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Le système de planification du développement touristique

2.3 C ONTEXTUALISER LA RECHERCHE

2.3.2 La régulation de l’implantation touristique

2.3.2.1 Le système de planification du développement touristique

De nombreux domaines de l’action publique influent sur le secteur du tourisme : politique fis- cale, politiques en matière d’innovation, des PME, de la formation, de la culture, de la politique agricole, du sport, du patrimoine, de la politique environnementale et climatique, des trans- ports… et bien entendu aussi de l’organisation et de l’aménagement du territoire. La répartition des compétences et des budgets touristiques est donc souvent fragmentée entre différentes thématiques et entres les différents niveaux de pouvoir (du national au local) (Conseil Fédéral, 2018 ; Dagnies, 2008 ; Vlès, 2000). La Suisse a réalisé en 2017 une comparaison internatio- nale de la politique et de la promotion touristique (Conseil Fédéral, 2018) en se basant notam- ment sur les travaux de l’OCDE. Celle-ci montre que les politiques touristiques sont fortement transversales et que la coordination est un élément essentiel de réussite tant entre les diffé- rents secteurs politiques au niveau national qu’entre les différents niveaux de l’État (en lien avec la structure centrale ou fédérale des modèles institutionnels).

Jusqu’il y a peu, le secteur du tourisme n’était pas toujours reconnu à sa juste place par le monde politique et économique (Dagnies, 2008 ; Vlès, 2000). Il ne constituait souvent qu’un enjeu secondaire dans la distribution des portefeuilles ministériels et la compétence pouvait être morcelée. Le tourisme était même parfois oublié. Ainsi, en France, en 1999, lorsque la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire (dit « loi Voynet ») a décrété la réalisation de schémas de services collectifs, les services collectifs dans le do- maine touristique de rang national ont été omis (Vlès, 2000). Cité par J. Dagnies, J. Elliott insiste pourtant sur le rôle primordial que jouent les pouvoirs publics dans la fourniture de services et d’infrastructures essentiels au développement du tourisme (télécommunications, transports publics, réseaux routiers…). Un lien entre la part élevée du tourisme dans le PIB d’un pays et la façon dont les tâches stratégiques du tourisme sont institutionnalisées de ma- nière transversale peut être mis en évidence (Conseil Fédéral, 2018).

La politique touristique est elle-même multiple. Dans de nombreux pays, elle repose sur une base stratégique formulée par l’État comprenant assez classiquement une vision avec des objectifs et des mesures de mise en œuvre développées selon différents outils (Conseil Fédé- ral, 2018). La place de la coordination tant au niveau des politiques concernées que des ni- veaux de pouvoir y est centrale (Cf. ci-dessus). Un autre axe important au niveau des politiques touristiques nationales est la promotion. Cinq pays européens (Allemagne, Autriche, France, Italie et Suisse) ayant fait l’objet d’un examen approfondi dans le cadre de la compa- raison internationale réalisée en 2017 par la Suisse développent tous une politique nationale du tourisme. Celles-ci ont comme objectifs communs l’amélioration des conditions-cadres de l’industrie touristique, la coordination des unités administratives publiques impliquées et l’en- couragement du tourisme sous l’angle de l’offre comme de la demande. La politique du tou- risme se fonde dans tous ces pays sur le principe de subsidiarité.

L’Union européenne promeut, complète et coordonne l’action des États membres dans le sec- teur du tourisme mais il n’existe pas de programme de l’UE spécialement consacré à la pro- motion touristique. Les fonds structurels et d’investissement financent cependant différents programmes thématiques et initiatives communautaires, qui peuvent porter directement ou indirectement sur le tourisme. La sélection des projets intervient au niveau national et régional sur base d’objectifs fondamentaux et des priorités d’investissement définies de commun ac- cord.

Les mouvements de régionalisation et de décentralisation souvent accompagnés d’une plus grande autonomie des pouvoirs locaux, couplés au développement des politiques régionales européennes qu’a connu l’Europe à partir des années 1980 et 1990, ont mis en évidence le rôle de plus en plus important en matière de tourisme (stratégie et projets) des communes et/ou des regroupements de celles-ci au sein de collectivités (Dagnies, 2008 ; Escada- fal,2007 ; Vlès, 2000 et 2006). Ce qui peut rendre plus complexe le développement d’une po- litique touristique cohérente à l’échelle d’une région ou d’un état puisque que les leviers sont maintenant aux mains de groupements de communes dont les intérêts ne sont pas toujours identiques. J. Dagnies (2008) signale le bilan de nombreux projets cofinancés par l’Union eu- ropéenne qui ont « surtout contribué à améliorer le cadre de vie des communautés locales sans toujours répondre aux objectifs de développement touristique qui leur avaient été assi- gnés ».

