par certains travaux à 0,5% du territoire (en Australie) (Goosem 2007) et conduit donc à une estimation plus importante de la superficie réellement altérée. Les 90 % d’érosion observés aux abords des routes sont générés par la construction et la maintenance des routes et l’intensité de ce processus dépend des matériaux de revêtement des voies de circulation, des méthodes de construction, de l’âge de l’infrastructure, du régime de précipitations (Fernandez-Illescas et Rodriguez-Iturbe 2004), de l’intensité du trafic, des caractéristiques des véhicules, et de la topographie du milieu traversé (Bochet et Garcia-Fayos 2004, Zhao et al. 2007) : les pentes trop fortes (> à 45°) générant une érosion marquée empêchent l’établissement d’un couvert végétal divers en milieu semi-aride. La modification ionique de la composition des bords de route (enrichissement en ions sodium Na+ et appauvrissement en sels solubles) déstabilise fortement la structure des sols à texture fine car elle favorise la dispersion des minéraux argileux (Bryson et Baker 2002).

2.2.2.3.2 La ressource en eau

La détérioration de la structure des sols est intimement liée à la modification de la ressource en eau, qui représente une modification abiotique majeure produite pendant la construction et pendant la phase d’exploitation des routes (Jones et al. 2000). Les impacts des routes sur l’eau se manifestent par des modifications spatiales et temporelles des écoulements de surface et de subsurface en lien avec les quatre rôles majeurs remplis par la route et ses annexes dans le paysage (Jones et al. 2000, Wemple et Jones 2003) : le rôle d’obstacle à l’écoulement, la fonction de voie de circulation des eaux, le rôle de source d’eau, le rôle de stockage des eaux (Forman et al. 2003) (Figure 2-1).

La conséquence majeure de la construction de routes, de points de stockage et de systèmes d’évacuation des eaux de pluie est la rupture de la connectivité hydrologique entre les différents milieux (Forman et al. 2003). Elle affecte la connectivité longitudinale (entre l’amont et l’aval des cours d’eau) (Harper et Quigley 2005), la connectivité latérale (entre le cours d’eau, les plaines inondables et les pentes adjacentes) (Ward et Stanford 1995) et la connectivité verticale (entre les eaux de surface et les nappes souterraines). L’eau, ne pouvant plus circuler dans sa voie d’écoulement naturel, est orientée vers de nouveaux axes. En surface, les perturbations spatiales se manifestent par un changement des caractéristiques des voies d’écoulement, telles que le creusement de lits et de ravines au niveau de nouvelles voies d’écoulement, l’érosion des berges des lits existants (élargissement) et enfin l’extension du réseau de drainage selon deux schémas différents : l’allongement des voies déjà existantes et la densification du réseau hydrologique (Wemple et Jones 2003).Les eaux recueillies dans les fossés et déversées dans les cours d’eau peuvent également participer à ces impacts (Forman et al. 2003). De ce fait, on assiste à la création de nouvelles voies d’échanges entre des habitats auparavant déconnectés ou faiblement connectés, mais aussi à la déviation des flux d’un bassin vers un autre bassin se trouvant en aval et à une augmentation de la décharge subie par le bassin récepteur (Forman et al. 2003). Des conditions hydromorphes ponctuelles apparaissent dans les structures de drainage et des

Müllerova et al. 2011, Lee et al. 2012). En milieu semi-aride, la disponibilité de la ressource en eau est observée sur une durée limitée au niveau des dépendances vertes, expliquant les différences de succès d’installation de la végétation observée et de la germination, suivant les différentes configurations de pentes (Bochet et Garcia-Fayos 2004, Bochet et al. 2007). La capacité de rétention en eau est plus élevée dans les remblais que dans les déblais (Bochet et Garcia-Fayos 2004). En profondeur, les voies d’approvisionnement souterrain sont également interceptées et converties en flux de surface (MacDonald et al. 2001) (Figure 2-1b) participant ainsi à la diminution de l’infiltration globalement enregistrées aux abords des routes. La connectivité verticale est interrompue en raison de la réduction ou de l’absence totale d’infiltration de l’eau dans les sols suite au tassement et à la présence d’un revêtement imperméable. La compaction des sols en surface participe à la production d’un fort contraste de perméabilité des sols proches de la surface générant un détournement des écoulements de subsurface (Figure 2-1b), une augmentation de la pression intra pores et une diminution de la stabilité des pentes au voisinage des routes (Dutton et al. 2005). Ces effets ont principalement été étudiés pour les routes forestières (Luce 2002). Le ruissellement induit augmente la perte de sol et participe à la détérioration de ses propriétés physiques par réduction de la teneur en carbone organique total et du pourcentage d'agrégats stables qu’il produit (Anderson 1983, Jones et al. 2000, Sheridan et Noske 2007). Plusieurs paramètres sont impliqués dans la génération de ces ruissellements : la pente, la rugosité, la profondeur de sol, la perméabilité des surfaces (Forman et al. 2003), le type de sol, sa porosité, la texture des horizons (Musy et Soutter 1991, Appelboom et al. 2002).

Les débits d’eau ruisselée sont plus élevés, et ont pour conséquences (i) une montée des eaux dans les cours d’eau, (ii) l’augmentation de la fréquence des pics de ruissellement (Jones et Grant 1996, Wemple et al. 1996) (iii) l’accélération potentielle des flux dans le réseau complet de drainage (Wemple et al. 1996). L’ensemble de ces perturbations sont favorables à la survenue plus fréquente d’événements d’inondation.

Figure 2-1 : Perturbation de la connectivité hydrologique générée par une route (adaptée de Forman et al. 2003). Rectangles gris = routes. (a) écoulements naturels des flux d’eau en absence de routes ; (b) écoulements des flux d’eau en présence de routes.

La rupture de la connectivité hydrologique peut être générée par la route elle-même en l’absence d’aménagements connexes, ou par les infrastructures aménagées conjointement à la route, telles que les fossés de récupération des eaux. Il a été montré que les ruptures de connectivité latérale et longitudinale peuvent impacter jusqu’à 70% des plaines alluviales (Snyder et al. 2002). Ces impacts sur le fonctionnement hydrologique sont souvent qualitativement et quantitativement variables selon le type d’écosystème traversé. Les milieux forestiers tropicaux figurent parmi les écosystèmes les plus vulnérables (Laurance et al. 2009). Les conséquences sur l’hydrologie et sur la structure des sols y sont particulièrement fortes en raison de la forte pluviométrie alimentant ces milieux naturels : la présence de routes y génère de forts ruissellements avec des effets d’autant plus marqués que la ressource en eau est localement très perturbée (Wemple et al. 1996).

La connaissance des impacts sur l’hydrologie et plus spécifiquement sur la circulation des eaux de surface et des eaux peu profondes (de subsurface) découle notamment de travaux de modélisation mécaniste réalisés à l’échelle de bassins versants et de massifs forestiers et sur le long terme et dont une synthèse est présentée par Dutton et al. (2005) et Luce et Wemple (2001). Sont

Interception des flux de subsurface 5- Eaux souterraines 4- Affleurement de nappe 1- Infiltration Précipitations 2- Ruissellement 3- Flux de subsurface Cours d’eau Nappe Cours d’eau Nappe Interception des flux de ruissellement Perturbation des affleurements de nappe Production de ruissellement a) b)

également abordées la modélisation de la stabilité des pentes et celle de l’érosion, effets associés à la perturbation du fonctionnement hydrologique.

2.2.3 Modifications des propriétés chimiques du sol et du compartiment aérien