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Critique épistémologique de l’annonce

À la fin de l’année 1839, la campagne en faveur du daguerréotype menée par Arago tend à établir ce système comme norme photographique. Cette norme, qui conditionne jusqu’au jugement de l’Académie des beaux-arts sur la photographie, tire avantage de son édiction depuis la tribune de l’Académie des sciences. Mais elle est surtout le fruit d’un nouveau rapport de la recherche à l’opinion qu’instaure le secrétaire perpétuel Arago. La présentation du daguerréotype par ce dernier est entièrement tributaire de ce système fort critiqué à l’époque ; elle en est même devenue l’emblème. En nous appuyant sur ces critiques acerbes, et plus tard sur celles que Gaston Bachelard assène à ce qu’il appelle l’“esprit préscientifique”, nous analyserons le caractère spécifique de la présentation du daguerréotype par Arago.

1. La réforme d’Arago

Si François Arago fait figure d’autorité, il n’en reste pas moins qu’il fut à de nombreuses reprises publiquement contesté. Sa position aussi bien dans le monde politique que dans le monde scientifique attire les remises en cause et les critiques. Les attaques politiques faisant partie de la vie publique et journalistique, les attaques d’ordre scientifique sont plus atypiques et révèlent un certain état d’esprit qu’Arago insuffle au champ scientifique français. Ces critiques mettent l’accent sur ce que l’on pourrait

appeler le “système” Arago et qui entraîne avec lui l’image de l’Académie des sciences.

L’une des premières et des plus violentes campagnes menées contre Arago éclate quelques mois après la divulgation du daguerréotype : Guglielmo Libbri, mathématicien italien, monarchiste et proscrit, s’en prend anonymement dans un long article de La Revue des deux mondes au secrétaire perpétuel. Si la charge est, sur le fond, purement politique, il n’est reste pas moins qu’elle s’appuie sur une critique des réformes entreprises par Arago quant aux relations de l’Académie des sciences avec l’extérieur. En premier lieu, Libbri reproche à Arago d’avoir ouvert les séances de l’Académie des science à la presse : « D’abord il n’y eut que des communications officieuses avec quelques journalistes et surtout avec les rédacteurs du Globe ; puis on en admit quelques-uns aux séances, et l’on augmenta sous divers prétextes le nombre des auditeurs ; enfin on ouvrit les portes à deux battants, on engagea tous les journalistes à entrer, on leur donna communication de la correspondance, on leur réserva des places particulières […]. Et comme si tout cela n’était pas assez, pour ne négliger aucun moyen de publicité, on finit par obtenir de l’Académie la permission d’imprimer officiellement les comptes-rendus de ses séances […]173. »

Précisément, les réformes engagées par Arago dès son accession au poste de secrétaire perpétuel furent d’affranchir l’institution académique de la tutelle du pouvoir au nom de l’alliance

173 Anonyme [Guglielmo Libbri], « Lettres à un Américain sur l’état des sciences en France », Revue des deux mondes, 4e série, tome 21, 15 mars 1840, pp. 794-795.

entre science et public. En cela, Arago ne fait que répondre à une question qui se pose à l’institution scientifique depuis les Lumières : quelle attitude adopter face à l’émergence d’une culture scientifique parallèle incitée par le projet encyclopédique de Diderot ? L’Académie royale, craignant une disqualification de la discipline comme variété culturelle parmi d’autres, n’eut d’autre recours que d’établir une frontière avec une science “amateur”, mondaine et spectaculaire, en fermant radicalement ses portes aux apports extérieurs. Face à l’esprit jacobin grandissant, l’Académie eut un réflexe défensif en se coupant au maximum des influences et de l’esprit critique de l’opinion. Elle y opposa donc le dogme, et devint une forteresse devant résister à la pression du public et décider de ce qui était de la science et de ce qui n’en était pas174.

