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La forme finale que prit la première technique photographique révélée au public en 1839 doit beaucoup à Daguerre. Même si sa part réelle de paternité dans ce que l’on appellera « l’invention de la photographie » est toujours discutée40, il n’en reste pas moins que c’est par son procédé achevé que le public eut sa première appréhension du fait photographique. Et c’est précisément en ayant toujours à l’esprit la question de la réception publique de son invention que Daguerre a conçu la perfection iconique de ce qui sera révélé sous le nom de daguerréotype.

1. Le tournant de 1835

À la suite d’un commentaire élogieux sur le spectacle du Diorama, La Vallée de Goldau41, on peut lire dans le Journal des Artistes du 27 septembre 1835 :

[Daguerre] a trouvé, dit-on, le moyen de recueillir, sur une planche préparée par lui, l’image produite par la chambre noire, de manière qu’un portrait, un paysage, une vue quelconque, projetée sur ce

40 Cf. Michel Guerrin, « Les premiers pas photogéniques du daguerréotype », Le Monde, 5 juin 2003, p. 29. Voir également André Gunthert, « L’affaire Tournesol », Études photographiques, n° 13, juillet 2003, pp. 2-5.

41 « Diorama. La Vallée de Goldau », Journal des Artistes, n° 13 du deuxième volume, 1835, pp. 202-203 : « Il devient fort difficile de parler des nouveaux chefs-d’œuvre de M. Daguerre avec les éloges qu’ils méritent, parce qu’il nous a forcés, par des merveilles sans cesse

croissantes d’user toutes les formes de louange connues. Ses admirables combinaisons d’effets, et ses décompositions si savantes de couleurs, ont amené successivement des résultats qu’il était impossible à prévoir, et qui sont faits pour causer aux artistes plus d’étonnement encore qu’au public. Après le miracle de la Messe de minuit, il restait à M. Daguerre à exécuter, dans une scène en plein air, la surprenante transformation des couleurs et des formes qu’il avait opérée avec tant de succès dans un intérieur. […] À part l’immense talent de l’auteur comme peintre, tout ceci est œuvre de chimie. La chimie des couleurs était à peu près inconnue ; de profondes et persévérantes recherches ont amené M. Daguerre à produire, par d’habiles compositions de lumière, et, par suite, de couleurs, des résultats qui tiennent du merveilleux. Lui seul sait ce qu’il a fallu de recherches et d’études pour arriver à ce qu’un tableau se transforme ainsi en un autre tableau, par l’effet des matières colorantes avec lesquelles il peint, et des diverses manières dont on lui fait recevoir la lumière. »

plateau par la chambre noire ordinaire, y laisse une empreinte en clair et en ombre, et présente ainsi le plus parfait de tous les dessins… Une préparation mise par-dessus cette image, la conserve pendant un temps indéfini… Les sciences physiques n’ont peut-être jamais présenté une merveille comparable à celle-ci42.

Cet article est à considérer comme la première manifestation publique des recherches entreprises par Louis Daguerre pour la mise au point de ce qui deviendra le daguerréotype. Le texte annonce sur le ton de la rumeur une méthode dont les termes semblent pourtant d’ores et déjà bien définis : une planche préparée recueille en noir et blanc l’image – portrait, paysage, etc. – produite par la chambre noire et la conserve pour un temps indéfini. Si le rédacteur anonyme semble relativement bien informé sur le principe de cette merveille artistique sans égale dans les sciences physiques, il en extrapole pourtant précocement le taux d’achèvement.

a. L’image latente

Louis Daguerre est depuis le 14 décembre 1829 partenaire de Nicéphore Niépce dans une société du nom de « Niépce-Daguerre » qui a pour but de perfectionner et d’exploiter l’héliographie, une méthode de reproduction à l’aide de la lumière sur laquelle Niépce travaille depuis 181643. Daguerre est chargé, aux termes du contrat, d’apporter son aide au perfectionnement de la méthode grâce à sa science du maniement de la chambre obscure. Les travaux de Niépce ouvrent en effet la voie à deux exploitations possibles : d’une part la

42 Idid., p. 203.

43 Traité provisoire du 14 décembre 1829 : « art.1 : Il y aura entre MM. Niépce et Daguerre société, sous la raison de commerce Niépce-Daguerre, pour coopérer au perfectionnement de la dite découverte, inventée par M. Niépce, et perfectionnée par M. Daguerre. », Toritchan Pavlovitch Kravets (éd.), Documentii po istorii izobretenia fotografii…, Moscou, Leningrad, Académie des sciences d’URSS, 1949, pp. 325-326.

reproduction des images, d’autre part la reproduction du point de vue de la chambre obscure. Sous la pression de Daguerre, les deux hommes consacreront l’essentiel de leurs travaux communs au perfectionnement de la seconde voie et ce, jusqu’à la disparition soudaine de Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône le 5 juillet 1833.

