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En faisant son apparition publique la plus remarquée par le daguerréotype, la photographie marque tout d'abord par sa fidélité au réel. Bien avant sa reproductibilité, qui, malgré la diffusion dans la presse des informations sur le procédé Talbot, ne viendra que plus tard avec la mise au point de méthodes françaises de photographie sur papier dégagées des brevets britanniques318. Nous avons vu, notamment, que la supériorité du daguerréotype sur le procédé Talbot est précisément décrétée par Herschel sur ses qualités iconiques.

Devant soutenir l’aspect pratique, “démocratique” du procédé, la norme photographique basée sur le daguerréotype s’institue autour des deux notions interdépendantes, promptitude et exactitude : en ce qui concerne la rapidité et la fidélité, le daguerréotype produit un nouveau standard en matière de figuration. Si, dans la pratique, il s'avérera que la promptitude sera véritablement une qualité à venir de la photographie, lui interdisant en 1839 l’accessibilité au portrait, l'exactitude du daguerréotype pour les sujets immobiles frappe, comme nous l’avons vu, tous les observateurs contemporains. Ce terme d’exactitude résonne dans tous les textes de la presse rendant compte du daguerréotype en 1839. Et c’est pourquoi l’articulation qu’utilise Arago pour déplacer la validité du daguerréotype de l’art à la science s’appuie sur le concept d’exactitude : un terme qui trouve précisément sa validité dans les deux champs. Exactitude devient

318 Cf. Paul-Louis Roubert, « Le daguerréotype en procès. Le déclin de la pratique du daguerréotype en France », Le Daguerréotype français. Un objet photographique, op. cit., pp. 120-131.

pour le daguerréotype le mot grave, le mot clef qui « entraîne la conviction commune, conviction qui relève du passé linguistique ou de la naïveté des images premières » dont parlait Bachelard319. Ce mot d’exactitude fut utilisé par Daguerre, puis repris par Arago et enfin médiatisé par les nombreux articles de presse. Trois

“occurrences” qu’il semble devoir différencier : un sens daguerrien, qu’il est difficile de définir tant son apparition est soudaine ; un sens scientifique qui, comme nous l’avons vu, qualifie l’égalité de la mesure avec la grandeur mesurée ; pour la presse, et plus particulièrement la presse artistique qui nous occupe ici, ce mot d’exactitude est plus complexe et entraîne deux conceptions dont la portée permet d’entrevoir sur quel terrain se joue la réception du daguerréotype dans le champ. L’utilisation répétée du concept d’exactitude accolé au daguerréotype met en place les conditions de réception de l’invention dans le champ artistique.

1. L’exactitude formelle

Rappelons, tout d’abord, comment Daguerre présentait le daguerréotype dans son prospectus de 1838, au moment où apparaît dans son vocabulaire ce mot grave :

Avec ce procédé, sans aucune notion de dessin, sans aucune connaissance en chimie, on pourra en quelques minutes prendre les points de vue les plus détaillés, les sites les plus pittoresques, car les moyens d'exécution sont simples, ils n'exigent aucune connaissance spéciale pour être pratiqués, il ne faut que du soin et un peu d'habitude pour réussir parfaitement. Chacun à l'aide du daguerréotype, fera la vue

319 Gaston Bachelard, La Formation de l’esprit scientifique, op. cit., p. 45.

de son château ou de sa maison de campagne : on se formera des collections en tous genres d'autant plus précieuses que l'art ne peut les imiter sous le rapport de l'exactitude et de la perfection des détails, et qu'elles sont rendues inaltérables à la lumière […]320.

Parmi les qualités essentielles, « précieuses » pour l'inventeur, du daguerréotype se trouvent donc l'exactitude et la perfection du détail. Daguerre classant son invention parmi celles qui doivent exercer une heureuse influence sur les arts, comment ces qualités trouvent-elles leur validité dans le champ artistique ? En d’autres termes, en associant daguerréotype et exactitude, quelle définition du daguerréotype cela présuppose-t-il en 1839 pour la critique d’art.

Si l’on se rapporte aux ouvrages et dictionnaires courants traitant des beaux-arts au début du XIXe siècle, comme ceux sur lesquels Eugène Delacroix s'est appuyé pour constituer son propre dictionnaire321, il est possible de repérer les termes se rapportant à la forme et dans lesquels l'exactitude est citée comme étant une qualité essentielle. Ainsi les classiques comme les dictionnaires portatifs des beaux-arts de Jacques Lacombe322 et de dom Joseph-Antoine Pernety323, édités au milieu du XVIIIe siècle, citent systématiquement l'exactitude comme étant une des qualités du dessin exigible en première instance de l'artiste.

