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6.2 Performance écologique de l’aménagement

6.2.3 Discussion de l’analyse de la performance écologique du Mont-aux-Liens

L’analyse de la performance quantitative montre que l’évolution spécifique du Mont-aux-Liens est conforme aux attentes : l’enrichissement en espèces est significatif et concerne tout le site : le cortège floristique est toujours significativement dominé par un faible nombre d’espèces (graminées), mais l’équitabilité entre espèces dans le système en 2011 est plus élevée que celle mise en place initialement. Cette conclusion n’est pas surprenante car l’équitabilité initiale était très faible ; les

résultats du chapitre 5 ont permis de voir que cette évolution s’est en réalité produite principalement en 2010, mais ne se poursuit pas en 2011.

L’augmentation globale de la diversité quantitative est confirmée au sein des zones aménagées par le constructeur, ce qui est en accord avec les objectifs initiaux, mais le contraste entre ces zones est moins significatif que prévu. L’utilisation de semis identiques pour des zones différentes (ex : l’utilisation du semis ZD pour les zones 1 et 4) a sans doute favorisé cet absence de contraste, tout comme la proximité spatiale des zones ayant reçu le même semis et les faibles variations des conditions environnementales (environnement abiotique et proximité des bords de champs). Seule la zone « prairies fleuries » montre une diminution de sa diversité quantitative. L’évolution de la densité spécifique (Siprojet-Si2011) est fortement corrélée aux conditions physicochimiques du substrat et à la localisation des semis au sein du site : elle est d’autant plus élevée en 2011 que la ressource en eau est abondante, que l’horizon H1 est épais, que le sol est fertile (CEC plus élevée, C/N plus faible), que la distance à l’autoroute est grande et que le pH est faible. L’ensemble de ces corrélations expliquerait les résultats des prairies fleuries, localisées près de l’autoroute, pour lesquelles la densité initiale était la plus élevée, mais qui montraient des conditions abiotiques plus contraignantes (horizon H1 réduit à moins de 10 cm, donc constituant une faible source de nutriments et d’eau).

6.2.3.2 Performance qualitative

L’étude qualitative a tout d’abord mis à jour que la patrimonialité de la flore observée en 2011 est conforme à celle mise en place par les semis : dans une matrice paysagère dominée par les activités agricoles intensives, qui participent au déclin de la biodiversité végétale et faunistique rurale, le Mont- aux-Liens valorise une biodiversité ordinaire et indigène, conformément aux recommandations de Cullen et al. (1998) et Simmons et al. (2007) sur l’utilité des projets de restauration. En revanche, les espèces remarquables espérées au sein des pelouses thermophiles ne sont pas encore observées. La recolonisation naturelle du site par les espèces non semées issues de la matrice paysagère est déterminante dans la composition actuelle du cortège végétal du Mont-aux-Liens. La fraction d’espèces non semées sur le site est d’autant plus marquée que la distance à la route augmente et que la proximité avec les parcelles agricoles est élevée. Ce processus de colonisation du site est très performant au sein des zones non semées qui enregistrent la même densité spécifique que les zones semées. Même dans un environnement isolé comme le Mont-aux-Liens, la performance écologique peut être améliorée à court terme par des mécanismes de dispersion diffuse des espèces. Ces résultats montrent également que la venue de nouvelles espèces via l’infrastructure semble réduite. L’autoroute ne jouerait pas le rôle de corridor écologique contrairement aux conclusions publiées par la littérature sur les impacts des infrastructures linéaires de transport (chapitre 2). Cette observation pourrait être expliquée par la complexité de l’infrastructure linéaire : la distance séparant la voie de roulement du Mont-aux-Liens est occupée par une bande d’arrêt d’urgence, des voies de récupération des eaux de ruissellement, un accotement non végétalisé, une berme végétalisée mais intensément fauchée, et une barrière grillagée. En conséquence, il semblerait que la connectivité de la route vis-à- vis de son environnement soit plus faible que celle observée pour une route moins complexe, jouant le rôle de corridor écologique. La préservation d’éléments du paysage comme le Mont-aux-Liens pourrait

présenter un intérêt écologique dans une démarche de préservation de la biodiversité régionale à plus grande échelle. Cela nécessiterait, pour une plus forte efficacité du projet, d’augmenter la connectivité dont jouit le site avec la matrice paysagère, dans la mesure où il se trouve aujourd’hui relativement isolé en raison des pratiques de gestion des bords de champs voisins (notamment par l’application de désherbants).

L’étude qualitative des cortèges floristiques a également montré que les espèces semées sont encore observées 3 ans après la construction du site : ce résultat est positif concernant l’effort général mis en place initialement, mais la faible implantation des semis dans leur relevé d’origine et au sein de zones de semis planifiées participe à l’établissement d’une structuration en communauté végétale différente de celle envisagée par le constructeur : l’organisation spatiale des espèces en communautés est moins contrastée que celle souhaitée à plus long terme et traduit, dès à présent, une évolution du système différente de celle envisagée (mosaïque d’habitats). Cette évolution devrait se poursuivre à moyen terme dans la mesure où les conditions abiotiques ne sont pas contrastées in situ (chapitre 5) et que la forte mortalité des ligneux plantés constatée lors de nos multiples visites de terrain est un facteur participant très probablement à l’homogénéité abiotique et biotique du système. Le maintien à court terme d’espèces semées impacte négativement la colonisation par les espèces non semées (également au sein de chaque zone aménagée), mais cette dernière n’est pas nulle. La coexistence des deux cortèges illustre la voie de restauration des conditions biotiques nécessaires à la restauration de communautés végétales à plus long terme : la compétition interspécifique pour les ressources entre les espèces semées et les espèces colonisant le site permet en partie et à court terme d’éviter localement l’envahissement du Mont-aux-Liens par des espèces telles que les graminées sociales de bords de champs et renforce les effets de la facilitation. Ce processus était souhaité par le constructeur, afin de favoriser la bonne évolution du site et son enrichissement en espèces végétales, bien que celui-ci se fasse à court terme au détriment des semis, et donc au détriment de la structuration végétale envisagée.

