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V ISION EXPRIMEE PAR LE SECTEUR

4. VISIONS

4.3 V ISION EXPRIMEE PAR LE SECTEUR

La synthèse des propos tenus lors de la réunion du groupe de travail « Vision » du 12 novembre 2020 et des interviews complémentaires menées avec des responsables de Wallonie Belgique Tourisme (WBT), de la Petite Merveille et de l’Euros Space Center, a été organisée en quatre sections distinctes. La première vise à mettre en avant les points de vue défendus par les intervenants à propos des tendances actuelles et futures du tourisme en Région wallonne ou dans les régions limitrophes. La deuxième se penche spécifiquement sur les représentations relatives aux impacts de la pandémie de Covid-19 et des mesures sanitaires qui en résultent. La troisième porte plus spécifiquement sur les relations entre tourisme et aménagement du territoire. La quatrième enfin, rassemble des opinions formulées par rapport à différents aspects connexes à la recherche, notamment à propos de la reconnaissance des établissements touristiques.

4.3.1 Points de vue sur les tendances actuelles et futures du tourisme

Malgré la diversité des acteurs rencontrés (gestionnaires d’hébergement ou d’attraction touristique, responsables de services de développement local, responsable d’un organe de promotion), les points de vue sont globalement convergents.

De manière unanime, il est considéré que si toute activité ou tout lieu est susceptible aujourd’hui d’être objet de tourisme (donc de donner lieu à un usage touristique), la réussite d’un produit touristique repose plus que jamais sur sa capacité à offrir quelque chose de plus par rapport à ce qui existe par ailleurs et donc sur la capacité des opérateurs à en réinventer régulièrement l’attrait. Pour être couronné de succès, ce (re)façonnement devrait porter davantage sur les dimensions émotionnelles que matérielles du produit. Dans cette optique, il s’agit par exemple d’établir un « lien avec l’ADN d’un territoire », tout en donnant la possibilité de vivre une expérience singulière, « instagramable », qui justifiera le déplacement et le séjour. La logique de l’enrichissement des objets touristiques par des valeurs symboliques et des sensations primerait donc sur l’investissement dans la construction ou la rénovation des équipements. Par ailleurs, s’il s’avère de plus en plus indispensable d’intégrer les nouvelles technologies dans valorisation des objets touristiques, il importe qu’existe aussi des offres low- tech ou des équipements où il est possible de se déconnecter.

Les acteurs rencontrés estiment par ailleurs que le tourisme « vert » s’est affirmé ces dernières années et devrait se renforcer encore à l’avenir. Cette tendance se manifeste de plusieurs manières :

- Un attrait marqué pour les courts séjours dans des hébergements isolés, à l’écart des pôles touristiques, dans la forêt ou dans d’autres espaces de pleine nature, qui jouissent du calme et de la tranquillité. Les touristes concernés sont à la recherche tantôt d’une rupture avec les contraintes d’une vie quotidienne perçue comme trop rapide et trop connectée, tantôt d’un temps et d’un espace qui permettent de renouer les liens avec la famille proche, la famille élargie ou les amis. Ces courts séjours peuvent reposer aussi bien sur des pratiques de micro-aventure (voir par exemple l’engouement pour le bivouac), que sur la valorisation du do it yourself (faire son feu de bois, sa cuisine) ou le confort, tout en comprenant une forte dimension émotionnelle (vivre quelque chose de singulier).

- L’affirmation progressive de pratiques d’itinérance en mobilité douce, comme les randonnées de plusieurs jours à pied ou en vélo. Cette affirmation trouverait un terrain peu favorable en Wallonie en raison de l’absence d’hébergements d’étapes.

- Le tropisme pour un tourisme contemplatif et lent. Une part croissante des touristes serait soucieuse de prendre le temps de découvrir les environnements fréquentés et de s’immerger dans ceux-ci. De plus en plus de personnes en séjour accorderaient de l’importance à la convivialité et à l’intimité au sein du groupe visiteurs. Dans le contexte de la crise de la famille nucléaire, elles verraient dans les séjours touristiques une occasion de resserrer les liens familiaux, tout en se déconnectant des réseaux en tout genre.

- Une sensibilité accrue pour les questions environnementales dans le cadre des déplacements et des séjours.

4.3.2 Représentations des effets de la pandémie de Covid-19 sur le tourisme

En la matière les avis convergent à propos des effets à court terme de la pandémie sur le tourisme, mais divergent assez fortement à propos de ses impacts à plus long terme.