Toujours lié par contrat et dorénavant à Isidore Niépce, fils de Nicéphore, Daguerre persistera dans cette voie. Sur la période 1833-1835 on sait très peu de choses, mais au printemps 1833-1835 il s’avère que Daguerre parvient à développer l’image latente, c’est-à-dire l’image qui se trouve présente mais invisible sur le support disposé au fond de la chambre noire et destiné à en enregistrer le point de vue. Cette solution, qui passe par l’amplification de la réaction photo-chimique, permet de raccourcir considérablement le temps de la pose nécessaire à la prise de vue. Raccourcissement du temps de pose qui pour Daguerre constitue l’une des clefs de la mise au point d’une méthode viable d’enregistrement du point de vue de la chambre obscure44. Reste à trouver le moyen de fixer ces images sur leur support et empêcher ainsi qu’elles ne s’effacent.

La solution au développement de l’image latente est une avancée capitale pour Daguerre qui se sent alors suffisamment sûr de lui pour contraindre Isidore Niépce à accepter un additif au contrat, inversant l’ordre d’apparition des deux parties dans la société : estimant être allé au-delà des recherches initiées par Niépce père, Daguerre renomme la société “Niépce-Daguerre” en “Daguerre et

44 Cf. André Gunthert, « Daguerre ou la promptitude », Études photographiques, n° 5, novembre 1998, pp. 4-25.

Isidore Niépce”45 : Daguerre n’est plus seulement celui appelé à

« perfectionner » l’héliographie mais il s’oriente vers la mise au point de sa propre méthode.

b. Septembre 1835 : le début des fuites

Si l’historiographie classique a voulu voir dans l’article du Journal des Artistes du 27 septembre 1835 une publicité prématurée pour le daguerréotype orchestrée par un Daguerre trop sûr de lui46, cela ressemble pourtant bien plus à une fuite d’information qui a en effet tout le caractère de la rumeur : si les propriétés essentielles de l’invention sont mentionnées, l’extrapolation des possibilités de la méthode en l’état, concernant la fixation de l’image et son application au portrait, est pour le moins prématurée. Une communication organisée par Daguerre aurait sans doute pris la précaution soit d’émettre des réserves sur ces possibilités, soit purement et simplement de ne pas les mentionner. Pourtant il est manifeste qu’en 1835 plusieurs personnes commencent à voir des exemples d’images sorties de l’atelier de Daguerre. Le correspondant parisien de la revue anglaise The Athenæum commentant les rares daguerréotypes visibles en janvier 1839 rapporte qu’ils sont de bien meilleure qualité que ceux qu’il avait pu

45 Acte additionnel du 9 mai 1835 : « l’article premier dudit traité provisoire serait annulé et remplacé ainsi qu’il suit : art.1. Il y aura entre MM. Daguerre et Isidore Niépce société sous la raison de commerce Dag. et I-re Niépce pour l’exploitation de la découverte inventée par Daguerre et feu N. Niépce. », T. P. Kravets, op. cit., p. 432.

46 L’hypothèse de Helmut Gernsheim, suivant en cela l’insinuation de Georges Potonniée (Histoire de la découverte de la photographie, Paris, Paul Montel, 1925, p. 171), est que Daguerre a orchestré lui-même cette “fuite” dans le Journal des Artistes : « A few months later, with his usual self-assurance Daguerre triumphantly but prematurely announced his discovery in the Journal des Artistes – “prematurely” because his claim to have found a method of fixing the images permanently was not borne out by the facts. », Helmut et Alison Gernsheim, L.J.M.

