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2.3 L’enseignement de l’orthographe

2.3.3 La recension des études évaluant les effets d’une intervention mise en place

2.3.3.2 Les études dont l’intervention a été réalisée individuellement

Les programmes d’entrainement développés dans le cadre des trois études présentées dans cette sous-section ont tous été mis à l’essai individuellement avec les élèves (Bosse et al., 2014; Ouellette, 2010; Shahar-Yames et Share, 2008). De plus, dans chacune de ces recherches, l’emploi de pseudo-mots a été privilégié pour s’assurer que les participants étaient peu familiers avec les items à apprendre (Bosse et al., 2014; Ouellette, 2010; Shahar- Yames et Share, 2008). Ces items n’avaient donc jamais été lus, écrits ou entendus. Les pseudo-mots étaient considérés comme « ambigus », car les sons les composant pouvaient souvent être écrits de différentes manières. Par exemple, le phonème [f] est écrit -f dans fenval, mais -ph dans phoril (Bosse et al., 2014). Pour apprendre ces pseudo-mots, les participants devaient nécessairement encoder la séquence de phonèmes et de graphèmes dans le bon ordre pour pouvoir les produire correctement, tout en portant une attention particulière à leurs spécificités visuo-orthographiques (Ouellette, 2010; Shahar-Yames et Share, 2008; Share, 1999). Les principales caractéristiques associées aux études qui sont abordées dans cette sous-section sont présentées dans le tableau 2.8. Ensuite, une description des critères de sélection des mots ainsi que du programme d’entrainement développé pour chacune de ces recherches est effectuée.

Shahar-Yames et Share (2008) ont tenté de déterminer si l’écriture14 favorise davantage l’acquisition de nouvelles connaissances orthographiques comparativement à la lecture. De plus, les chercheurs ont voulu vérifier si l’avantage de l’écriture sur la lecture était plus marqué lors d’une tâche de production que d’identification de pseudo-mots. Pour ce faire, chaque participant a été exposé à 12 pseudo-mots de longueur semblable (entre 4 et 6 lettres) et comprenant minimalement deux phonèmes multigraphémiques existants en hébreu. Parmi ces 12 items, quatre ont été entrainés selon la condition Écriture, quatre selon la condition

Lecture, alors que les quatre derniers items étaient associés à la condition Contrôle (ces

items ont seulement été testés, ils n’ont pas été entrainés).

14Il importe de noter que la condition associée à l’écriture était toujours précédée de la lecture de l’item. En

effet, la lecture de l’item précédait sa production, car l’apprentissage de nouvelles formes orthographiques uniquement par l’écriture a une validité écologique limitée (Ouellette, 2010; Shahar-Yames et Share, 2008). La plupart du temps, à l’école, l’élève est appelé à produire des mots qu’il a déjà lus.

Tableau 2.8

Présentation des études empiriques portant sur l’effet d’un programme d’entrainement testé individuellement auprès d’élèves

Auteur(es) Échantillon Conditions expérimentales Intervention Mesure de l’efficacité Shahar-Yames et Share (2008) 45 élèves (19 G, 26 F) 8,8 ans Hébreux L1 Israël

Élève assigné à chaque condition • Écriture et Lecture (n=45) • Lecture (n=45)

• Contrôle (n=45)

2 séances à une semaine d'intervalle par un expérimentateur

En cours d’apprentissage (aucun prétest et post-test)

Ouellette (2010) 36 élèves (19 G, 17 F) 7,8 ans Anglais L1 Canada Assignation aléatoire • Écriture et Lecture (n=18) • Lecture (n=18) 1 séance par un expérimentateur Propriétés sémantiques enseignées pour la moitié des items

Post-test 1

Post-test 2 (une semaine)

Bosse et al. (2014) 20 élèves (? G, ? F) 10,4 ans Français L1 France

Élève assigné à chaque condition • Écriture et Lecture (n=20) • Épellation à voix haute (n=20)

2 séances à une semaine d'intervalle par un expérimentateur

En cours d’apprentissage (aucun prétest et post-test)