Dissoute le 8 août 1893, l’Académie renaît en 1895, sous la forme d’une classe de l’Institut de France. Plus que jamais sous le contrôle du gouvernement, l’Académie est accusée de confisquer la vie scientifique française175. Pourtant, profitant du nouveau règlement de l’Académie post-révolutionnaire qui prévoit que les séances hebdomadaires seront ouvertes à des non-membres s’ils ont publié au moins deux mémoires dans les recueils réservés aux savants étrangers ou s’ils sont parrainés par un membre, les curieux affluent en séance, et en premier lieu, les journalistes. C’est en effet Le Globe qui, à partir de 1825, est le premier à ouvrir ses colonnes à l’actualité scientifique de l’Académie en publiant régulièrement des comptes-rendus des séances. Suivent le Journal du Commerce, le

174 Voir à ce sujet Bernadette Bensaude-Vincent, La Science contre l’opinion. Histoire d’un divorce, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2003.

175 Cf. Maurice Crosland, op. cit.

Journal des Débats, puis Le Temps en 1832. Sans commentaire et sans intentions vulgarisatrices, ces comptes-rendus ne font que renforcer l’élitisme de la science. Trop spécialisée, la science ne nourrit pas de débat public en se coupant d’un public cultivé qui a depuis longtemps “décroché”176. Pourtant nombre d’académiciens, excédés de voir une telle publicité donnée à leurs travaux, à leurs débats internes mais également à leurs erreurs, réagissent violemment, comme Geoffroy Saint-Hilaire qui décide en 1830, de ne plus exposer ses idées que par écrit.

Après le décès de Cuvier, l’Académie étant de plus en plus divisée sur cette question de la publicité, Arago, favorable à une telle ouverture, met sur pied une commission chargée de statuer sur les nouvelles possibilités de publication de l’Académie des sciences. À la faveur d’un réel petit coup d’État177, Arago outrepasse ses fonctions et ouvre largement les séances aux journalistes et leur communique directement les manuscrits des communications.

Parallèlement, et pour pallier les erreurs diffusées dans la presse par des journalistes non spécialistes, Arago propose que l’Académie se charge elle-même de la publication de ses travaux en temps réel, c’est-à-dire sur le modèle journalistique : Arago crée ainsi, en 1835, les Comptes-rendus hebdomadaires, fascicule de quarante pages paraissant chaque samedi. Abandonnant la pompe des Mémoires publiés à l’origine tous les deux ans, les Comptes-rendus s’inspirent directement du style journalistique pour la publication rapide d’une science qui, par la presse, fait son entrée dans la vie quotidienne du

176 À ce sujet, voir Nicole et Jean Dhombres, Naissance d’un pouvoir : sciences et savants en France (1793-1824), Paris, Payot, 1989, pp. 346-393.

177 Cf. Crosland, op. cit., p. 286.

public. Tout comme le Salon des beaux-arts entretient une culture artistique dans la presse généraliste, le feuilleton scientifique de l’Académie propage l’idée d’une science active, productive et contribuant au progrès et à l’amélioration de la vie quotidienne.

D’autre part, l’Académie s’assure ainsi le contrôle de l’opinion et la mise à distance de l’esprit critique178. Pourtant, si comme le souligne Maurice Daumas, biographe d’Arago, la publication rapide des mémoires ou de leurs résumés pouvait favoriser « l’épanouissement des recherches179 », il n’en reste pas moins que ces réformes rencontrent une forte opposition au sein même de l’Académie, à l’image de Jean-Baptiste Biot, pour qui « l’Académie a perdu en indépendance ce qu’elle a gagné en vulgarité180 ». Pour ces savants hostiles à la publicité, il n’est pas souhaitable que la science soit comprise par le public ; il n’est même pas souhaitable de faire croire au public que la science puisse lui être accessible. C’est bien le reproche que Guglielmo Libbri dans son article anonyme, adresse à Arago, coupable de présenter la science « au public sous un aspect si séduisant, que les auditeurs s’imaginent avoir compris parfaitement des choses dont, privés comme ils le sont le plus souvent des connaissances nécessaires, ils ne sauraient avoir aucune idée nette181 ». Cette accusation réactionnaire n’est que la traduction de la crainte de certains de voir le pouvoir de l’Académie mis au

178 Cf. Bernadette Bensaude-Vincent, La Science contre l’opinion, op. cit., pp. 87-98.

179 Maurice Daumas, op. cit., p. 187.

180 Jean-Baptiste Biot, « Remarque sur l’institution des comptes-rendus hebdomadaires de l’Académie des sciences et sur la publicité à donner aux séances de l’académie », in Mélanges scientifiques et littéraires, Paris, 1858, vol. II, p. 281, cité par Bernadette Bensaude-Vincent, La Science contre l’opinion, op. cit, p. 95.