Daguerre. The History of the Diorama and the Daguerreotype, New York, Dover, 1968 [2e éd.

revue], p. 73.

voir « quatre ans auparavant47 ». Daguerre, pris entre la volonté de vendre son invention et le souhait de garder son secret – ce que François Brunet a appelé le « paradoxe » de Daguerre48 – est partagé entre le désir de montrer des images afin de constater leur effet sur le public, et la crainte de se faire voler son secret. Pressé de voir ses travaux aboutir, Daguerre peine pourtant à atteindre le taux d’achèvement qu’il souhaite pour ses images. Il sait que seul le public fera la renommée de l’invention, ainsi qu’il le rappelle à Isidore en 1835 à propos du Diorama : « L’exigence du public aujourd’hui est extrême ; il me faut mettre tout en œuvre pour l’attirer49 ». À cette exigence du public, Daguerre souhaite répondre par la perfection qui, depuis ses premiers contacts avec Niépce, a guidé sa part de travail.

2. Un souci de perfection

En octobre 1829, Louis Daguerre reçoit de la part de Nicéphore Niépce « un essai sur argent plaqué de point de vue d’après nature, pris dans la chambre noire50 » afin que le décorateur parisien puisse juger de l’état d’avancement des travaux de l’inventeur bourguignon.

Alerté par l’intention que manifeste Niépce de publier ses travaux, Daguerre juge sans détours ce résultat dans une lettre datée du 12 octobre :

47 Cité par Bates et Isabel Barrett Lowry, The Silver Canvas. Daguerreotype Masterpieces from the J. Paul Getty Museum, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 1998, p. 12.

48 Cf. François Brunet, La Naissance de l’idée de photographie, op. cit., p. 49.

49 Lettre de Daguerre à Isidore Niépce, 5 octobre 1835, T.P. Kravets, op. cit., p. 435.

50 Lettre de Niépce à F. Lemaitre, 4 octobre 1829, n° 73, Correspondances [2], 1825-1829.

Joseph Nicéphore Niépce ; V. Chevalier, L.J.M. Daguerre, F. Lemaitre, F. Bauer…, Rouen, Association du Pavillon de la photographie du Parc naturel régional de Brotonne,

coll. “Documents pour servir à l’histoire de la photographie, 2”, 1974, p. 132.

Puisque vous le désirez, je vais vous soumettre bien franchement mes observations concernant votre gravure. Il est certain que l’effet que vous avez représenté par la chambre noire est un des plus ingrats, cependant il est difficile de choisir des vues sans ombres, puisque ce sont les ombres qui donnent les reliefs, mais aussi il est nécessaire que ces ombres soient comme dans la nature graduées à l’infini ; sans cela il y a confusion ce qui arrive dans votre vue ; je ne distingue dans toute son étendue que trois ou quatre valeurs de ton ; cela ne peut suffire pour l’essor de chaque objet et la distance des plans ; encore existe-t-il des petites nuances qui sont du reste très bien, mais qui ne pourraient pas être rendues sur le papier par l’impression, puisque le métal n’est pour ainsi dire que sali ; dans cet état de choses ce procédé n’aurait nul succès dans les arts, je veux dire seulement sous le rapport de la gravure, car la découverte n’en paraîtrait pas mois extraordinaire ; mais qu’en (sic) on pense que le moindre élève avec le secours de la chambre noire peut dessiner et poser quelques teintes et avoir un résultat non moins exact, il est certain qu’il faut, pour faire remarquer ce procédé, une perfection quelconque, qui ne pourrait pas se rendre autrement51.

a. La voie de Daguerre

L’intention de la part de Daguerre est double : d’une part persuader Niépce qu’il fait fausse route en orientant ses recherches vers la multiplication des images ; d’autre part, que dans ce cadre-ci il est nécessaire de parfaire ses résultats. Alors que l’association entre les deux hommes est à peine encore évoquée, Daguerre manifeste dès à présent une attention particulière à la perfection des résultats de l’opération : il faut aller bien au-delà des essais de Niépce pour avoir quelques chances d’obtenir un succès dans les arts. Pour Daguerre le résultat final, jugé par le public, ne doit avoir

51 Lettre de L. J. M. Daguerre à N. Niépce, 12 octobre 1829, n° 74, ibid., pp.133-134.

aucun équivalent connu, et être assurément supérieur au résultat obtenu par un étudiant des beaux-arts se servant de la chambre noire.

En analysant l’essai de Niépce, Daguerre entrevoit ce que devrait être l’héliographie telle qu’il la conçoit, dans sa relation avec un public averti des choses de l’art : « Dans l’état où en sont les arts présentement il ne faut pas arriver à-demi, car le moindre perfectionnement apporté à une découverte fait souvent oublier son premier auteur52 ».