L'article Extrémité du dictionnaire de Jacques Lacombe précise :

320 Daguerre, Annonce de l’invention du daguerréotype, op. cit.

321 Voir à ce sujet le texte de présentation qu’Anne Larue a rédigé à la reconstitution du Dictionnaire des beaux-arts d’Eugène Delacroix, Paris, Hermann, 1996, pp. xxiii-xlvii.

322 Jacques Lacombe, Dictionnaire portatif des beaux-arts, ou abrégé de ce qui concerne l'architecture, la sculpture, la peinture, la gravure, la poésie et la musique, Vve Estienne et fils, chez J. T. Herissant, 1852.

323 Joseph-Antoine, dom Pernety, Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure, Paris, Chez Bauche, 1756.

On appelle ainsi dans la peinture la tête, les pieds et les mains.

Toutes ces parties doivent être travaillées avec plus d'exactitude et de précision que le reste, et doivent servir à rendre plus expressive l'action des figures. On juge, pour l'ordinaire, des talents d'un dessinateur, par la manière dont les extrémités sont rendues.

Pour Pernety, à l'article Précision, on peut lire : « Se dit en dessin de la correction et de l'exactitude des proportions. On dit une chose dessinée avec précision324 » ; et à l'article Correction :

« Terme de peinture qui se dit en parlant du dessin. Un dessin bien correct, bien arrêté. La correction se dit de la justesse des proportions, dans les contours et les arrondissements des figures, bien rendus selon le vrai de la nature325. »

On voit donc rapidement que dans le vocabulaire de l’art, l'exactitude est cette qualité de l'artiste à rendre la copie conformément au modèle qu'est la nature dans l'espace de la perspective. Ce que Pernety résume à l'article Dessin :

Outre l'exactitude et la correction des contours, il faut que le dessin soit prononcé hardiment, clairement et sans ambiguïté, de sorte que rien n'y soit incertain ni confus. Il faut néanmoins éviter la sécheresse et les traits rudes ; la nature qui doit toujours servir de modèle, tient le milieu en tout326.

Pour décrire le daguerréotype, dont la perfection a guidé chaque pas de la conception, Daguerre utilise donc le vocabulaire des beaux-arts se rapportant en propre au dessin. Si l'on va un peu plus loin en se référant au Dictionnaire des arts du dessin plus tardif de

324 Dom Antoine-Joseph Pernety, op. cit., p. 477.

325 Ibid., p. 102.

326 Ibid., pp. 133-134.

Boutard327, on peut lire à l'article Précision : « Est l'exactitude, la correction rigoureuse dans le dessin et le modelé. Précision, en parlant de dessin, comporte l'idée d'une touche ferme et de contours arrêtés328 » ; et à l'article Fidélité : « Exactitude à représenter les objets conformément à la nature. On recherche surtout cette qualité dans le portrait, et dans cette espèce de peinture qu'on pourrait appeler didactique, qui a pour but de faciliter l'étude des sciences naturelles, telles que la zoologie, la botanique, la minéralogie, etc.329. »

Ces qualités du dessin que sont l'exactitude, la fidélité, la précision, la netteté sont d'un emploi très large en art : des qualités nécessaires à la peinture didactique dont parle Boutard, mais qui ne suffisent pas à déterminer une utilité précise. Ce que Daguerre résume par cette formule : « […] on se formera des collections en tous genres d'autant plus précieuses que l'art ne peut les imiter sous le rapport de l'exactitude et de la perfection des détails […] ».

La photographie "ne fait pas de détail" : elle reproduit avec un maximum de fidélité la forme des objets dans l'espace de la perspective. C'est dans cette tautologie que réside le caractère hypnotique ressenti par les observateurs du daguerréotype : il donne une image arrêtée de la réalité avec un fascinant degré de perfection dans le rendu des détails. En terme de quantité, jamais une image aussi rapide et aussi proche de la réalité n'avait été capable de dispenser autant d'informations. En terme de qualité et de fidélité, le

327 M. Boutard, Dictionnaire des arts du dessin – La Peinture, la Sculpture, la Gravure et l'Architecture, Paris, Lenormand & Gosselin, 1826.

