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2.3 Les impacts des routes sur la biodiversité végétale

2.3.1 Les impacts sur la diversité végétale des bords de route

2.3.1.1 Composition de la biodiversité des bords de route

Les impacts sur la composition des bords de route et leur diversité sont largement discutés dans la littérature (Ullmann et al. 1998, Parendes et Jones 2000, Forman et al. 2003, Mullen et al. 2003, Pauchard et Alaback 2006). Les études ont mis très tôt en évidence la présence de cortèges floristiques particuliers, en lien avec les transformations du compartiment abiotique (paragraphe 2.2) ; Ils se distinguent des cortèges natifs par leur preferendums écologiques, leurs traits biologiques et écologiques et leurs stratégies adaptatives.

2.3.1.1.1 Description qualitative.

L’indice de luminosité étant l’un des prédicteurs principaux du taux de variation des données spécifiques, notamment en milieu forestier (Godefroid et Koedam 2004), les modifications des conditions thermiques et lumineuses (paragraphe 2.2.2.2) influencent fortement les processus écologiques de bords de route : les conditions d’éclairement de bords de route favorisent l’installation et la reproduction d’une végétation héliophile (Flory et Clay 2006, Coffin 2007, Takahashi et Miyajima 2010), d’espèces natives caractérisant des habitats marginaux peu représentés dans la matrice (par exemple en milieu forestier) (Arevalo et al. 2005) ou ne pouvant germer sous une canopée fermée (Arevalo et Fernandez-Palacios 2000, Landenberger et Ostergren 2002, Arevalo et al. 2005, Hansen et Clevenger 2005). Les modifications de la structure du sol (paragraphe 2.2.2.3.1) favorisent les espèces tolérantes aux sols remaniés (Gondard et Deconchat 2003) et fortement tassés (Cilliers and Bredenkamp 2000). La végétation de bords de route supporte des conditions de stress hydrique significatives, particulièrement en exposition sud (Bochet et Garcia-Fayos 2004, Bochet et al. 2007, Goosem 2007), liée à la modification des conditions thermiques et lumineuses (paragraphe 2.2.2.2), au remaniement et au tassement du substrat (paragraphe 2.2.2.3.1) et à l’interception des flux de surface et de subsurface (paragraphe 2.2.2.3.2). Ce stress hydrique étant variable (spatialement et temporellement), les cortèges observés supportent des conditions d’humidité variables, sèches à proximité immédiate de la route (Müllerova et al. 2011), ou plus humides lorsqu’elles se développent dans les structures de drainage des eaux de ruissellement (fossés) (Cadenasso et Pickett 2001, Johnston et Johnston 2004) et tolèrent alors des conditions d'immersion et d’anaérobie temporaires ou permanentes (Hudon et al. 2005). Les modifications du pH du sol (paragraphe 2.2.3.1) imposent une végétation principalement halophile (Truscott et al. 2005, Müllerova et al. 2011). L’étude des effets de la charge en polluants sur la diversité végétale souligne l’impact majeur de l’enrichissement en azote

généré par les dépôts azotés à proximité immédiate des routes (Ashenden et al. 2003, Cape et al. 2004, Truscott et al. 2005) (paragraphe 2.2.3.3) : la modification de la composition végétale des communautés et la sélection d’espèces adaptées à des teneurs en azote plus élevées (Trombulak et Frissell 2000, Godefroid et Koedam 2004, Bignal et al. 2007, Müllerova et al. 2011) sont liées principalement au gradient de NO2 et dans un second temps à celui de NH3 (Lee et al. 2012). Cette dernière caractéristique est principalement retrouvée chez les espèces croissant à proximité immédiate, généralement dans les 2 m de distance à la route (Hudon et al. 2005). Cet enrichissement du sol en azote lié aux polluants influence de manière non négligeable la composition de la végétation principalement en augmentant la richesse en espèces, robustes vis-à- vis des invasions parasitaires (Bignal et al. 2007). Les herbacées dicotylédones et des mousses associées à de faibles teneurs en nutriments régressent au détriment des herbacées monocotylédones nitrophiles (Lee et al. 2012). Les effets des autres gaz émis par le trafic routier (CO2, CO, CH4, HNO2 et composés organiques volatiles) sur la végétation de bords de routes sont peu renseignés pour l’instant (Lee et al. 2012) car leur caractéristiques de dispersion sont encore mal connues. De façon plus large, les polluants recensés influencent la santé des milieux traversés (défoliation, baisse de la résistance aux parasites) (Bignal et al. 2007), la croissance du couvert et son développement (via l’augmentation de la productivité végétale (Lee et al 2012 par exemple). L’appauvrissement en nutriments non azotés par lixiviation (paragraphe 2.2.3.1), en matière organique (paragraphe 2.2.3.2) et les dommages sur la végétation sont très marqués car la recharge en nutriments par la litière y est elle-même plus faible (Wezel 2006).

