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Ce chapitre a mis en évidence que les routes génèrent des impacts directs et indirects sur les processus écologiques. Ces perturbations touchent, en premier lieu, les propriétés physiques du sol et de l’air (élévation de la température de l’air et du sol aux abords des routes, augmentation de la luminosité, perturbation de la circulation de l’air, altération de la structure du sol liée à l’augmentation de la fraction en éléments grossiers, modification profonde du fonctionnement hydrologique et de la distribution de la ressource en eau) mais aussi les propriétés chimiques (augmentation du pH et saturation du sol en cations basiques issus des matériaux de construction, lixiviation des autres cations, diminution de la teneur en matière organique, enrichissement en éléments azotés lié à l’élévation de la charge en polluants). L’intensité de ces altérations est spatialement variable (elle décroit avec l’augmentation de la distance à la route), dépendante de la complexité des infrastructures de transport (intensité du trafic routier, présence d’un revêtement sur la voie, présence d’infrastructures connexes, linéarité du tracé) et du type d’habitats semi-naturels traversés. Sa variation est aussi temporelle (l’intensité des impacts liés au trafic routier est dépendante de l’intensité du trafic lui-même). Le microclimat ainsi aménagé définit pour partie la zone d’impact de l’infrastructure sur les territoires adjacents et sur le paysage. La zone d’impact de l’infrastructure routière est également définie par les dégradations portées sur le compartiment biotique, et plus particulièrement sur les espèces végétales, dont la dépendance vis-à-vis des conditions abiotiques est importante. La diversité quantitative spécifique est relativement élevée lorsque les bords de routes constituent des zones de refuge dans les milieux subissant une forte pression anthropique. Cependant, un déclin de la diversité spécifique peut aussi être observé. Les cortèges supportent des conditions abiotiques contraignantes : ils sont composés d’espèces thermophiles, héliophiles, halophiles, se développant sur des sols fortement remaniés, en conditions xériques et dans un environnement pollués, rudérales. Des zonations de l’organisation des espèces en communautés sont généralement observées longitudinalement et latéralement aux linéaires routiers : elles révèlent respectivement l’influence de l’environnement proche sur la composition des communautés végétales et la diminution des contraintes exercées par la route avec l’augmentation de la distance à l’infrastructure. La description des impacts à grande échelle montre une transformation structurale profonde des matrices paysagères, marquées par des modifications de formes, de tailles, de densité des patchs paysagers. Les taux de conversion des couverts sont d’autant plus élevés qu’ils sont proches d’infrastructures routières, et favorisent l’anthropisation des territoires. La rupture de connectivité entre les patchs est la manifestation fonctionnelle des transformations subies par la matrice paysagère.

Dans un contexte d’évolution de la réglementation nationale, l’évaluation environnementale des projets d’infrastructures et des infrastructures existantes intègre désormais l’évaluation de leurs impacts sur la biodiversité (chapitre 1), avec pour objectif de prédire, éviter, diminuer et compenser ces impacts. Cependant, en l’absence d’outils appropriés, les échecs de la prise en compte de la biodiversité végétale dans les évaluations environnementales sont nombreux (chapitre 1). Le

une réelle opportunité de palier ces échecs. La synthèse bibliographique a mis en évidence l’existence de méthodes de modélisation variées : les plus utilisées sont déterministes et utilisent les paramètres environnementaux (climatiques, pédologiques, hydrologiques) comme prédicteurs principaux de la distribution spatiale de la diversité végétale. Cependant, le rôle joué par les processus dynamiques (ex : dispersion) dans l’évolution temporelle des populations n’est pas pris en compte par cette approche. En revanche, ces derniers sont utilisés par les modèles mécanistes, au détriment des paramètres environnementaux. L’utilisation conjointe des paramètres environnementaux et des processus dynamiques pour la modélisation des schémas de biodiversité végétale connaît un développement croissant, principalement à large échelle, grâce aux travaux d’élaboration de modèles semi-mécanistes. Mais leur utilisation n’est pas encore généralisée et les fondements théoriques sont encore en développement. L’effort le plus important a été porté sur la modélisation de la distribution spécifique. Des propositions théoriques pour la modélisation de la distribution des communautés végétales ont été présentées. Son application à l’étude de cas expérimentaux commence à être testée.

Si les impacts des routes sur le biotope ont parfois fait l’objet d’études par une approche de modélisation (notamment le fonctionnement hydrologique), leur intégration à l’étude des impacts sur la biodiversité végétale et l’étude de ceux-ci est, d’après nos connaissances, essentiellement analytique (étude de corrélation) et a posteriori. Or la prévision des impacts sur la biodiversité végétale, la planification de mesures conservatoires et l’évaluation de leur efficacité nécessitent de connaître les processus contrôlant la disponibilité de la ressource limitante pour le couvert végétal (Landenberger et Ostergren 2002) et d’intégrer une approche mécaniste à l’étude de l’impact du biotope sur la biodiversité végétale, afin de (i) représenter spatialement la gamme de variation de cette ressource (ex : la ressource en eau) en fonction du temps, selon différentes conditions climatiques et différents scénarios d’aménagement du biotope et (ii) d’évaluer dans quelles mesures les objectifs conservatoires des projets de préservation, de restauration d’habitats ou de compensation de la perte de biodiversité végétale seront remplis et les impacts sur le biotope minimisés.

Ce travail de thèse vise à contribuer à cette avancée grâce à (i) l’étude du fonctionnement hydrologique d’un aménagement paysager autoroutier, (ii) à l’utilisation des résultats de cette analyse pour l’étude de la distribution spatiale de la biodiversité végétale, et pour sa modélisation à l’échelle des communautés végétales. Les résultats de la modélisation des communautés végétales contribueront (iii) à analyser l’efficacité de l’aménagement paysager en termes de préservation de la biodiversité, vis-à-vis des résultats envisagés par le constructeur, puis (iv) à proposer des mesures de valorisation de la biodiversité du site. Ces dernières reposeront sur l’analyse des conditions abiotiques in situ et sur des scénarios de transformation de ce biotope pour en modifier le fonctionnement hydrologique.

CHAPITRE 3 :MATERIELS ET METHODES