328 Ibid., p. 549.

329 Ibid., p. 291.

daguerréotype est un modèle pour tous les arts d'imitation gouvernés par la convention.

Même si cette idée de l’exactitude héritée de la retranscription mathématique, automatique de la nature est associée à la science et critiquée à l’endroit du daguerréotype par la presse, ce mot renvoie pourtant à une seconde acception qu’il convient de détailler.

2. L’exactitude abstraite

Il n'existe pas d'entrée au mot Exactitude dans les dictionnaires des beaux-arts. Mais il entre dans la définition de ce que Claude-Henri Watelet, le rédacteur de certains articles concernant les beaux-arts dans l'Encyclopédie, considère comme étant une des lois les plus importantes de la peinture, à savoir le costume ou costumé. Pour l'Encyclopédie de Diderot et D’Alembert de 1751, Costumé est un substantif masculin, « terme plein d'énergie que nous avons emprunté de l'Italien ». Il concerne « l'art de traiter un sujet dans toute la vérité historique : c’est donc […] l’observation exacte de ce qui est, suivant le temps, le génie, les mœurs, les lois, les goût, les richesse, le caractère & les habitudes d’un pays où l’on place la scène d’un tableau. Le costumé renferme encore tout ce qui regarde la chronologie, & la vérité de certains faits connus de tous le monde ; enfin tout ce qui concerne la qualité, la nature, & la propriété essentielle des objets qu’on représente330 ». Employé au XVIIe siècle et encore au XVIIIe siècle, Costume signifiait ainsi non seulement le

330 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, nouvelle impression en fac-similé de la première édition de 1751-1780, Stuttgart, Friedrich Frommann Verlag, 1988, volume IV, p. 298.

vêtement, mais tout ce qui avait trait au décor et aux détails pittoresques de la vie, des objets usuels, des édifices, des usages et des mœurs, caractéristiques d'un milieu historique, géographique ou social.

Dans le costume, la vérité historique de la scène est indéfectiblement liée à la qualité d'exécution de l'œuvre dont le maître mot sera l'exactitude. Le chevalier de Jaucourt, rédacteur de l’article Costumé de l’Encyclopédie poursuit la définition en s’inspirant des Réflexions critiques sur la poésie et la peinture de l’abbé Du Bos : « Suivant ces règles […] il ne suffit pas que dans la représentation d’un sujet il n’y ait rien de contraire au costumé, il faut encore qu’il y ait quelques signes particuliers pour faire connaître le lieu où l’action se passe, & quels sont les personnages du tableau. Il faut de plus représenter les lieux où l’action s’est passée, tels qu’ils ont été, si nous en avons connaissance ; & quand il n’en est pas demeuré de notion précise, il faut, en imaginant leur disposition, prendre garde à ne point se trouver en contradiction avec ce qu’on en peut savoir331. »

Le costume se dresse donc contre tout anachronisme dans l'espace de représentation, ce que Dom Pernety résume dans son article Fidélité qui, au-delà de la seule forme évoquée par Boutard,

« signifie l'exactitude d'un peintre à représenter les choses et les figures conformément au costume ; c'est-à-dire au caractère, aux façons de faire, aux habits, aux armes, etc. des gens qui font l'action représentée, et aux pays où elle s'est passée332 ». Ces qualités

331 Ibid.

332 Dom Antoine-Joseph Pernety, op. cit., p. 321.

essentielles de l'art du peintre regardent ainsi en priorité le grand genre de la peinture d'histoire, pour Pernety, « le plus noble et le plus difficile » et qui demande, « beaucoup d'esprit et de génie, beaucoup de correction de dessin, beaucoup de sentiment, de science, de goût, de fidélité, de choix et de netteté dans les idées et dans la manière de la représenter sur la toile. […] La netteté consistant, pour Pernety, à saisir dans l'action un instant si caractérisé, que le spectateur le distingue au premier coup d'œil de toutes celles qui en approchent333 ».

Claude-Henri Watelet, collaborateur de l’Encyclopédie sur les questions d’art, poursuit cette réflexion sur le Costume dans son dictionnaire édité après sa mort en 1792 par son collaborateur Pierre-Charles Lévesque :

L’exactitude sévère à se soumettre à cette loi, est difficilement praticable pour les artistes ; mais les infractions trop sensibles & les négligences marquées dénotent une ignorance qu’on pardonne difficilement, ou une bizarrerie que l’on condamne toujours.