Durant chaque séance d’intervention, quatre pseudo-mots ont été entrainés : deux items étaient entrainés selon la condition Écriture et deux autres selon la condition Lecture. Les pseudo-mots étaient ensuite évalués une semaine après avoir été enseignés. Pour ce faire, deux épreuves ont été administrées à titre de post-test pour évaluer l’effet de chaque condition d’entrainement sur l’acquisition de nouvelles connaissances orthographiques : une

dictée de pseudo-mots et une tâche de jugement orthographique (tâches créées par les

chercheurs). Dans la première épreuve, les quatre pseudo-mots entrainés la semaine précédente et deux pseudo-mots non entrainés (associés à la condition Contrôle) ont été évalués en contexte de dictée. La production a d’abord été analysée au niveau lexical selon

la norme orthographique établie par les auteurs. En effet, comme il s’agit d’un pseudo-

mot, l’item produit ne peut être comparé à la norme orthographique se trouvant dans le dictionnaire. Ensuite, une analyse spécifique a été menée pour déterminer le nombre de fois où les deux phonèmes multigraphémiques ciblés (en hébreu) ont été bien écrits. Lors de la deuxième épreuve, quatre pseudo-mots homophoniques étaient présentés à l’élève et il était appelé à sélectionner celui qui correspondait à l’item entrainé.

Les résultats montrent que l’Écriture favorise l’apprentissage de pseudo-mots. Ensuite, les résultats montrent que l’Écriture mène à des gains supérieurs à la Lecture en matière d’apprentissage . De plus, il semble que l’avantage de l’écriture sur la lecture soit plus marqué lors d’une tâche de production de pseudo-mots (dictée de pseudo-mots) que lors d’une tâche d’identification de pseudo-mots (tâche de jugement orthographique).

Ouellette (2010) a aussi voulu comparer l’efficacité d’un entrainement par l’écriture à un entrainement par la lecture sur l’acquisition de nouvelles connaissances orthographiques. En revanche, l’étude a été réalisée à l’aide de pseudo-mots en anglais. De plus, le chercheur a tenu à évaluer le rôle de la sémantique dans l’apprentissage de l’orthographe, c’est-à-dire qu’il s’est questionné à savoir s’il était préférable ou non de présenter l’orthographe d’un mot en donnant, comme on le voit plus loin, des informations sémantiques (sa définition). Chaque participant a été exposé à dix pseudo-mots de quatre lettres pouvant être prononcés de différentes manières (ex. : YAIT/YATE). Les propriétés sémantiques de cinq items ont été enseignées, alors que les cinq autres items ont été présentés sans leurs propriétés sémantiques. Dans le cas où l’orthographe des pseudo-mots était présentée avec ses

propriétés sémantiques, l’élève devait lire une fois à voix haute le pseudo-mot se trouvant

l’expérimentateur. Ensuite, l’expérimentateur lisait à voix haute la définition associée au pseudo-mot et montrait à l’élève le dessin correspondant à la définition. Enfin, l’expérimentateur prononçait l’item à voix haute et présentait de nouveau la carte à l’élève. L’élève devait alors lire la carte à voix haute une deuxième fois. Dans le cas où l’orthographe des items était présentée sans leurs propriétés sémantiques, l’élève devait lire deux fois à voix haute le pseudo-mot se trouvant sur la carte qui lui a été remis. Une fois que la carte était lue, elle était retirée de la vue du participant et celui-ci était appelé à réfléchir à l’item silencieusement pendant 20 secondes. Finalement, l’expérimentateur prononçait l’item à voix haute et présentait de nouveau la carte à l’élève. L’élève devait alors lire la carte à voix haute une deuxième fois.

Une fois que les pseudo-mots ont été présentés aux élèves, ceux-ci ont dû les manipuler pour favoriser la mémorisation de la séquence de lettres. Pour ce faire, chaque participant a été affecté au hasard à l’une des deux conditions expérimentales, appelées respectivement

Lecture et Écriture. Les cartes sur lesquelles apparaissaient les items entrainés ont été

mélangées avec d’autres cartes sur lesquelles se trouvaient de vrais mots. Chacun des dix pseudo-mots entrainés (cinq pseudo-mots enseignés avec leurs propriétés sémantiques et cinq pseudo-mots sans) apparaissait trois fois dans le paquet. Les cartes étaient présentées aléatoirement :