L’étude des preferendums écologiques et des stratégies adaptatives éclaire les processus impliqués dans l’évolution végétale du site. Elle explique la diversification qualitative du cortège par la colonisation exogène. Le manque d’adéquation entre les preferendums écologiques des semis et ceux du cortège floristique de 2011, pour chaque zone aménagée, concerne des paramètres impactant directement la diversité végétale : le pH du sol, la teneur en nutriments azotés et la teneur en eau du sol. Alors que le plan de réalisation des habitats signalait de fortes différences écologiques entre eux (pelouses calcaires, mares, boisements), la comparaison des preferendums écologiques des semis utilisés ne reflète pas ces contrastes. Les preferendums biogéographiques, thermiques et lumineux ont été relativement bien anticipés pour chaque semis par rapport aux conditions environnementales locales, mais cela n’a pas été le cas pour les preferendums hydrique, acide et de teneurs en nutriments azotés. Les preferendums écologiques in situ ont été mal anticipés pour la zone ZD plus particulièrement.

L’étude des stratégies adaptatives révèle que les semis présentaient des stratégies peu pertinentes face aux contraintes du site, et peu diversifiées, bien que seule la moitié des espèces semées fussent

caractérisées pour ce critère. La colonisation exogène assure l’apparition de la rudéralité et une évolution des stratégies adaptatives peu contrastée entre les différentes zones de semis.

Nos analyses par zones aménagées n’ont pas pu prendre en compte les zones « Bassin », en raison du trop faible nombre de réplicats ; cependant, il est possible de dire que, à l’échelle spécifique, malgré l’absence de suivis des espèces plantées, aucune des espèces plantées qui caractérisent typiquement des zones humides n’a été observée (ex : Typha sp) ce qui nous permet de dire que ces zones ont la même tendance que celles testées.

6.2.3.3 Déterminisme abiotique de la diversité végétale spécifique.

L’analyse statistique du lien entre les paramètres abiotiques et la variation de la diversité végétale spécifique entre le projet et 2011 a montré que celle-ci est négativement corrélée à la CEC, la teneur en calcium, la réserve utile moyenne RU, la profondeur de l’horizon H1, la distance à l’autoroute DISTA19. La densité spécifique observée en 2011 est supérieure à celle projetée dans les zones les plus éloignées de l’A19, présentant un horizon H1 plus épais, une réserve utile plus élevée et une plus forte fertilité en éléments minéraux échangeables. Ces résultats appuient les conclusions précédentes : la restauration du système est fortement dépendantes des conditions abiotiques mises en place. L’étalement du sol sur les zones d’affleurement du substrat rocheux, lors de la création de l’aménagement, facilite l’augmentation de la densité spécifique à court terme.

L’analyse de la nature des espèces observées montre que le succès de l’implantation des semis, Indi, varie inversement au niveau de stress hydrique σmoyen PC2011: plus le stress hydrique augmente, plus l’implantation des semis est faible. Ce résultat serait en contradiction avec les résultats des analyses des stratégies adaptatives, qui montrent que les espèces des semis sont plus tolérantes au stress que les espèces non semées. L’indice Indi n’est pas spatialement corrélé aux autres paramètres physicochimiques. Le succès d’installation des espèces non semées (Exi_strict_moyen) est en revanche corrélé à un plus grand nombre de paramètres physicochimiques : il est plus élevé lorsque les sols sont plus épais, plus riches en azote, en phosphate, en carbone organique, ce qui appuie l’hypothèse selon laquelle un sol riche en nutriments favoriserait la colonisation du site par des espèces venant de la matrice paysagère agricole. L’absence de corrélation avec les paramètres caractérisant la ressource en eau (RU, σmoy PC et θmoy PC) vérifie les observations du chapitre 4 et indiquent que ces paramètres n’expliquent pas à court terme l’évolution du système.

Nos résultats appuient les observations actuelles selon lesquelles la compréhension des processus impliqués dans les succès d’implantation des semis lors de projets de restauration est difficile à court terme, mais que la prise en compte des traits fonctionnels caractérisant la capacité de colonisation des espèces, notamment dans les premières années de développement des couverts, serait un outil performant pour prédire l’assemblage des communautés (Pywell et al. 2003). Neuf attributs de l’écosystème devraient être pris en compte pour une évaluation complète du succès de restauration (SER, 2004). Citons la nécessité de retrouver la même diversité et la même structure de communautés que des sites de référence, la présence d’espèces indigènes, un fonctionnement normal de l’écosystème ou encore une résilience face aux perturbations naturelles. Cependant, face

aux difficultés de réaliser un suivi de tous les attributs recommandés, le succès de restauration peut être plus simplement évalué grâce à l’utilisation de 2 paramètres pour chacun des points suivants d’après Ruiz-Jaen et Aide (2005) : la diversité spécifique du système (plantes, arthropodes notamment), la structure de la végétation (couvert, hauteur, …) et les processus écologiques (évaluation des interactions biologiques en place comme la présence de mycorhizes, ou encore de la mobilisation du stock de nutriments dans le sol et de la matière organique).