Quelquefois l’intérêt de la composition, ou plutôt celui des dispositions pittoresques, entraîne le peintre à certaines licences, dans lesquelles, au fond, l’artiste & ceux qui jouissent de ses ouvrages, gagnent plus qu’ils ne perdent. Si les juges des ouvrages de peinture étaient tous savants, instruits, habituellement occupés des détails de l’histoire ancienne & moderne, & profondément versés dans la connaissance de l’Antiquité, l’exactitude du costume serait sans doute regardée comme une loi des plus importantes de la peinture, si, d’une autre part, la plus nombreuse partie de ceux qui s’en occupent & qui jouissent des ouvrages de la peinture étaient d’une telle ignorance ou si indifférents sur la plupart des convenances de ce genre, qu’ils ne pussent s’apercevoir des fautes de costume, ou qu’ils regardassent

333 Ibid., p. 360.

comme fort peu intéressant qu’un Persan eût l’habillement d’un Grec,

& qu’un Consul n’eût pas sa toge, le costume pencherait à être absolument arbitraire.

Ces deux extrêmes existent successivement, lorsque les ouvrages de peinture sont exposés librement aux regards du public. Les hommes instruits (trop peu nombreux à la vérité pour avoir la plus grande autorité) s’attachent rigoureusement à la conformité que doit avoir la représentation avec le costume, dont ils connaissent les détails : la foule plus nombreuse des hommes du commun, ou de ceux qui sont profondément ignorants, ne fait attention aux habillements, aux armes, aux accessoires relatifs au costume, qu’autant que ces objets plaisent ou déplaisent à leurs yeux ; et ce qu’il est bon d’observer, c’est que les savants, égarés par l’amour-propre de leur érudition, se permettent quelquefois une assez grande indulgence sur l’incorrection, sur les défauts du clair-obscur, & même sur les fautes d’expression, pourvu que l’artiste ait observé d’ailleurs avec une scrupuleuse exactitude les formes des vêtements, des armures & des autres objets qui désignent précisément le temps, l’époque, la circonstance qui fixent toute leur attention334.

Ainsi abordée, cette question du costume dans la peinture apparaît au cœur de la relation qui s’instaure entre la toile et le spectateur à la fin du XVIIIe. Comme le note très exactement Claude-Henri Watelet dans son dictionnaire qui avait pour but d’initier le spectateur des beaux-arts aux règles du bon goût335, l’observation scrupuleuse du costume serait une des règles les plus importantes de la peinture si le jugement du plus grand nombre sur l’art était gouverné par l’érudition et non par le goût seul. Le peintre d’histoire doit ainsi contenter deux public différents : les hommes de science

334 Claude-Henri Watelet & Pierre-Charles Lévesque, Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure, Paris, L. F. Prault, 1792, p. 499.

335 Voir à ce sujet Pascal Griener et Cecilia Hurley, « Une norme en transformation. La systématique du vocabulaire artistique au XVIIIe siècle », L’Art et les Normes sociales au XVIIIe

siècle, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2001, pp. 5-14.

pour leur amour presque exclusif du respect des convenances historiques, et le “grand” public qui ne s’intéresse à ces détails que dans la mesure où ils sont le signe d’une fidélité de la copie à l’original.

3. La “couleur locale” romantique

Cette double exigence se trouvera réunie lorsque les romantiques appelleront au respect de ce qu’ils nomment la “couleur locale”. Cette expression, qui se définit par rapport à la couleur propre des objets, signifie au XVIIe siècle en peinture la couleur qui

« par rapport au lieu qu’elle occupe, & par le secours de quelqu’autre couleur, représente un objet singulier, comme une carnation, un linge, une étoffe, ou quelqu’autre objet distingué des autres. Elle est appelée locale, parce que le lieu qu’elle occupe l’exige telle, pour donner un plus grand caractère de vérité aux couleurs qui lui sont voisines336 ». Les romantiques de 1830 utilisèrent métaphoriquement cette expression pour caractériser le respect des particularités des diverses localités ou époques, l’exactitude du costume des classiques. Dans l’avertissement de l’édition de la seconde édition de 1840 de son roman La Guzla, Prosper Mérimée écrit : « […] vers l’an de grâce 1827 j’étais romantique. Nous disions aux classiques : vos Grecs ne sont pas des Grecs, vos Romains ne sont pas des Romains ; vous ne savez pas donner à vos compositions la couleur locale. Nous entendions par couleur locale ce qu’au XVIIe on appelait les mœurs ; mais nous

336 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, op. cit., p. 333.