181 Anonyme [Guglielmo Libbri], op. cit., p. 806. Sur la controverse Libbri-Arago, voir Bernadette Bensaude-Vincent, La Science contre l’opinion, op. cit. ; voir également Maurice Daumas, op. cit., pp. 222-228.

service de causes “illégitimes” pour le prestige de l’institution. Ainsi pour Libbri,

il est hors de doute qu’en chargeant ce corps de distribuer chaque année des sommes très considérables pour des travaux de médecine pratique, de mécanique et de chimie appliquée aux arts, on a rendu un très mauvais service à l’Académie en masse, qui s’est trouvée engagée de plus en plus dans la voie de la science subalterne, et à chacun de ses membres en particulier, qu’on oblige à perdre un temps précieux pour examiner une foule d’inventions et d’ouvrages qui ne sont trop souvent que des entreprises purement industrielles182.

On cite généralement à l’appui de cette critique la mésaventure de César Birotteau décrite dans le roman éponyme d’Honoré de Balzac183 : l’Académie est une caution pour la publication de découvertes et inventions les plus saugrenues et le plus souvent au service d’intérêts privés et industriels. On sent ici à chaque ligne que l’année 1839 est encore tout entière dans le souvenir de l’accusateur anonyme : applications de connaissances utiles, intérêts matériels, travaux de mécanique et de chimie appliqués aux arts, science subalterne, entreprises purement industrielles :

Depuis plus d’un an, M. Arago ne cesse d’entretenir l’Académie de la découverte de M. Daguerre, de sorte que la salle des séances est devenue une espèce d’exposition permanente des produits de tous les opticiens de Paris. Il serait temps de mettre un terme aux communications de cette nature qui s’adresseraient bien mieux à la Société d’Encouragement, car rien n’est moins scientifique ni moins conforme aux usages de l’Académie et à la dignité des sciences, que la manière dont se manifeste la curiosité du public lorsqu’on lui présente

182 Anonyme [Guglielmo Libbri], op. cit., p. 796.

183 Cf. Anne McCauley, « Arago, l’invention de la photographie et la politique », op. cit., p. 17.

(pour me servir de l’expression attribuée à M. Berzélius) ces joujoux scientifiques184.

Pour les opposants à Arago, la procédure de 1839 devient le symbole de l’arrivée à l’Académie d’une science “amateur”, mondaine et spectaculaire, en fin de compte illégitime parce que sans science et contre laquelle elle tente de se prémunir depuis les Lumières.

2. Les articles de Donné

Si Libbri dénonce le peu d’esprit critique régnant dans la presse sur les pratiques d’Arago, il accorde pourtant à Alfred Donné, chroniqueur en charge du feuilleton scientifique du Journal des Débats, le mérite d’avoir à plusieurs reprises tenté de critiquer son action, quitte à s’attirer les foudres et les menaces du secrétaire perpétuel185. Et en effet, le « laiteux Donné186 », comme l’appelait Alexandre von Humboldt, est un des rares à s’élever contre une procédure d’annonce du daguerréotype qu’il juge peu orthodoxe.

a. Un débat sans objet

Si, comme nous le verrons, une grande partie des commentateurs dans la presse peine à définir le territoire précis du

184 Anonyme [Guglielmo Libbri], op. cit., pp. 806-807.

185 « Ces dissentiments avec la presse et surtout avec un journal grave et répandu comme les Débats, ont porté un rude coup à M. Arago, car tous les pouvoirs qui s’insurgent contre le principe de leur élévation affaiblissent leur base et sont exposés à chanceler ; et, comme pour M. Arago c’est la presse plutôt que les grands travaux scientifiques qui ont fait sa force et sa réputation, le célèbre Secrétaire perpétuel aurait dû à tout prix tâcher de prévenir une telle rupture. Il est vrai que les journaux républicains sont arrivés à son secours, mais il a été mal défendu et seulement par acquit de conscience ; l’avantage est resté au Journal des Débats.