En Belgique, le tourisme est actuellement presque25 de la compétence exclusive des régions26. En Wallonie, administrativement, le tourisme comprend le commissariat général au tourisme (CGT) et Wallonie-Belgique tourisme (WBT). Le CGT - lointain héritier du CGT belge créé dès 1939 - est responsable de la politique wallonne du tourisme et des relations touristiques inter- nationales. Depuis la sixième Réforme de l’État entrée en vigueur en 2017, les activités de promotion ont été placées sous le contrôle exclusif des régions et donc du WBT. Cette répar- tition entre administrations suit la « règle générale par laquelle la promotion du tourisme selon les règles de l’offre et de la demande est traitée dans le cadre de programmes d’encourage- ment distincts » (Conseil Fédéral, 2018).

25 Certaines compétences fiscales (la TVA par exemple) ou la législation relative aux heures d’ouverture et au repos hebdomadaire (centres touristiques) sont par ex. toujours des compétences fédérales.

26 En Belgique, l'exercice de compétences peut être transféré d'une entité fédérée à une autre. La Communauté germanophone et la Région wallonne ont plusieurs fois fait usage de cette faculté. C’est ainsi qu’en 2014, toutes les compétences en matière de tourisme ont été transférées de la Région wallonne à la Communauté germano- phone.

b) La planification touristique

Dans le cadre de cette recherche le terme planification n’est pas pris au seul sens écono- mique27 du terme. Une dimension spatiale, territoriale y est ajoutée. Les politiques touristiques ont souvent une base stratégique avec un volet stimulation de l’offre comme de la demande importante qui peut être considéré comme de la planification touristique. Cependant, l’aspect spatialisation est souvent peu apparent au sein de ces politiques. La planification touristique est même le plus souvent a-spatiale.

Selon Lozato-Giotart (2008), il n’y a pas eu pendant longtemps de véritables politiques touris- tiques, mais plutôt des stratégies spontanées à des échelles rarement supérieures à celle des communes. Les mesures d’encouragement au secteur de l’hébergement sont fort développées et très variables dans une série de pays européens (CEREMA 2014, Conseil Fédéral, 2018) sans que leurs conséquences territoriales ne soient souvent envisagées.

En Europe, la politique touristique menée par les Etats a d’abord visé à accroitre la capacité d’accueil des destinations et leur notoriété. Il faut attendre les années 1950 et 1960 pour voir l’émergence de l’aménagement par les pouvoirs publics de nouveaux espaces touristiques sous la forme de stations balnéaires ou de montagne. En Europe, l’âge d’or de la planification touristique est intimement lié au développement du tourisme de station (balnéaire et de mon- tagne). En France, les décennies 60 et 70 sont celles des grands programmes d’aménage- ment nationaux (Vlès, 2006). A l’origine c’était un modèle de développement, ex nihilo ou au départ d’un village existant, d’un « tourisme de construction » qui au fil du temps est passé à un modèle de développement d’un « tourisme d’exploitation » (Clivaz, 2013). La politique du tourisme des Etats européens s’étoffe ensuite par l’adaptation des plans directeurs d’aména- gement du territoire au phénomène touristique avec une implication plus grande des collecti- vités territoriales accompagnées d’aides financières en provenance de l’Europe. En France, depuis le code du tourisme de 2006, la commune ou le regroupement de communes est même officiellement en première ligne en matière de tourisme sur son territoire (Escadafal, 2007). Pour Hall C.M.(2008), au niveau mondial, les politiques du tourisme n’intègrent un aspect spa- tial que depuis les années 1970 en utilisant le tourisme comme un outil de développement régional. Il discerne trois phases : d’abord la fourniture d'infrastructures touristiques par les gouvernements (1970-1985) ; ensuite une prise en compte plus forte des problèmes environ- nementaux et le développement de partenariats public-privé pour les infrastructures (1985- 2000) et enfin l’admission des aspects sécurité et gestion de crise et plus globalement le chan- gement climatique et l'environnemental mondial.

Pour R. Lajarge, cité par Cerema (2014) « Ce qu’a été le tourisme en général et le tourisme de montagne en particulier jusqu’à maintenant a changé de nature : l’offre touristique ne peut plus se résumer à quelques offres exogènes posées sur le territoire, mais elle s’apparente de plus en plus à une construction qui doit composer avec le territoire ».