Daguerre insiste et fait de cette quête de perfection l’obsession de ses recherches : « Il est tout naturel que vous ayez fait plusieurs applications de votre procédé mais il faut les diriger présentement sur un seul point ; il s’agit de prendre celui qui présente le plus de précision, les autres viendront tout naturellement ; c’est moins de la diversité des moyens que dans la perfection qu’il faut viser53 ».

Poncif de l’archéologie de l’histoire de la photographie, Daguerre est obsédé par la perfection alors que Niépce croit en la multiplicité.

Pourtant on a peu remarqué combien ce souci de perfection de la part de Daguerre s’accompagne très tôt d’un souci particulier accordé à sa réception : « Mon avis est que nous étudions ce procédé de manière à ce qu’il fasse époque54 ».

b. La reconnaissance publique

On a pu interpréter cette attention particulière accordée par Daguerre à la réception publique comme étant une vision précoce du potentiel commercial, décisif dans la mise au point du

52 Ibid.

53 Lettre de L. J. M. Daguerre à N. Niépce, 29 novembre 1829, n° 83, ibid., p. 152.

54 Lettre de L. J. M. Daguerre à N. Niépce, 15 novembre 1829, n° 80, ibid., p. 145.

daguerréotype. Si l’application du daguerréotype au portrait a pu en effet être perçue par Daguerre comme étant une des clefs du succès de l’invention, il convient pourtant de la distinguer de la mise en relation de la perfection du système avec le jugement populaire : peintre, décorateur de théâtre, directeur du Diorama de Paris…, dans toutes ses activités Daguerre est confronté au jugement du public dont l’enthousiasme est une garantie de relais par la presse, et vice versa. Comme peintre, il a depuis 1814 présenté plusieurs toiles et gravures au Salon55. En tant que décorateur de théâtre, il réalise de 1816 à 1822 pour l’Ambigu-Comique les décors de vingt-neuf œuvres dont deux en collaboration56, et de 1820 à 1822 il est officiellement, avec Charles Cicéri et Degotti, peintre en chef de l’Opéra de Paris57. Inconnu du public en 1816, Daguerre acquiert en quelques années sur la scène de l’Ambigu une science et une notoriété qui lui ouvrent les portes des ateliers de l’Opéra. Il ne quitte les coulisses des théâtres en 1822 que pour exercer cette science à son seul profit avec le Diorama.

c. la reconnaissance institutionnelle

Si les participations de Daguerre au Salon n’ont jamais déclenché l’enthousiasme des critiques, en revanche, depuis

55 Georges Potonniée, dans son ouvrage Daguerre, peintre et décorateur, Paris, Paul Montel, 1935, recense les œuvres de Daguerre figurant dans les différents Salons : Intérieur d’une chapelle de l’église des Feuillants, à Paris (Salon de 1814), Entrée de l’église du Saint-Sépulcre, gravure sous le nom d’Engelmann éditeur (Salon du 1819), Vue de l’abbaye de Jumièges, gravure sous le nom d’Engelmann éditeur (Salon de 1822), Ruines de la chapelle d’Holyrood et Esquisse de l’abbaye de Roslyn (Salon de 1824), Vue du village d’Untersen (Salon de 1827).

56 Barry V. Daniels a établi l’inventaire des décors exécutés par Daguerre pour l’Ambigu : Barry V. Daniels, « L.J.M. Daguerre : a catalogue of his stage designs for the Ambigu-Comique Theatre », Theatre Studies, 28-29, 1981-1983.

57 Id., « Cicéri and Daguerre : set designers for the Paris Opéra, 1820-1822 », Theatre Survey, Volume XXII, n°1, mai 1981, pp. 69-90.

l’Ambigu jusqu’au Diorama, son activité scénographique n’a cessé d’être saluée : par ses jeux de lumière au gaz ainsi qu’une réforme de l’implantation des décors, Daguerre crée le spectacle et s’attire les faveurs de la critique et celles du public qui, pour la première fois, peut applaudir le nom du décorateur après ceux de l’auteur et du musicien58. Ces applaudissements ne seront plus que pour lui, et son associé Bouton, à partir de 1822 quand il ouvre son Diorama, boulevard du Temple. Cette reconnaissance publique et critique se doublera, en 1824, d’une reconnaissance institutionnelle : les deux associés se verront nommés, à la remise des prix du Salon de 1824, chevaliers de la Légion d’honneur aux côtés des peintres Jean-Dominique Ingres, Jean-Victor Schnetz, Drolling, François-Joseph Heim, Blondel, Louis-Étienne Watelet et Bidault. Bien que tous deux aient exposé au Salon cette année-là, ce n’est pourtant pas pour les qualités artistiques de leurs toiles qu’ils sont récompensés.