Les intervenants constatent qu’en 2020, l’arrêt des mobilités touristiques observés de la mi- mars à la mi-juin a été suivi par une reprise très sensible de la fréquentation en juillet et en août, du moins dans les espaces situés en dehors des principales agglomérations. En Région Wallonne, deux tendances semblent avoir coexisté au cours de l’été 2020. D’une part, les pratiques diffuses de randonnés et de promenades, en particulier à vélo, auraient connu un important succès. Il s’agissait notamment pour les touristes ou excursionnistes de valoriser l’achat d’un nouveau vélo pendant ou suite au confinement. De manière plus large, toutes les activités en extérieur auraient suscité un engouement considérable. D’autre part, selon certains acteurs, des lieux de polarisation des flux, comme les parcs d’attractions et les principales grottes, auraient connu une fréquentation élevée. Cette seconde tendance ne manque pas d’étonner, puisqu’au même moment les villes ont été largement délaissées, semble-t-il en raison de la crainte des touristes d’être confrontés à la foule. La réservation en ligne - afin de permettre de lisser la fréquentation sur la journée – qui s’est généralisée pendant cette période pourrait peut-être expliquer partiellement ce paradoxe.

SUBVENTION 2020·RAPPORT FINAL ·IGEAT/LEPUR·DECEMBRE 2020 L’été 2020 a aussi constitué un terrain propice à l’innovation, notamment en matière d’hébergement. Plusieurs intervenants soulignent à cet égard le succès rencontré par de nouvelles formules d’hébergement « éphémère », l’équivalent touristique des Pop-up stores, comme le Glamping Adventure Valley (200 tentes de safari et lodges, d’habitude réservés aux clients du camping de Tomorrowland, ont été installés sur les 35 hectares du golf de Durbuy) ou le Basecamp Connections Deluxe proposé par le tour-opérateur Connections.

A plus long terme, certains acteurs estiment qu’une fois la population majoritairement vaccinée et la circulation du Sars-Cov2 maitrisée, les mobilités touristiques pour motifs de loisirs redeviendront comme avant la pandémie, avec un tropisme marqué pour les séjours à l’étranger. Comme le mentionne un intervenant : « les gens ont tendance à oublier rapidement ». Ce retour à une situation pré-Covid-19 serait d’autant plus facile que le confinement puis les restrictions aux mobilités internationales auraient attisé la soif de voyager chez de nombreuses personnes.

D’autres participants considèrent au contraire que la pandémie va laisser des traces plus durables sur les pratiques des touristes. Ils estiment par exemple que le report vers la Wallonie de déplacements qui se seraient fait ailleurs sans la pandémie a permis de fidéliser de nouvelles clientèles, qui auraient été séduites par les multiples charmes d’un territoire pourtant situé à proximité de leur lieu habituel de résidence. Les mêmes acteurs estiment que les mobilités internationales, surtout celles en provenance des marchés lointains, resteront modestes dans les prochaines années, compte tenu de la dégradation sévère de l’image de marque de l’Europe pendant la pandémie. Plusieurs intervenants soulignent aussi que la crise sanitaire va encourager l’usage par les opérateurs touristiques de nouvelles technologies, comme les technologies sans contact. Il est également souligné par certains que le Covid-19 conduit et conduira à de nombreuses faillites dans le secteur touristique, avec une différenciation très marquée selon que les opérateurs étaient ou pas en bonne santé financière au préalable, et qu’ils ont ou pas mis à profit la situation exceptionnelle pour se réinventer. Au-delà de ces divergences de points de vue, les personnes rencontrées estiment que le secteur du MICE sera durablement affecté par la pandémie et ses suites, en raison du succès fulgurant rencontré par les outils de communication à distance, y compris pour l’organisation de salons.

4.3.3 Approches des relations entre tourisme et aménagement du territoire

De manière générale, les intervenants observent qu’en Région wallonne des formes concentrées et diffuses de tourisme continuent à coexister. Les premières concernent aussi bien les principales villes, que les grandes attractions (comme Pairi Daiza ou Walibi) et les polarités touristiques en milieu rural. Les secondes se rencontrent principalement dans l’Ardenne touristique, au sein des espaces agricoles et/ou forestiers.

Plusieurs acteurs estiment que les formes concentrées de tourisme « posent problème », car elles conduisent à des phénomènes d’engorgement, par exemple dans les grands pôles touristiques en milieu rural que sont Durbuy, Bouillon et La Roche. Pour contrecarrer ces derniers, ils plaident pour une répartition plus équilibrée des flux, par le biais de la valorisation de territoires ou d’objets touristiques moins connus et l’encouragement, notamment par le développement d’une offre en hébergements d’étapes, des mobilités douces. D’autres acteurs, au contraire, insistent sur la nécessité de développer des nouveaux hébergements de grande capacité (du type Sun Park, par exemple), comprenant des équipements récréatifs diversifiés (notamment une piscine), et susceptibles de favoriser des séjours plus longs (au moins une semaine), dans un contexte dominé par les séjours courts et très courts.