1) Tout d’abord, le chercheur montrait une carte à l’élève pendant trois secondes et l’élève devait la lire à voix haute. Pour les items enseignés sans leurs propriétés

sémantiques, les élèves devaient dire si l’item sur la carte était un vrai mot ou s’il

s’agissait d’un pseudo-mot qui avait été entrainé. Pour les items enseignés avec

leurs propriétés sémantiques, le processus différait un peu. Les dessins utilisés pour

enseigner les pseudo-mots étaient étalés sur la table. Si l’item se trouvant sur la carte correspondait à un pseudo-mot entrainé, l’élève devait pointer le dessin y correspondant. Si l’item se trouvant sur la carte était un vrai mot, l’élève devait dire qu’aucune image n’y était associée.

2) Ensuite, le chercheur prononçait le pseudo-mot à voix haute. L’élève assigné à la condition Lecture était invité à réfléchir silencieusement à l’item pendant cinq secondes, alors que le participant de la condition Écriture était appelé à l’écrire.

3) Enfin, dans la condition Lecture, la même carte était de nouveau présentée à l’élève et celui-ci était invité à la lire à voix haute une autre fois. Dans la condition Écriture, l’élève devait lire le mot qu’il venait de produire.

Pour évaluer les effets des conditions expérimentales (Lecture et Écriture) sur l’acquisition de nouvelles connaissances orthographiques, les participants ont été soumis à une dictée de

pseudo-mots où ils ont été invités à épeler à voix haute les dix pseudo-mots entrainés. La

même épreuve a été administrée à deux reprises à la suite de l’intervention (deux post-tests). Les items épelés ont été analysés au niveau lexical en fonction de la norme

orthographique établie par les auteurs (et non selon la norme établie dans le dictionnaire).

Les résultats aux post-tests montrent que les élèves assignés à la condition Écriture ont mieux épelé les pseudo-mots que les élèves assignés à la condition Lecture. Il est donc préférable d’écrire (et de lire) un mot au lieu de le lire seulement pour favoriser sa mémorisation. De plus, il semble que les pseudo-mots auxquels un sens a été assigné (propriétés sémantiques) aient été mieux épelés lors des deux post-tests que les pseudo-mots auxquels aucun sens n’a été assigné. Il serait donc souhaitable d’enseigner l’orthographe d’un mot en fournissant des informations au sujet de ses propriétés sémantiques et, plus généralement, de son sens.

L’étude menée par Bosse et ses collègues (2014) se distingue des deux études décrites précédemment. En effet, dans le cadre de cette recherche, les auteurs ont voulu vérifier si l’entrainement par l’écriture menait à une meilleure mémorisation de la séquence orthographique que l’entrainement par l’épellation à voix haute. Pour ce faire, les auteurs ont mené deux expérimentations. Dans les deux expérimentations, les mêmes conditions expérimentales ont été mises en place (Écriture ou Épellation à voix haute). Ce qui varie entre l’expérimentation 1 et l’expérimentation 2, ce sont les épreuves utilisées aux post-tests pour mesurer l’apprentissage des pseudo-mots entrainés. Une première épreuve était commune aux expérimentations (tâche de jugement orthographique), alors que la deuxième a été développée pour correspondre à l’une des deux conditions d’entrainement. Ces épreuves sont décrites en détail un peu plus loin.

Comme dans l’étude de Shahar-Yames et Share (2008), tous les participants ont été exposés aux mêmes 12 pseudo-mots selon les différentes conditions expérimentales développées pour cette recherche. Chaque pseudo-mot était formé de deux syllabes orales et chacun contenait au moins deux phonèmes multigraphémiques, c’est-à-dire un son pouvant être écrit

de différentes manières. Durant chaque séance d’intervention, six pseudo-mots étaient enseignés aux élèves : trois étaient enseignés selon la condition Écriture et trois selon la condition Épellation à voix haute.