Auguste de Forbin, alors directeur des Musées, motivait ainsi le choix des inventeurs du Diorama pour cette consécration :

Deux hommes infiniment remarquables auxquels la France doit un nouveau genre de peinture et qui ont rendu l’Angleterre tributaire de leur brillante découverte, MM. Bouton et Daguerre arrivent en première ligne, et méritent, j’ose le dire, plus que personne cette faveur insigne dont on ne saurait être trop avare. MM. Bouton et Daguerre employent un grand nombre d’artistes. On doit récompenser à la fois en eux un

58 Georges Potonniée, dans sa biographie de Daguerre, cite plusieurs extraits de la presse théâtrale mettant l’accent sur l’enthousiasme du public pour ses scénographies sophistiquées (cf. Georges Potonniée, Daguerre, peintre et décorateur, op. cit., pp. 19-22). Voir également à ce sujet, Pierre Sonrel, Traité de scénographie, Librairie Théâtrale, Paris, 1984, chapitre IX, et Barry V. Daniels, « Cicéri and Daguerre : set designers for the Paris Opéra, 1820-1822 », op. cit.

beau talent et une haute industrie ; ils concourent à amener et à étonner les étrangers59.

Le succès du Diorama a donc rapporté à Daguerre si ce n’est l’estime de la critique purement artistique60, à tout le moins une gloire populaire et subséquemment une reconnaissance institutionnelle dans le cadre même du Salon des beaux-arts. Une reconnaissance officielle prestigieuse dont il tentera à l’avenir d’activer à plusieurs reprises les retombées.

De fait, le lien initial que l’on peut établir entre les recherches photographiques de Daguerre et ses activités de décorateur et d’homme de spectacle n’est pas tant celui généralement admis de la poursuite d’un modèle illusionniste61 que celui d’un modèle spectaculaire : une préoccupation constante de la part de Daguerre qui se manifestera par une recherche de la perfection qui seule pourra faire la renommée des images reproduisant le point de vue de

59 Auguste de Forbin, directeur des Musées, à La Rochefoucauld, chargé du département des Beaux-Arts, 13 octobre 1824, Archives du Louvre *AA 17, p. 5, cité par Marie-Claude

Chaudonneret, L’État et les Artistes. De la Restauration à la Monarchie de Juillet (1815-1833), Flammarion, Paris, 1999, p. 127. Helmut Gernsheim suppose que cette décoration fut accordée par Charles X, succédant à son frère Louis XVIII en septembre 1824, en reconnaissance de la présentation au Diorama (février 1824 – avril 1825) d’une toile commémorant la rencontre héroïque du duc d’Angoulême (fils du roi) avec le despote espagnol Ferdinand VII (L.J.M.

Daguerre, op. cit., pp. 27-28). Georges Potonniée, dans sa liste des tableaux exposés au Diorama de 1822 à 1839, signale que « ce tableau fut exécuté sur le désir exprimé par la famille royale.

Bouton et Daguerre y travaillèrent en collaboration » (Daguerre, peintre et décorateur, op. cit., p. 79).

60 Cf. Heinz Buddemeier, Panorama, Diorama, Photographie, Wilhelm Fink Verlag, Munich, 1970.

61 L’historiographie classique établi une généalogie entre l’art illusionniste de Daguerre au Diorama et la première “idée” du daguerréotype : « What Daguerre had achieved so successfully during his years of work at the panorama, the theater, and the Diorama was to make people believe that what they saw before them was real, whether it was a moonrise or an avalanche. To inspire such belief, Daguerre used all the virtual tricks of the artist, making what-ever changes

61 L’historiographie classique établi une généalogie entre l’art illusionniste de Daguerre au Diorama et la première “idée” du daguerréotype : « What Daguerre had achieved so successfully during his years of work at the panorama, the theater, and the Diorama was to make people believe that what they saw before them was real, whether it was a moonrise or an avalanche. To inspire such belief, Daguerre used all the virtual tricks of the artist, making what-ever changes