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Le croisement de deux mondes

2.3 C ONTEXTUALISER LA RECHERCHE

2.3.2 La régulation de l’implantation touristique

2.3.2.2 Le croisement de deux mondes

L’aménagement du territoire et le tourisme sont deux domaines très différents que cela soit en termes d’acteurs concernés, de logique de fonctionnement ou des secteurs d’activités impli- qués. La planification (territoriale) du développement de l’activité touristique ne signifie pas exactement la même chose pour ces deux mondes. Amenés à collaborer, ils ne se compren- nent pas toujours car ne parlant pas le même langage. Ainsi, ils ne travaillent pas à la même échelle de temps ni à la même échelle spatiale et n’ont pas d’objectifs ni d’attentes similaires (Adeus, 2016 ; Cerema, 2014 ; Vlès, 2000). L’aménagement du territoire se pense sur le long terme, utilise la prospective, a recourt à la planification territoriale et prescriptive et s’envisage

pour un vaste territoire alors que le tourisme (stratégie et projet) est dans la saisonnalité et le court terme, les logiques de l’action et de concrétisation de projet et le site. Il y a donc peu de plans ou schémas d’aménagement du territoire aux échelles macros qui prennent en compte le développement touristique et qui intègrent une spatialisation touristique. Le tourisme est pris en charge au niveau opérationnel et plus local. De plus, le tourisme est un secteur économique caractérisé par une demande très changeante, aux multiples formes qui « rend difficile l’action à long terme d’aménagement du territoire » (Vlès, 2000). La notion de services associés no- tamment aux infrastructures d’hébergements est aussi de plus en plus importante (Mochon, 2012) et sort pour une bonne part du champ de l’aménagement du territoire.

Le secteur du tourisme se caractérise par sa complexité due à sa transversalité, sa pluridisci- plinarité et sa multiplicité d’acteurs mais aussi par son ancrage au territoire (Adeus, 2016 ; Conseil Fédéral, 2018 ; Férérol, 2015 ; Mochon, 2012 ; Vlès, 2000 et 2006) :

- Le secteur du tourisme est transversal et pluridisciplinaire. Il regroupe des activités très variées. Sans être exhaustifs, citons l’accueil / l’information / l’animation / la communi- cation / la promotion / le marketing touristique ; la production d’équipements / d’héber- gements / de services ; la commercialisation / la réservation / l’exploitation / la gestion d’équipements / d’hébergements / de services ; l’observation / la connaissance / la qualification / la labellisation. Celles-ci se retrouvent parfois associées à d’autres sec- teurs de l'économie comme la construction, les transports, la culture… Seulement une infime partie de ces activités est régie par l’aménagement du territoire au niveau de la régulation de l’implantation des activités.

- Le tourisme compte de nombreux acteurs tant publics que privés dont les compétences et les moyens se recouvrent partiellement et dont les intérêts et comportements peu- vent différer (Vlès 2000). La mixité des interventions publiques et privées est une par- ticularité du secteur de la production du tourisme.

- Le tourisme est « étroitement lié à son lieu d’exercice » (Mochon, 2012). « Le produit touristique n’est pas mobile, il exige d’être consommé in situ par le touriste » (Férérol, 2015). Cet ancrage au territoire, à son contexte spatial, est fort pour le tourisme qui tient compte des potentialités et des contraintes du site pour l’installation des infras- tructures touristiques et qui se base sur les ressources28 touristiques du territoire comme les paysages, les villes et villages, les ressources naturelles…. Ce territoire est, dans la majorité des cas, un espace approprié par une population de résidents (population locale, touristes…) et de visiteurs (travailleurs, excursionnistes…). Il est aussi géré par des autorités publiques en termes d’aménagement du territoire et donc, de régulation de l’implantation des activités touristiques.

Selon les auteurs cités par M. Férérol (2015), « Depuis quelques années maintenant, les des- tinations touristiques sont vues comme des systèmes d’acteurs et non plus comme des simples lieux géographiques (Botti, 2011 ; Clergeau et Violier, 2013 ; Leroux et Pupion, 2014…) ». Ainsi pour Mochon (2012), aujourd’hui, les projets touristiques pour se concrétiser et prospérer se doivent d’associer trois composantes : l’entreprise, le territoire et le client/visi- teur. Un projet limité à un binôme ne fonctionnera pas : le duo entreprise - client /visiteur risque de voir son projet rejeté par le territoire (autorités publiques et/ou population locale) ; un projet issu d’une paire - territoire et client/visiteur - peut devenir un « gouffre pour les finances

28 « Le terme « ressource » désigne la mise en valeur d’un capital, dit naturel (ressources minérales, énergétiques

mais aussi avantages de localisation) ou encore matériel (machines, etc.), exploité par une société donnée à un moment donné dans le but de créer des richesses. Le terme « ressource » a ensuite été étendu à des biens immatériels, les capitaux par exemple (ressources financières), ou les « ressources humaines » (capacités de travail, d'innovation, etc.) » (DGESCO & ENS de Lyon, 2020. Geoconfluences).

publiques » ; enfin, un projet émanant du couple - entreprise et territoire - sera vraisemblable- ment dépassé quand il se concrétisera (la demande du client aura changé). Cette prise en compte de la demande (le visiteur) et non plus seulement de l’offre pour envisager le dévelop- pement touristique d’un territoire « constaté ou voulu comme tel » est confirmé par A. Esca- dafal (2015). Le territoire ne se construit plus seulement de l’intérieur (endogène) mais de l’extérieur. Toujours selon ce même auteur, il y a un « décalage entre les représentations que les consommateurs se font des territoires et lieux touristiques et la définition politique et admi- nistrative desdits territoires ». Cette différence est moins marquée pour le territoire touristique urbain (de niveau mondial ou local).

La même logique peut être appliquée à l’élaboration d’un outil d’aménagement du territoire. Il faut que les producteurs d’offre touristique mais aussi que les clients (demande) soient asso- ciés dès l’amorçage du processus. Il faut d’abord comprendre les rôles, les échelles d’inter- vention, le niveau d’implication de chacun des acteurs touristiques mais aussi leurs stratégies et leurs projets pour seulement après pouvoir appréhender les enjeux et les perspectives de développement touristique d’un territoire (Adeus, 2016).

La stratégie touristique et la stratégie territoriale ont des intérêts, si pas totalement communs, complémentaires (Adeus, 2016 ; Cerema, 2014). La portée touristique d’un document de pla- nification d’aménagement du territoire se limite au niveau spatial. Ce n’est pas un outil de communication ou de marketing touristique et encore moins un outil de gestion d’héberge- ments ou d’équipements. « Il n’entre donc pas en concurrence avec d’autres acteurs ou d’autres outils de développement purement touristiques. Il les complète, car son caractère prescriptif lui confère une compétence que les autres acteurs du tourisme n’ont pas » (Adeus, 2016). Une planification spatiale intégrant les stratégies touristique et territoriale à l’échelle de l’ensemble d’un territoire donné (par ex. supra-communal) peut cependant constituer un outil particulièrement pertinent pour une majorité de parties prenantes, en particulier du secteur public (Almeida J., Costa C. et Nunes Da Silva F., 2017). Ces mêmes auteurs mettent en évidence que le manque d’évaluation de la planification territoriale et touristique est également pointé par les acteurs comme source de conflits entre les acteurs du tourisme et du territoire.