Quelques intervenants estiment par ailleurs que les zones de loisirs du Plan de secteur ne sont plus adaptées aux besoins des opérateurs : la plupart sont sous-dimensionnées et mal localisées. Un acteur assène d’ailleurs que la moitié de la surface des zones de loisirs est inoccupée et inoccupable compte tenu de l’évolution des attentes du public. Délimitées dans le contexte des années Golden sixties, alors que le développement du tourisme reposait sur la construction d’hébergements de grande capacité, elles ont perdu leur pertinence, au fur et à mesure qu’émergeait une demande pour des hébergements plus petits, plus discrets et garantissant le calme à leurs usagers. Des intervenants plaident donc pour que le législateur procède, selon une logique compensatoire en termes d’affectation, au déclassement de certaines zones de loisirs et à la délimitation de nouvelles, en tenant mieux compte des réalités du marché touristique contemporain. Dans la même optique, la possibilité devrait être donnée aux opérateurs touristiques d’implanter des hébergements ou des équipements légers dans des portions bien délimitées dans des zones forestières et/ou à proximité de points de vue, selon des règles très strictes d’exploitation.

Au-delà de la question de l’ouverture éventuelle de portions de massifs forestiers à l’implantation d’hébergements touristiques, plusieurs intervenants soulignent que la forêt ardennaise fait l’objet d’un usage touristique intense, mais informel – donc très mal pris en compte -, par le biais de la promenade ou de la randonnée, à pied, en VTT, mais aussi en véhicules motorisés. Ces activités de plein air, souvent mal réglementées, exercent une pression non négligeable sur les espaces concernés.

Sur le plan des mobilités, il est admis par tout.e.s qu’en Wallonie l’accès aux lieux touristiques, en particulier les plus isolés d’entre eux, continuent à reposer sur la voiture individuelle. Il s’agit d’une tendance structurelle, qu’il paraît difficile de contrer, du moins en l’état actuel de la situation. Comme le glisse un acteur : « en la matière, il convient de rester réaliste ». Toutefois, plusieurs acteurs plaident pour que davantage d’efforts soient accomplis en faveur des modes de transports alternatifs, tant en ville qu’en dehors. Ils suggèrent par exemple de développer les infrastructures de rechargement pour les vélo et VTT électrique, de multiplier les casiers de rangement du matériel et les places de stationnement dédiées pour les motos et les vélos, ou d’aménager davantage de haltes fluviales.

A l’échelle locale, les participants mettent en avant deux enjeux principaux des relations entre tourisme et aménagement du territoire. Ils soulignent tout d’abord les problèmes liés à la cohabitation de différents usagers au sein des mêmes espaces. Autour des hauts lieux touristiques, par exemple les lacs de l’Eau d’heure, des tensions naissent aujourd’hui entre différentes catégories d’usagers, en particulier les excursionnistes et les touristes en séjour. En été, les parkings et les zones de détente sont saturées, ce qui incommode les touristes en séjour. Certains intervenants attirent par ailleurs l’attention sur la sous-occupation des résidences secondaires, dont les lits restent « froids » pendant une bonne partie de l’année. Même si d’autres acteurs soulignent que la mise en location temporaire et le prêt à des membres de la famille ou des amis peuvent augmenter le taux d’occupation des résidences secondaires, il n’en reste pas moins que leur « efficience » reste faible, tant en termes d’occupation du territoire que de retombées économiques.

Enfin, plusieurs réflexions ont été formulées à propos de la localisation des établissements eux-mêmes. Pour les intervenants, un établissement est considéré comme « mal localisé » soit lorsque son activité dérange les voisins, soit lorsqu’il est inaccessible en voiture. Sur base de ce constat, certains acteurs plaident pour que davantage d’établissements soient localisés à l’écart des petites villes et des villages, dans des endroits isolés mais accessibles, pour des touristes qui séjournent « en autonomie ».

SUBVENTION 2020·RAPPORT FINAL ·IGEAT/LEPUR·DECEMBRE 2020

4.3.4 Vues par rapport à des éléments connexes

Lors des échanges avec les acteurs, plusieurs thèmes ont été abordés spontanément par les intervenants. A cet égard, il convient de retenir que :

- Plusieurs acteurs considèrent que la catégorisation et le classement existants sont trop rigides et obsolètes, notamment en raison du caractère de plus en plus hybride des établissements touristiques.

- Certains acteurs estiment que la reconnaissance elle-même doit être remise en question car un nombre croissant d’opérateurs ne voient plus l’intérêt de l’obtenir. Ils estiment toutefois qu’il est indispensable de mettre en place des filtres légaux avant d’autoriser l’ouverture d’un établissement touristique. Ces filtres devraient prendre en compte des critères comme la préservation du patrimoine naturel, la conformité au Plan de secteur, les normes de sécurité et le respect des règles environnementales. Dans cette optique, l’idée d’un permis unique d’exploitation, qui établirait les règles à respecter simultanément sur les plans urbanistique, environnemental et touristique, reçoit un accueil favorable auprès de plusieurs intervenants.