D’ailleurs, on ne saurait croire qu’il s’agisse ici d’une affaire de parti, puisque c’est dans les Débats que M. Arago a trouvé ses plus sincères admirateurs, tant qu’il ne s’est servi de son influence que dans l’intérêt des sciences et de l’Académie », id., pp. 804-805.

186 Donné avait fait quelques recherches sur le lait, cf. Maurice Daumas, op. cit., p. 186.

daguerréotype, ils sont très peu à relier cette indécision avec la forme même de l’annonce. Seul Alfred Donné se hasarde à critiquer une procédure rendue obscure par la nécessaire non-divulgation du secret187.

Donné, qui rend compte habituellement des séances de l’Académie des sciences dans le Journal des Débats, n’écrit sur le daguerréotype qu’à partir du début du mois de février 1839 alors que l’anglais William Henry Fox Talbot adresse une réclamation à l’Académie : Arago, tout prêt à défendre l’invention de Daguerre, se charge en compagnie de Biot, de prouver l’antériorité des recherches de Daguerre à la séance du 4 février. N’ayant aucune idée des résultats de Talbot qu’ils n’ont pu encore examiner, les deux physiciens entreprennent de refaire un exposé de la perfection du daguerréotype sur la foi d’une expérience effectuée par Arago lui-même, maintenant en possession exclusive du secret :

Après une série de recherches intelligentes et d’expériences bien calculées, M. Daguerre est au contraire parvenu à composer une substance d’une telle sensibilité sous l’influence de la lumière, que rien n’échappe à son action ; les plus petits objets, les parties les plus déliées dessinent l’ombre microscopique qu’ils projettent sur le tableau, avec une exactitude que l’œil même ne peut pas suivre et qu’il ne reconnaît qu’avec l’aide d’une loupe […]. M. Arago a opéré lui-même avec l’appareil et la préparation de M. Daguerre ; il a pris par le temps sombre qu’il fait à cette époque, une vue du boulevard, dont aucun détail n’a échappé à l’exactitude du merveilleux artiste que M.

Daguerre a soumis à sa loi188.

187 À ce sujet, voir François Brunet, op. cit., pp. 73-74.

188 Alfred Donné, « Feuilleton du Journal des Débats. Académie des sciences. Séance du 4 février », Journal des Débats, 5 février 1839, p. 1.

Quant à la réclamation de Talbot, le seul élément décisif que souligne Donné dans son article sur la séance du 11 février, au cours de laquelle le mémoire de Talbot publié dans la revue anglaise l’Athenæum sera lu : en la matière, seule la publication fait foi : « Il y a un fait incontestable contre lequel toutes les réclamations du monde sont impuissantes : c’est que M. Daguerre a mis le premier au jour la découverte dont il s’agit ; elle lui appartient donc en propre, et elle appartient à la France au seul titre capable d’établir une priorité dans les sciences et dans les arts189. »

Pourtant, à mesure que le débat se poursuit, un paradoxe se révèle à l’Académie : entre le daguerréotype, dont la procédure est encore secrète, et le procédé de Talbot dont personne en France n’a encore vu les résultats, la discussion ne peut avoir lieu sur un mode véritablement scientifique et ne peut que se perdre en conjectures. La réclamation de Talbot nécessitant une discussion sérieuse sur les procédures, le respect du secret du daguerréotype n’apparaît que plus problématique encore. Ce que relève le docteur Donné dans l’article qu’il consacre à la séance du 18 février, paru le 20, et qui critique le processus depuis la révélation du 7 janvier :

Il a été beaucoup question de M. Daguerre dans cette séance ; nous voudrions donner une idée nette des nouveaux faits qui ont été rapportés ; mais il y a nécessairement dans tout ce que l’on nous communique sur ce sujet, un mélange de révélations et de réticences, qui donne à tout ceci un air de mystère d’où nous ne pourrons sortir que lorsque le mécanisme de cette invention sera décidément expliqué et mis au grand jour ; jusque-là, nous risquons de mal interpréter ce que

189 Id., « Feuilleton du Journal des Débats. Académie des sciences. Séance du 11 février », Journal des Débats, 12 février 1839, p. 2.

nous n’entendons qu’à demi, et nous craindrions même de chercher à l’approfondir, dans la crainte d’en dire plus qu’il n’est dans l’intérêt de M. Daguerre que l’on en sache actuellement. Bornons-nous donc à raconter les faits très curieux, quoique incomplets, dont on entretient l’Académie, sans risquer une appréciation et un jugement que ne permet pas l’obscurité dont ils restent enveloppés190.