La condition Écriture s’inspire de celle conçue par Shahar-Yames et Share (2008). L’élève devait lire une fois un texte comptant deux phrases. Le pseudo-mot était présent dans chacune de ces phrases. Ainsi, chaque pseudo-mot était lu deux fois. Une fois que le texte était lu, il était retiré de la vue de l’élève. L’examinateur prononçait alors le pseudo-mot cible à l’élève pour que celui-ci l’écrive sur une feuille. La première tentative d’écriture du mot était ensuite retirée de la vue de l’élève. L’élève était alors appelé à écrire de nouveau le pseudo-mot cible de mémoire. Ainsi, chaque pseudo-mot était écrit deux fois. Dans cette condition, l’enfant traitait visuellement chaque item quatre fois, soit deux fois pendant la lecture du texte et deux fois pendant l’écriture. Dans la condition Épellation à voix haute, l’élève devait lire à deux reprises deux phrases contenant chacune l’item cible. Ainsi, chaque pseudo-mot était lu quatre fois. Immédiatement après que le texte ait été lu, le texte imprimé était retiré de la vue de l’élève. L’examinateur prononçait alors le pseudo-mot à l’élève pour que celui-ci l’épelle à voix haute deux fois de suite. Ainsi, chaque pseudo-mot était produit deux fois. Dans cette condition d’apprentissage, l’enfant a traité visuellement chaque item quatre fois, soit quatre fois pendant la lecture du texte.

Pour évaluer l’effet de chaque condition d’entrainement sur l’acquisition de nouvelles connaissances orthographiques, les pseudo-mots ont été évalués une semaine après avoir été enseignés. Pour ce faire, deux épreuves ont été administrées à titre de post-test. La première épreuve utilisée était une tâche de jugement orthographique inspirée de Shahar-Yames et Share (2008). Elle a été réalisée à la fois dans l’expérimentation 1 et dans l’expérimentation 2. Dans cette épreuve, quatre pseudo-mots homophones (incluant le pseudo-mot cible) étaient présentés à l’élève. Le participant devait encercler celui qui correspondait au pseudo-mot entrainé parmi les quatre items présentés. La seconde épreuve était une dictée de pseudo-mots. Le participant était invité à écrire (expérimentation 1) ou épeler (expérimentation 2) le pseudo-mot cible prononcé par l’expérimentateur. Le mot produit (à l’écrit ou par épellation) a été analysé au niveau lexical selon la norme

orthographique établie par les auteurs (et non selon la norme établie dans le dictionnaire,

Les résultats obtenus à l’expérimentation 1 suggèrent que la condition Écriture menait à des résultats supérieurs au post-test (écriture de l’item) que la condition Épellation à voix haute. Aucune différence n’a été observée au post-test de jugement orthographique. À l’inverse, les résultats issus de l’expérimentation 2 montrent que la condition Épellation à voix haute menait à des résultats supérieurs au post-test (épellation de l’item) que la condition Écriture. Une fois de plus, aucune différence n’était observée entre les conditions d’entrainement au post-test de jugement orthographique. La seule conclusion qu’il est possible de tirer des expérimentations menées par Bosse et ses collègues (2014) est que les mots semblent mieux produits lorsque la modalité d’évaluation correspond à la modalité d’entrainement. Par exemple, les mots produits à l’écrit ont été mieux réussis lorsqu’ils ont été entrainés par l’écriture. Inversement, les mots produits à l’oral ont été mieux réussis lorsqu’ils ont été entrainés par l’épellation à voix haute.

Plusieurs conclusions peuvent être tirées des trois études présentées dans cette sous-section. Tout d’abord, il est probablement préférable d’écrire (et de lire) un pseudo-mot que de le lire seulement pour en favoriser sa mémorisation (Bosse et al., 2014; Ouellette, 2010; Shahar- Yames et Share, 2008). De plus, il a été vu que la mémorisation de l’orthographe des pseudo- mots était favorisée lorsque leur enseignement était associé à leurs propriétés sémantiques (Ouellette, 2010). Enfin, l’apprentissage de l’orthographe s’améliore lorsque les conditions d’entrainement et le contexte d’évaluation dans lequel les participants doivent produire l’orthographe du mot sont similaires (Bosse et al., 2014). Ces éléments sont importants à considérer dans l’élaboration de notre étude. Dans la prochaine sous-section, trois études dont l’entrainement a été réalisé en contexte de classe sont présentées.