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2.3 L’enseignement de l’orthographe

2.3.4 Le bilan de la partie 2.3 et la critique méthodologique des études empiriques

2.3.4.4 Le choix des items

Trois études n’ont pas été prises en compte ici considérant la nature de la recherche menée (Charron, 2006; Charron et al., 2016; Morin et Montésinos-Gelet, 2007). En effet, comme il s’agit de recherches-actions ou de recherches collaboratives, les items travaillés étaient laissés au choix des enseignants. Par conséquent, aucun contrôle n’était effectué par les chercheuses (Charron, 2006; Charron et al., 2016; Morin et Montésinos-Gelet, 2007). Parmi les sept autres études rapportées, les chercheurs ont recouru à des pseudo-mots (Bosse et al., 2014; Ouellette, 2010; Shahar-Yames et Share, 2008) ou à des mots existants (Daigle et al., 2019; Fayol et al., 2013; Marin et Lavoie, 2017; Rieben et al., 2005). L’emploi de pseudo-mots a été privilégié dans certaines études pour s’assurer que les participants étaient peu familiers avec les items à apprendre. Ces items n’avaient donc jamais été lus, écrits ou entendus. Pour les apprendre, les participants devaient nécessairement encoder la séquence de phonèmes et de graphèmes dans le bon ordre pour pouvoir les produire correctement, tout en portant une attention particulière à leurs spécificités visuo-orthographiques (Ouellette, 2010; Shahar-Yames et Share, 2008; Share, 1999). Quoique le recours aux pseudo-mots soit intéressant, il a été décidé d’utiliser de vrais mots pour s’appuyer sur les principes à la base d’un enseignement efficace. En effet, si l’enseignant souhaite couvrir efficacement la matière, il est souhaitable d’enseigner des contenus qui sont transférables à d’autres items ou d’autres situations (Archer et Hughes, 2011; Gauthier et al., 2013). L’utilisation de mots existants permet à l’élève de faire des liens plus aisément avec d’autres mots qu’il connaît.

Lorsque l’enfant comprend la pertinence de ce qui lui est enseigné, cela risque de contribuer à son engagement dans l’appropriation de l’objet d’apprentissage.

De plus, pour sélectionner les items à entrainer, des variables linguistiques comme la

fréquence et la longueur des mots ont été prises en compte par les chercheurs. Il parait

essentiel de considérer ces variables dans la sélection des mots, car il a été démontré empiriquement qu’elles influencent la production correcte des mots (Bosse et Valdois, 2003; Écalle, 1998; Martinet, Valdois et Fayol, 2004; Pacton, Foulin et Fayol, 2005; Ruberto et al., 2016; Treiman, 1993). En effet, les mots fréquents sont mieux orthographiés que les mots rares et les mots courts sont mieux orthographiés que les mots longs. La fréquence des mots selon le niveau scolaire des participants a été contrôlée dans deux études à l’aide de bases de données comme Manulex (Daigle et al., 2019; Fayol et al., 2013). Quant à la longueur des items, elle a été contrôlée dans trois études. Dans l’étude de Bosse et al. (2014), les items comptaient deux syllabes orales. Dans la recherche menée par Ouellette (2010), les items étaient formés de quatre lettres, alors que dans celle menée par Shahar-Yames et Share (2008), ils en comptaient entre quatre et six.

Les difficultés orthographiques se trouvant dans les mots ont été contrôlées dans quatre recherches (Bosse et al., 2014; Daigle et al., 2019; Ouellette, 2010; Shahar-Yames et Share, 2008), alors qu’elles ont simplement été décrites dans les autres (Fayol et al., 2013; Marin et Lavoie, 2017; Rieben et al., 2005). Comme l’objectif de ce travail consiste à évaluer l’efficacité de pratiques d’enseignement sur l’apprentissage de l’orthographe des mots, il parait important de contrôler la nature des difficultés se trouvant dans les mots à entrainer, car cela influence nécessairement leur appropriation. D’ailleurs, il a été vu dans la première partie de ce chapitre que les propriétés visuelles des mots (plus particulièrement, la multigraphémie et les lettres muettes non porteuses de sens) causent beaucoup de difficultés aux scripteurs. Il serait intéressant de contrôler la présence de ces phénomènes visuels à

des fins d’évaluation. Par ailleurs, les phonèmes multigraphémiques et les lettres muettes

non porteuses de sens sont les difficultés orthographiques qui ont été considérées le plus souvent par les auteurs (Bosse et al., 2014; Daigle et al., 2019; Fayol et al., 2013; Marin et Lavoie, 2017; Rieben et al., 2005; Shahar-Yames et Share, 2008).

Lorsque de vrais mots ont été employés, les chercheurs ont choisi d’utiliser des mots pleins (Daigle et al., 2019; Fayol et al., 2013), des mots ayant un référent concret pouvant être facilement illustré (Marin et Lavoie, 2017) ou ont considéré les deux critères à la fois (Rieben

et al., 2005). Sachant que l’apprentissage de l’orthographe d’un item est favorisé lorsque des informations au sujet de son sens sont enseignées (Ouellette, 2010), il semble préférable de

choisir des mots pleins pouvant facilement être dessinés.

Fayol et ses collègues (2013) ainsi que Marin et Lavoie (2017) ont considéré le taux de réussite moyen en fonction de l’âge des participants composant leur échantillon. Pour ce faire, ces chercheurs ont consulté l’Échelle d’acquisition en orthographe lexicale (Pothier et Pothier, 2004) pour choisir des mots dont le taux de réussite moyen se situe autour de 50 % selon l’âge ciblé. Marin et Lavoie (2017) justifient qu’ils ont sélectionné des mots avec un degré de difficulté variable de manière à considérer les différents niveaux de compétence orthographique des élèves. Il est intéressant de prendre en compte l’hétérogénéité des élèves se trouvant dans une classe, mais si le taux de réussite moyen est d’environ 50 %, cela signifie qu’avant l’intervention, un élève sur deux est déjà en mesure de bien produire son orthographe. Par conséquent, si l’orthographe des mots est déjà connue par une trop grande proportion d’élèves avant même qu’ils aient été entrainés, il devient difficile de mesurer les apprentissages effectués à la suite de l’intervention (possibilité d’effet plafond). Afin d’éviter cette situation, une alternative a été proposée par Daigle et ses collaboratrices (2019) : choisir des mots connus à l’oral, mais peu (ou pas) à l’écrit. Ces chercheurs ont validé les mots choisis avant le début du projet auprès d’autres élèves comparables à ceux qui ont participé à leur étude pour s’assurer qu’ils étaient connus à l’oral et peu connus à l’écrit. Les auteurs justifient ce choix par le fait que le projet s’inscrit dans une perspective d’apprentissage de l’orthographe lexicale et non dans une perspective d’apprentissage du vocabulaire, les mots sélectionnés devaient donc être connus à l’oral. En effet, avant même d’enseigner l’orthographe d’un mot, l’élève doit saisir son sens.

En bref, il faut retenir de cette sous-section qu’il est souhaitable d’utiliser de vrais mots dont la longueur et la fréquence doivent être contrôlées. De plus, il faudrait choisir des mots

pleins pouvant être facilement illustrés, qui sont connus à l’oral, mais peu (ou pas) à l’écrit. Enfin, il importe de contrôler la présence des phénomènes visuels (la multigraphémie et les lettres muettes non porteuses de sens). Comme ces phénomènes