Cette définition s’inspire du Cours de peinture par principe de Roger de Piles.

étions très fiers de notre mot ; et nous pensions avoir imaginé le mot et la chose337. »

Cette évolution qui passe par une réforme des sujets et de leurs traitements est capitale dans l’espace littéraire, dramatique et lyrique338. En peinture, à la suite de Fleury Richard et Pierre Révoil

337 Cité par Étienne Souriau, Vocabulaire d’esthétique, Paris, PUF, p. 515.

338 La réforme romantique trouvera dans l’espace scénique une voie royale du renouvellement pictural. Si le sujet s’éloigne de notre propos, il n’est pourtant pas inutile de noter certaines concordances avec l’histoire de la photographie. En 1822, Daguerre donne avec Aladin ou la lampe merveilleuse sa dernière contribution à la scène de l’Opéra de Paris en compagnie de Charles Cicéri. Dans ce spectacle, Daguerre et Cicéri mettent à profit leur sens du décor et de l’éclairage spectaculaire appris sur les scènes de l’Ambigu et du théâtre Saint-Martin. L’effet sur la presse et le public est immédiat. Après son départ de l’Opéra, lorsqu’il s’agit pour Daguerre de créer avec Charles Marie Bouton le Diorama, il trouva en la personne de son ami le baron Taylor, qu’il connut dans les ateliers de décors de Degotti, un personnage susceptible de rassembler des investisseurs afin de réunir les fonds nécessaires. Taylor, qui éditait avec Charles Nodier et Alphonse de Cailleux les Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France dont le maître mot était exactitude, s’intéressait fortement à ces nouveaux spectacles populaires et avait même fondé l’éphémère Panorama-Dramatique qui lui valut en 1825 d’être nommé commissaire royal près la Comédie-Française. Taylor s’attacha alors à endiguer la fuite des spectateurs du théâtre Français vers les théâtres des boulevards, dans lesquels ils pleuraient, criaient et riaient aux mélodrames des Pixérécourt et Caigniez. Travaillant avec de jeunes auteurs dramatiques, Taylor eut peu à peu l’opportunité de remplacer les sujets mythologiques classiques respectant la règle des trois unités, par des tragédies inspirées de l’histoire moderne et nationale. En montant des pièces de jeunes dramaturges comme Mely-Janin, Alexandre Dumas,

338 La réforme romantique trouvera dans l’espace scénique une voie royale du renouvellement pictural. Si le sujet s’éloigne de notre propos, il n’est pourtant pas inutile de noter certaines concordances avec l’histoire de la photographie. En 1822, Daguerre donne avec Aladin ou la lampe merveilleuse sa dernière contribution à la scène de l’Opéra de Paris en compagnie de Charles Cicéri. Dans ce spectacle, Daguerre et Cicéri mettent à profit leur sens du décor et de l’éclairage spectaculaire appris sur les scènes de l’Ambigu et du théâtre Saint-Martin. L’effet sur la presse et le public est immédiat. Après son départ de l’Opéra, lorsqu’il s’agit pour Daguerre de créer avec Charles Marie Bouton le Diorama, il trouva en la personne de son ami le baron Taylor, qu’il connut dans les ateliers de décors de Degotti, un personnage susceptible de rassembler des investisseurs afin de réunir les fonds nécessaires. Taylor, qui éditait avec Charles Nodier et Alphonse de Cailleux les Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France dont le maître mot était exactitude, s’intéressait fortement à ces nouveaux spectacles populaires et avait même fondé l’éphémère Panorama-Dramatique qui lui valut en 1825 d’être nommé commissaire royal près la Comédie-Française. Taylor s’attacha alors à endiguer la fuite des spectateurs du théâtre Français vers les théâtres des boulevards, dans lesquels ils pleuraient, criaient et riaient aux mélodrames des Pixérécourt et Caigniez. Travaillant avec de jeunes auteurs dramatiques, Taylor eut peu à peu l’opportunité de remplacer les sujets mythologiques classiques respectant la règle des trois unités, par des tragédies inspirées de l’histoire moderne et nationale. En montant des pièces de jeunes dramaturges comme Mely-Janin, Alexandre Dumas,