Les formes biologiques, traits d’histoires de vie et stratégies adaptatives sont largement renseignés pour les milieux forestiers tempérés et tropicaux, les milieux agricoles et les milieux montagneux (Takahashi et Miyajima 2010). Les communautés végétales sont dominées par les plantes vasculaires, principalement non ligneuses (graminées et herbacées dicotylédones) (Takahashi et Miyajima 2010, Müllerova et al. 2011), annuelles ou pérennes (Angold 1997, Forman et al. 2003). Elles sont généralistes et communes (Hansen et Clevenger 2005), pionnières (Takahashi et Miyajima 2010), à croissance et floraison rapides, rudérales (Olander et al. 1998, Cilliers et bredenkamp 2000, Gondard et Deconchat 2003, Hudon et al. 2005, Karim et Mallik 2008). Les stratégies de dispersion rencontrées sont variées (vent, faune), les graines sont de petites tailles et présentent peu de réserves (Takahashi et Miyajima 2010). Les espèces peu compétitives sont parfois présentes sous leur forme stérile (Müllerova et al. 2011). Ces espèces sont caractéristiques des milieux agricoles (ex : Critchley et al. 2002b). Cependant, la richesse en espèces invasives, exotiques (ex : Arevalo et al. 2010) ou issues des zones urbanisées (Von der Lippe et Kowarik 2008) est largement observée, en raison du rôle de corridor de dispersion des graines et propagules (Levin et al. 2003) joué par les routes et le trafic routier (Ullmann et al. 1998, Tikka et al. 2001, Harrison et al. 2002, Gelbard et Belnap 2003, Godefroid et Koedam 2004, Christen et Matlack 2006, Von der Lippe et Kowarik 2007, Kalwij et al. 2008, Von der Lippe et Kowarik 2008, Sullivan et al. 2009).

2.3.1.1.2 Description quantitative.

Une question demeure. Les bords de route sont-ils potentiellement riches en espèces végétales ? Des études anciennes font référence à la présence d’une forte richesse spécifique dans ce type de milieu : 870 espèces ont été recensées sur les bords de route à travers le Royaume Uni sur les 2000 espèces présentes sur le territoire à l’époque de l’étude (Way 1977), dont des espèces très rares. Malgré les fortes contraintes abiotiques présentées précédemment (paragraphe 2.2), les bords de route peuvent constituer des zones de refuge pour la biodiversité végétale (Christen et Matlack 2006), dans les milieux subissant une forte pression anthropique, comme par exemple en milieu agricole intensif (Spooner et al. 2004, O’Farrell et Milton 2006) et participer de façon non négligeable à la conservation de la biodiversité dans ce type de milieu en raison de la surface importante couverte par les bords de route à l’échelle du paysage (Bennett 1991, Sherwood et al. 2002).

Cependant, le déclin de la diversité spécifique et les changements de dominance des espèces dans les communautés sont aussi observés. Les variations du recouvrement de la végétation et de la richesse spécifique sont fortement et négativement corrélées à la dégradation des sols (Bochet et Garcia-Fayos 2004). Ces effets sont plus prononcés dans les écosystèmes naturellement pauvres en nutriments azotés (par exemple, les pelouses calcaires), et principalement liés aux pollutions (dépôts d’azote). Les variations de la composition spécifique seraient peu impactées par les variations de la teneur en certains métaux lourds tels que le cuivre et le plomb (Lee et al 2012).