Daguerre n’est pas un scientifique, et il ne peut lui-même exposer les éléments communicables à l’assemblée. Le secret se devant d’être respecté, l’auditoire de l’Académie ne peut qu’assister à l’exposition de faits ne souffrant aucune discussion :

C’est toujours comme on sait, MM. Arago et Biot qui leur servent d’interprètes ; nous devons donc accepter les faits que l’on nous apporte, sans demander d’autres explications que celles que l’on se croit en droit de donner.

Peut-être cependant ce mode de communication n’est-il pas tout à fait sans inconvénient dans une Académie suivie par un nombreux auditoire, et nous hasarderons à cette occasion quelques timides réflexions191.

b. Publicité et esprit scientifique

Donné, qui connaît bien le fonctionnement de l’Académie, critique ainsi non pas tant la rétention du secret du daguerréotype, mais bien le manque d’esprit scientifique qui pour lui préside à l’exposition du procédé devant l’Académie. Cette critique répond précisément par l’exemple aux assertions de l’auteur anonyme de la Revue des deux mondes : s’interrogeant sur les bienfaits d’une publication par fragments subie par le daguerréotype pour les

190 Id., « Feuilleton du Journal des Débats. Académie des sciences. Séance du 18 février », Journal des Débats, 20 février 1839, p. 1.

191 Ibid.

besoins du débat – chaque séance de l’Académie apportant son lot minimal d’informations nouvelles – Donné soutient qu’il n’est pas sain d’amener au public une discussion sans objet : « Il serait peut-être plus dans la règle des travaux académiques d’attendre qu’il n’y ait plus de secret à garder pour appeler de nouveau l’attention sur des faits qu’il n’est pas permis de discuter192. » C’est précisément à cause de la communication de la correspondance de l’Académie au public, que l’on entretient l’actualité autour du daguerréotype alors que l’on n’en connaît toujours pas le fonctionnement exact. C’est donc, de la part de l’Académie, une utilisation de la publicité à contre-emploi :

La publicité est essentiellement faite pour les découvertes de l’esprit humain, pour tout ce qui peut étendre nos connaissances ou augmenter même la somme de nos jouissances ; aussi les Académies, ces foyers de lumière et de civilisation, répugnent-elles naturellement à tout ce qui est secret et mystère ; la réserve et la réticence sont tellement contraires à l’esprit des travaux scientifiques, qu’elles ne veulent en user que le moins possible et avec ménagement193.

Qu’Arago use de la publicité de la sorte, c’est oublier que le public est devenu son premier auditoire :

Mais en outre l’Académie des sciences a un nombreux public, et elle ne peut plus faire abstraction des deux cents auditeurs qui l’écoutent ; or il ne nous paraît pas tout-à-fait sans inconvénient de publier du haut de la tribune académique des faits incomplets, dépouillés de tous détails nécessaires à leur juste appréciation et environnés même involontairement d’une sorte d’obscurité qui leur donne quelque chose de mystérieux et de merveilleux ; l’Académie des sciences doit procéder dans la publication de la vérité autrement qu’on

192 Ibid.

193 Ibid.

ne le fait dans le monde, et son but est précisément de donner la raison physique des phénomènes naturels extraordinaires aux yeux du vulgaire. Tel fait rapporté dans son état brut, pour ainsi dire, et privé des circonstances qui l’expliquent, aura un air de surnaturel et de

ne le fait dans le monde, et son but est précisément de donner la raison physique des phénomènes naturels extraordinaires aux yeux du vulgaire. Tel fait rapporté dans son état brut, pour ainsi dire, et privé des circonstances qui l’expliquent, aura un air de surnaturel et de